
Sur le plus important complexe industriel de défense du pays, à Unterlüss, dans les plaines boisées du nord de l'Allemagne, le chancelier Olaf Scholz a donné, lundi 12 février, le premier coup de pioche d'une future unité de production d'armements.
Dans une Europe à la peine pour alimenter l'Ukraine en munitions, le fabricant allemand Rheinmetall investit sur le long terme avec une nouvelle usine d'obus et l'ambition de multiplier sa production par dix.
Elle doit produire, à partir de 2025, des munitions d'artillerie de 155 millimètres, en visant progressivement une capacité de 200 000 obus par an.
Il s'agit, selon le chancelier, d'un "signal" à l'adresse des Européens appelés à muscler la base industrielle de défense du continent, en privilégiant les commandes groupées et de long terme. "Nous devons (...) nous tourner vers la production d'armements à grande échelle", a martelé Olaf Scholz.
"Dissuader les éventuels agresseurs"
Malgré les milliards d'euros d'armes livrées par les pays de l'Union européenne à l'Ukraine depuis le début de l'invasion russe, ceux-ci sont encore loin d'avoir atteint une capacité suffisante pour soutenir durablement le pays et reconstituer leurs propres stocks.
Il s'agit pourtant d'une "nécessité urgente. Car aussi dure que soit cette réalité, nous ne vivons pas en temps de paix", a souligné le chancelier pour qui les "ambitions impériales" du président russe, Vladimir Poutine, représentent "une menace majeure".
Dans cette situation, "celui qui veut la paix doit réussir à dissuader les éventuels agresseurs", estime le chancelier. Pour cela, il faut une coopération industrielle "plus étroite" entre les Vingt-Sept.
"Une défense forte nécessite une base industrielle solide. Celle-ci verra le jour si nous, Européens, regroupons nos commandes, si nous mettons en commun nos moyens et donnons ainsi à l'industrie des perspectives pour les 10, 20 ou 30 prochaines années", a-t-il souligné.
L'Allemagne a longtemps été un mauvais exemple, a reconnu Olaf Scholz, car la politique d'armement "a été menée comme s'il s'agissait d'acheter une voiture", alors que les industries de défense ont besoin de planification à long terme pour investir dans de nouvelles capacités.
"Si je veux acheter une Golf dans deux ou trois ans, je sais qu'elle sera en stock", a-t-il dit, filant la métaphore automobile. Mais "les chars, obusiers, hélicoptères et systèmes de défense aérienne ne sont pas disponibles sur une étagère" et ont besoin de commandes garanties par des États.
Rheinmetall veut produire, sur l'ensemble de ses sites en Europe, jusqu'à 700 000 obus d'artillerie par an en 2025, contre 400 à 500 000 cette année. Avant l'invasion russe de l'Ukraine, il n'en produisait que 70 000.
Objectif : deux à trois millions d'obus produits par les Européens
Le plus grand fabricant allemand d'armements "dispose déjà d'une capacité plus élevée que celle des États-Unis" en matière de production d'obus de 155 millimètres, assure à l'AFP le patron de Rheinmetall, Armin Papperger.
À l'avenir, "les États-Unis voudraient produire un millions d'obus par an et l'Europe deux à trois millions grâce à une union entre partenaires européens", ajoute-t-il.
Les Européens n'auront fourni fin mars que la moitié du million d'obus promis à l'Ukraine l'an dernier.
Le complexe Rheinmetall d'Unterlüss produit déjà des obus de 120 millimètres destinés aux chars Leopard 2, utilisés sur le front ukrainien. De 60 000 pièces produites par an avant 2022, la cadence est montée à 240 000.
Mais à raison de milliers de tirs quotidiens, les troupes ukrainiennes ont des besoins très élevés, et urgents, pour tenter de repousser l'invasion russe.
Et les armées des pays européens ont leur propres manques à combler. Après des années de sous-investissement, les stocks de l'armée allemande sont vides, et ses besoins en munitions sont estimés à environ 40 milliards d'euros par Rheinmetall.
Face au chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, en visite en Ukraine la semaine dernière, le ministre ukrainien des Affaires étrangères, Dmytro Kouleba, avait appelé à la naissance d'un véritable "marché unique" de la défense dans l'UE, dont les Vingt-Sept sont encore loin.
Avec AFP