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Younous Omarjee : "Nous lançons un quasi-plan Marshall permanent à l’échelle de l’Union européenne"

Ici l'Europe se penche en cette période estivale sur l'économie de nos régions. Les plus pauvres d'entre elles sont fortement aidées par la solidarité européenne, à travers le budget courant et le grand plan de relance. Fin 2022, et pour la toute première fois de l’histoire, les 27 ont accepté de s’endetter ensemble pour redynamiser, verdir et numériser leurs économies à hauteur de 800 milliards d’euros. Un an et demi après, nous faisons le point sur ces aides ciblées avec Younous Omarjee, le président français (LFI) de la Commission du développement européen au Parlement européen, qui appartient au Groupe de la Gauche (39 eurodéputés). 

“Je suis très à l’aise dans ces responsabilités” affirme Younous Omarjee “parce que la politique de cohésion porte un objectif qui est très vertueux : l’objectif d’égalité. La politique de cohésion a permis de tempérer considérablement les impacts de la crise.[...] C'est quasiment un plan Marshall permanent à l'échelle de l'Union européenne” compare-t-il.  L e président de la Commission du développement européen revient sur l’épisode du Covid-19 : “Pendant la pandémie, certaines de nos entreprises étaient menacées de fermeture. Et nous avons pris des mesures d'urgence pour soutenir, par exemple, le chômage partiel. Nous avons apporté notre contribution pour sauver des vies, parce que, souvenez-vous, les régions, y compris les régions françaises, avaient du mal à acheter des masques. Pour acheter des respirateurs artificiels, nous avons mis sur la table un plan pour les aider” se souvient Younous Omarjee. 

“Ce plan de relance n'a pas été utilisé par tous les pays, et je pense que cela doit tout de même nous interroger”, estime-t-il. “ Il montre en tout cas que lorsque l'on met de l'argent sur la table, lorsqu'on ouvre un peu les vannes , o n peut  atteindre les objectifs qu'on s'est fixés en matière de croissance et en matière d'emploi, et cela devrait faire réfléchir toutes celles et tous ceux qui veulent qu'on revienne dans les clous des règles de l'orthodoxie budgétaire.”

Les régions et la solidarité européenne

Originaire de La Réunion, une île peuplée de 870 000 habitants qui bénéficie d’1,4 milliards d’euros de fonds structurels, soit trois fois plus qu’un pays comme le Danemark, Younous Omarjee explique cette différence : “Moins on est une région développée et plus on bénéficie de la solidarité de l'union européenne. C’est une face très positive de l'Union européenne . Et à l'île de La Réunion , je faisais remarquer que les Réunionnais doivent avoir conscience qu'ils sont plus soutenus que des pays qui ont des millions et des millions d'habitants. Mais la réalité, c'est que nous sommes encore très en retard par rapport au niveau de convergence que nous voulons atteindre. Et c'est l'objectif de la politique de cohésion: permettre le rattrapage des retards, réduire les fractures” rappelle-t-il. 

La question de la pêche

Cette origine insulaire le pousse-t-elle à soutenir les pêcheurs coûte que coûte ? “Je suis le premier, ici, au Parlement européen, à porter ce combat pour la défense de nos océans, des grands fonds marins, qui sont devenus de véritables cimetières avec la pêche industrielle. Mais nous devons, dans les régions ultrapériphériques, corriger une injustice", martèle-t-il. “Parce que quatre-vingt-dix neuf pour cent des captures dans l'océan indien sont le fait des grandes flottes industrielles européennes et internationales, et ce ne sont pas les petits pêcheurs réunionnais qui créent les désordres écologiques. Donc, ce que nous avons demandé à la Commission européenne, ce qu'elle a accepté d'ailleurs au départ, c'est de pouvoir moderniser les petites barques des pêcheurs artisans et nous faisons le choix du développement d'une petite pêche qui participera par ailleurs au développement régional. On est dans une situation aujourd'hui, où on importe du poisson d’ailleurs !"  déplore Younous Omarjee. 

Les États membres se désengagent de leurs missions régaliennes

Autre problème lié à l’eau, son accès que l’on se trouve dans une zone insulaire ou au cœur de l’Europe. “Les populations sont face à des coupures d'eau permanentes et n'ont pas toujours accès à l'eau potable. Et lorsque je suis parti en Slovaquie, je me suis rendu compte que ce qu'on appelle des communautés marginalisées, à savoir les Roms, étaient confrontés aux mêmes situations. Je pense que c'est une honte. Une honte pour la France que, dans ses Outre-mer, les conditions primaires de vie digne ne soient pas remplies” s’insurge le président de la Commission du développement régional , même s’il reconnait les limites de la gestion régionale des aides européennes .

“L'investissement de l'Union européenne à travers les fonds structurels est important mais le résultat, c'est que nous n’atteignons pas la performance pour les fonds européens, c'est-à-dire que les objectifs que nous avons fixés pour le développement ne sont pas remplis. "Pourquoi ?” questionne-t-il. “Lorsque l'État membre déserte les investissements dans le domaine de la santé, de l'éducation, de la sécurité, sur ses compétences régaliennes, comment voulez-vous que les fonds européens qui arrivent en cofinancement puissent atteindre leurs résultats? L'Union européenne fait des efforts vis-à-vis des régions ultrapériphériques et la France doit en même temps amplifier son action” argumente Younous Omarjee. 

Les élections européennes de 2024

Le député européen  s’est aussi exprimé sur les élections européennes à venir et une potentielle alliance entre son parti la France Insoumise et autres forces politiques qui forment la NUPES. “Je pense que cette alliance a du sens. Face à ce que risque d'être le futur Parlement européen, avec une extrême droite renforcée, et sans doute aussi avec une nouvelle alliance réactionnaires entre le PPE, l’ECR et l'extrême droite sur certains textes écologiques, sociaux ou féministes, par exemple, il faut faire obstacle à ces avancées qui visent à mettre un point final au progrès. Nous devons nous donner toutes les chances pour être plus fort et pour être ensemble” appelle-t-il. “ Et croyez bien que si cet accord ne se fait pas, j'espère qu'il se fera, mais si cet accord ne se fait pas, nous sommes totalement prêts pour aller à la bataille” conclut l'eurodéputé LFI.

Emission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats

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