Marquée par l'annonce d'un montant record de 13 milliards d'euros d'investissements, la sixième édition du sommet "Choose France" a confirmé lundi l'attractivité de l'Hexagone auprès des investisseurs étrangers, malgré une fiscalité élevée et un climat social tendu.
Treize milliards d'euros et 8 000 emplois à la clé : la sixième édition du sommet "Choose France" a été marquée, lundi 15 mai, par des annonces d'investissements massifs dans l'Hexagone, confirmant ainsi l'attractivité du pays malgré une importante pression fiscale sur les entreprises et un climat social électrique lié à l'impopulaire réforme des retraites.
Parmi les projets phares dévoilés par l'Élysée : une usine de production de batteries nouvelle génération du taïwanais Prologium à Dunkerque ou encore une usine de fabrication de panneaux photovoltaïques par Holosolis, une émanation du groupe européen Innoenergy.
"[...] Malgré la crise des gilets jaunes, malgré la guerre [en Ukraine], malgré l’inflation, malgré les protestations, il y a une totale constance des politiques macroéconomiques", s'est félicité, lundi, Emmanuel Macron dans un entretien accordé au journal l'Opinion.
"Tous les investissements qui se font aujourd'hui sont le fruit de mois, voire d'années de négociations", a assuré de son côté le ministre de l'Économie, Bruno Le Maire, qui doit rencontrer en fin d'après-midi au château de Versailles le patron de Tesla et Space X, Elon Musk, également reçu dans la matinée par le président de la République.
L'homme d'affaires n’a toutefois pas fait d'annonces concrètes d’investissements pour "Choose France" mais des "négociations sont en cours", a révélé Bruno Le Maire.
La France championne d'Europe
Selon le baromètre de référence publié jeudi par le cabinet Ernst and Young (EY), la France décroche ainsi, pour la quatrième année consécutive, la place du pays le plus attractif au niveau européen avec 1 259 projets à capitaux majoritairement étrangers implantés sur le territoire en 2022, dont 40 % dans l'industrie.
"Il y a longtemps eu un problème de compétitivité en France avant un retournement qui s'est opéré à partir 2015 puis s'est accéléré en 2017, quand des mesures de réductions d'impôts sur les sociétés, de baisses des charges sociales ou encore de réformes du marché du travail ont été mises en place", juge Marc Lhermitte, associé à Ernst and Young (EY).
"À ces mesures tangibles, s'est ajouté une dynamique positive sur l'image d'une France plus ouverte à l'international et plus innovante, notamment avec la création du crédit d'impôts recherche", poursuit l'expert.
"L'attractivité se mesurant sur le long terme, il est toutefois difficile d'évaluer l'impact de telle ou telle mesure", nuance Isabelle Méjean, économiste et professeure à Sciences-Po. "Cependant, de gros efforts ont été faits en France depuis les années 2010, notamment pour réduire le coût du travail sur les bas salaires".
Un effet Brexit
Dans le même temps, le Brexit a entamé la compétitivité du Royaume-Uni, qui a continué de décrocher en 2022 avec 929 projets, soit une baisse de 6 % par rapport à 2021, selon EY.
"Il est désormais beaucoup plus difficile pour Londres de convaincre les maisons-mères des grandes entreprises d'investir au Royaume-Uni pour réexporter en Europe à cause d'une série de complexités logistiques et administratives", analyse Marc Lhermitte.
"Le Royaume-Uni était historiquement une destination qui attirait beaucoup l'investissement direct à l'étranger (IDE). Donc, forcément, le Brexit a permis d'améliorer un peu la situation française", explique Isabelle Méjean, qui rappelle que la France a toujours été bien placée dans les classements mesurant l'attractivité.
Outre sa stabilité politique, sa main d'œuvre qualifiée parmi la plus productive au monde, "la France a une position centrale dans le marché unique. L'accès au marché européen reste le facteur le plus déterminant" pour les investisseurs.
Aujourd'hui, les IDE représentent un atout majeur pour l'économie française. "Selon l'Insee, les entreprises à capitaux étrangers pèsent 35 % de nos exportations industrielles ainsi qu'un quart de nos activités de recherche et développement privé. C'est considérable", estime Marc Lhermitte.
Bémol sur l'emploi
Si le constat semble a priori flatteur pour l'économie tricolore, les experts soulignent dans le même temps les limites de l'IDE en France. À commencer par son impact sur l'emploi, beaucoup plus faible dans l'Hexagone comparé à nos voisins. En moyenne, un investissement étranger permet de créer 33 nouveaux emplois en France contre 58 en Allemagne.
"En France, beaucoup d'investissements sont réalisés dans des activités de recherche et développement ou dans le domaine de la finance qui ne vont pas générer beaucoup d'emplois, et en particulier des emplois industriels", note Isabelle Méjean.
"À cause du coût du travail et de la complexité administrative, on crée presque deux fois moins d'emplois en moyenne par projet par rapport à nos principaux concurrents. C'est un vrai sujet mais il faut rappeler que les IDE en France ont tout de même permis de créer 40 000 emplois en France en 2022. Ce n'est pas rien", souligne Marc Lhermitte.
Mais la France sera-t-elle capable de retenir ces investisseurs à l'avenir ? L'inquiétude est palpable au sein du gouvernement depuis l'adoption, en août 2022, de l'Inflation Reduction Act (IRA), un plan américain d’incitations fiscales de plus de 350 milliards d'euros dirigées vers la transition énergétique et qui pourrait faire de l'ombre à l'industrie européenne.
"C'est une véritable menace car les entreprises qui sont actuellement pénalisées par l'inflation et des taux d'intérêt qui augmentent cherchent à réduire les risques financiers", prévient Marc Lhermitte. Face à l'agressivité du plan américain, "les Européens vont devoir faire preuve de rapidité et de clarté pour permettre aux entreprises de conserver leurs activités sur le continent".