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Face à face Erdogan - Kilicdaroglu : ce qu'il faut retenir des élections en Turquie

Au lendemain des élections présidentielle et législatives en Turquie, l'attente a été longue pour voir les résultats définitifs enfin proclamés. Recep Tayyip Erdogan a obtenu 49,51 % des suffrages, contre 44,88 % pour Kemal Kilicdaroglu. Un second tour se tiendra le 28 mai. Voici ce qu'il faut retenir de cette nuit électorale.  

Après une nuit passée à scruter les résultats de l'élection présidentielle du 14 mai, la Turquie s'est réveillée un peu groggy. Il aura fallu attendre un grande partie de la journée pour avoir les résultats définitifs, Recep Tayyip Erdogan a obtenu 49,51   % des suffrages, contre 44,88   % pour Kemal Kilicdaroglu, le candidat unique de six mouvements d'opposition, selon les résultats définitifs  rapportés par l'agence de presse officielle Anadolu

Türkiye 13'üncü Cumhurbaşkanı'nı belirlemek için oyunu verdi

AA verilerine göre sabah saat 09.10 itibarıyla yüzde 99.01'i açılan sandıklarda Recep Tayyip Erdoğan'ın oyu yüzde 49.36, Kemal Kılıçdaroğlu'nun oyu yüzde 44.99 #seçim2023 https://t.co/ubqPbnrTAr pic.twitter.com/A3Pt8hlH6w

— Habertürk (@Haberturk) May 15, 2023

France 24 revient sur les principaux enseignements de la nuit.

Erdogan en avance

Recep Tayyip Erdogan a fait mentir tous les sondages. Tous annonçaient Kemal Kilicdaroglu largement devant le  président-candidat. Or, il affiche une avance de 2,6   millions de voix sur son rival .

"Nous ne savons pas encore si l'élection est terminée avec ce premier tour mais si le peuple nous emmène au second tour, nous le respecterons" a promis Recep Tayyip Erdogan lors d'une prise de parole aux accents de victoire à Ankara.

Le leader de l'AKP attend le décompte des votes des citoyens turcs vivant à l'étranger soit 3,4 millions de personnes. Selon les résultats définitifs, il obtient 57,19 % des voix contre 39,85 % pour  Kemal Kilicdaroglu. En 2018, il avait recueilli 60 % des votes à l'étranger. 

"Erdogan  est en difficulté mais c’est relatif, estime Bayram Balci, chercheur au CERI-Sciences-Po à Paris et ancien directeur de l'Institut français d'études anatoliennes (IFEA) . Il a quand même recueilli 49   % des voix et, au deuxième tour il y a de fortes chances qu’il soit favorisé. Le petit parti de Sinan Ogan  qui a reçu 5% des voix, va être en quelque sorte l’arbitre. Il est probable que ce parti nationaliste fasse du marchandage et réussisse à s’entendre avec Erdogan".

En 2018,  Recep Tayyip Erdogan avait remporté le scrutin dès le premier tour avec 52,5 % des voix.

🇹🇷🗳️ Le recul d'Erdogan en Anatolie et dans les régions touchées par le séisme de février est réel, mais loin d'être massif. Et les progressions de Kilicdaroglu dans les zones urbaines, la côte ouest de la Turquie et le Kurdistan sont significatives mais pas suffisantes. pic.twitter.com/1YGmtDL2mw

— mathieu gallard (@mathieugallard) May 15, 2023

Bataille de chiffres

Selon Ekrem İmamoğlu, le décompte interne de l'opposition montrait que Kemal Kilicdaroglu avait obtenu 49 % des voix et  Recep Tayyip Erdoğan seulement 45 %.

"Ils contestent le décompte des urnes où nous sommes massivement en tête", a déclaré à la presse Ekrem İmamoğlu, maire d'İstanbul et membre de l'opposition.

Kemal Kilicdaroglu a estimé que les résultats des bureaux de vote les plus favorables au candidat restaient bloqués dans le système de la Commission électorale (YSK).

Sinan Ogan faiseur de roi

Le nationaliste Sinan Ogan est arrivé troisième de ce scrutin. Il obtient 5,2   % des voix, ce qui confère un rôle décisif pour le second tour.

"Nous consulterons notre base électorale avant de prendre une décision pour le second tour. Mais nous avons déjà dit clairement que la lutte contre le terrorisme et le renvoi des réfugiés sont nos lignes rouges", a-t-il précisé dans une interview accordée à Reuters. 

Vers une participation record 

La participation d'ordinaire très forte a été encore plus massive. Elle frôle les 90% avec 88,92%, de quoi faire pâlir d'envie nombre de pays européens.

"En Turquie, c'est une tradition. Le Turcs sont très mobilisés en période électorale, entre 80 et 90 %, précise  Bayram Balci, mais là on parle de 92 à 93   %. C'est assez impressionnant. Les Turcs croient en la capacité de changer les choses par les urnes". 

Pour Nora Seni, spécialiste de la Turquie, cela témoigne avant tout de la polarisation de la société. "Ils ont peur des résultats qui ne soient pas favorables à leur camp. Les conservateurs, électeurs d'Erdogan, ont peur de tout perdre. Ils ont un sentiment de reconnaissance pour leur statut économique et social, culturel. Ils ont été reconnu comme les membres les plus importants de la population. Erdogan a joué une carte culturelle, idéologique". 

La monnaie turque dans la tourmente

La lire turque a atteint son niveau le plus bas depuis deux mois. Sur le marché des changes, la livre turque est tombée à son plus bas niveau depuis deux mois, à 19,70 pour un dollar.

La monnaie a perdu près de 95 % de sa valeur au cours des quinze dernières années.

"Probablement le pire résultat possible pour les marchés = incertitude, et encore deux semaines de cela", estime l'économiste Tim Ash, interrogé par Reuters. "Au-delà de cela, les politiques économiques d'Erdogan sont tout simplement insoutenables, il doit donc y avoir un changement ou un risque de crise majeure de la balance des paiements."

Borsa İstanbul % 5 düştü işlemler durdu. pic.twitter.com/9pXrPwJzaz

— ibrahim Haskoloğlu (@haskologlu) May 15, 2023

Vers une majorité de l'AKP au Parlement 

D'après les chiffres de l'agence de presse Anadolu, l'alliance du parti au pouvoir a obtenu environ 49,46 % des voix, contre 35,02 % pour l'Alliance nationale de Kilicdaroglu.

L'AKP a obtenu 35,58 % des voix. Il s'agit du plus mauvais score de l'AKP depuis sa première élection, en 2002. Il avait alors obtenu 34,28 % des voix. 

"On va demander à la population turque de faire preuve de la cohérence pour éviter une cohabitation. Il y a de fortes chances pour que celui qui est avantagé au Parlement, le soit aussi au deuxième tour", estime  Bayram Balci.

En 2018, le parti avait obtenu 295 sièges. L'AKP a donc perdu 28 sièges, passant à 267 députés.

Grâce à l'alliance formée avec le Parti d'action nationaliste (MHP), le Nouveau parti du bien-être et le Parti de la Grande Union, l'AKP garde la majorité au Parlement avec 320 sièges sur 600. 

Le bloc d'opposition de six partis, l'Alliance de la nation, obtient 213 députés. Insuffisant pour organiser un référendum pour changer la Constitution et revenir à un régime parlementaire. En cas de victoire de candidat Kemal Kilicdaroglu le 28 mai, les institutions ne pourraient donc pas être modifiées. 

• People's Alliance - 49.46%
• Nation's Alliance - 35.02%
• Labor and Freedom Alliance - 10.54%

President Erdogan-led bloc gets over 320 seats in 600-seat parliament https://t.co/Hi0DEeab3M pic.twitter.com/p53IaqPW9k

— ANADOLU AGENCY (@anadoluagency) May 15, 2023

Avec AFP, Reuters et AP