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Couronnement de Charles III : un roi écolo mais pas trop

Ferme bio, transparence carbone, discours à Davos…Charles III est connu pour ses prises de position et ses actions écologistes, en contradiction parfois avec son train de vie. Saura-t-il s’y tenir en tant que roi, quitte à bousculer les codes de la monarchie britannique ? 

Il portera des vêtements ayant appartenu à de précédents monarques et le plat principal sera... végétarien. Pour la cérémonie de son couronnement, le roi Charles III a choisi d’insuffler un peu de sobriété dans la cérémonie royale. Ce fervent défenseur de l’environnement marque ainsi son empreinte "verte" et bouscule les habitudes du royaume. 

Introducing… Coronation Quiche!

Chosen personally by Their Majesties, The King and The Queen Consort have shared a recipe in celebration of the upcoming #CoronationBigLunch taking place up and down the country. pic.twitter.com/aVcw9tNarP

— The Royal Family (@RoyalFamily) April 17, 2023

Ses convictions écologistes, le prince Charles ne s’en est jamais caché, quitte à passer dans les années 1970 pour un farfelu auprès de la presse britannique, qui le qualifie alors de "prince qui mange sa pelouse", après qu’il a admis aimer parler aux plantes pour les faire pousser

Avant-gardiste, le jeune Charles alerte très tôt sur les effets néfastes de la pollution sur la biodiversité. Dans un discours datant de 1970, il a 21 ans à peine et dit son inquiétude devant les membres du Comité de la campagne galloise, dont il est le président. Il pressent que la planète court un danger et dénonce la pollution chimique, la pollution de l’air et la pollution par les hydrocarbures, "qui détruit presque les plages et affecte des dizaines de milliers d’oiseaux marins". 

Ferme bio et réintroduction de cochons menacés  

La couronne britannique possède de nombreuses terres et le prince Charles entreprend dès 1985 la conversion en agriculture biologique d’une partie d’entre elles. Sur les 440 hectares de sa ferme de Highgrove, située dans le sud-ouest de l’Angleterre, il fait expérimenter un produit naturel à base d’ail au lieu de l'usage des pesticides sur ses champs. Le lieu accueille aussi plus de 73 espèces d’animaux rares. C’est ainsi qu’il fait réintroduire les cochons tamworth, l'une des races les plus anciennes du pays. 

Prince William In Countryman Outfit Of Tweed Cap And Waxed Jacket Visited Duchy Home Farm With Prince Charles And Inspected The Ayrshire Cattle That Are Raised There. The Prince Has Inherited His Father's Interest In Cows And Organic Farming. pic.twitter.com/PfwydEZRe5

— George Grant (@RuleBGB) May 28, 2021

Sur ses terres de Dorset, dans le Sud, il fait construire un village modèle pour tester l’utilisation de matériaux écoresponsables, le tri des déchets et d’autres principes de l'urbanisme durable. 

Plus tard, le souverain fait installer des chaudières à copeaux de bois dans ses résidences et convertit sa Jaguar et sa Land Rover au biodiesel, fabriqué à partir d'huile de cuisson usagée, entre autres mesures écologiques. Au fil des ans, il se lance dans des expériences parfois moquées, comme avec son Aston Martin qu'il fait avancer avec "du surplus de vin blanc anglais et du lactosérum provenant de la fabrication du fromage", se vante-t-il à l'occasion de la COP26 en 2021.

À partir de 2007, Charles III innove encore une fois en dévoilant ce coup-ci son bilan carbone, ce qu'il fera chaque année depuis. Il s’engage à compenser ses émissions en investissant dans des projets d'énergie durable, lorsqu'il n'est pas possible de les réduire. 

Les grandes déclarations à Davos

Contrairement à sa mère, poussée sur le trône dès l’enfance, le prince a disposé de soixante-dix ans pour observer l’évolution du monde et réfléchir à son règne. Durant toutes ses années, il a profité de ses déplacements officiels et de ses prises de paroles à l’international pour mettre la préservation de l’environnement sous les projecteurs, quitte à surprendre son auditoire. 

En 2020 au Forum de Davos, il apporte son soutien à la jeune activiste Greta Thunberg et critique le manque d’engagement écologique du monde économique. "À quoi servent toutes les richesses supplémentaires du monde, obtenues grâce au ‘business as usual’ [l'activité économique immuable], si l'on ne peut rien en faire, à part les regarder brûler dans des conditions catastrophiques ?", assène-t-il aux dirigeants et aux chefs d’entreprise présents dans la salle.

Britain's Prince Charles meets Swedish climate change activist Greta Thunberg at World Economic Forum in Davos #reutersdavos #wef20 pic.twitter.com/Yx8jD3k7AT

— Reuters (@Reuters) January 23, 2020

En partenariat avec le Forum économique mondial, le souverain a créé un an plus tôt le Conseil des marchés durables, un organe chargé d’encourager de meilleures pratiques, en repérant les technologies innovantes et en faisant le lien entre les investisseurs et les projets. 

Neutralité politique et écologie "mainstream" 

Pour autant, "les prises de positions de Charles III ne sont pas radicales", commente Thibaud Harrois, maître de conférences en civilisation britannique contemporaine à l’université Sorbonne-Nouvelle. "Il n’a pas demandé la fin du capitalisme. Il fait ce qu’on pourrait qualifier d’écologie ‘mainstream’, acceptée par tous à l’heure où il y a un consensus scientifique autour de la question du réchauffement climatique".  

Dans son rôle de monarque, le souverain britannique est soumis à la neutralité politique, rappelle le chercheur. Aussi, Thibaud Harrois doute de voir un jour la militante Greta Tunberg invitée au palais de Buckingham. "Ce serait osé car elle symbolise un type d’activisme - grève sur le climat - contesté sur le plan politique. On voit mal le roi faire quelque chose qui pourrait avoir un retentissement politique et nuire au gouvernement britannique".  

En 2004, pourtant, Charles est sorti de sa réserve en envoyant, secrètement, une série de lettres manuscrites à plusieurs ministres et hommes politiques britanniques. Des missives très personnelles dans lesquelles le prince donnait son avis sur l’agriculture bio, le réchauffement climatique, et la planification urbaine, ce qui lui a été reproché par la suite.

Les voyages en jets privés du prince Charles 

Des discours qui ne suffisent pas à verdir l’image du souverain, encore critiqué pour son train de vie personnel, son goût pour la chasse aux renards, et ses nombreux déplacements en avion jugés contradictoires avec ses positions environnementales.  

Dans les faits, Charles III surveille son empreinte carbone, mais il n’a pas renoncé à se déplacer régulièrement en avion privé, ou à partir en vacances tous les hivers au ski, activité de plus en plus critiquée pour son impact environnemental. Rien que pour l’année 2020, son empreinte carbone est estimée à 3 133 tonnes de CO2 en comparaison aux 8,3 tonnes émises par un citoyen britannique ordinaire.     

La même année, le Daily Mail épingle le prince pour avoir parcouru 25 000 kilomètres en jet privé dans les onze jours qui ont précédé sa participation à l'événement en Suisse de Davos, où il a posé aux côtés de Greta Thunberg. Une courte période durant laquelle Charles III a voyagé en jet privé à trois reprises, sans compter cinq voyages à vide pour venir le récupérer.  Un couac qui vient s’ajouter à d’autres épisodes, comme la polémique engendrée par son voyage à New York en 2007 en compagnie d'une équipe de vingt personnes pour y recevoir un prix d’écologie. 

À l'heure où le réchauffement climatique est plus que jamais d'actualité, une chose est sûre, les critiques ne devraient pas s’amenuiser avec son accession à la couronne, d'autant que les déplacements du futur roi d’Angleterre seront suivis à la trace.

Couronnement de Charles III : un roi écolo mais pas trop