Pendant longtemps, la Bulgarie a perçu la Russie de façon positive en raison de sa proximité linguistique et religieuse. Aujourd’hui, le pays connaît une crise politique en raison du mouvement russophile d’un parti de droite qui a recueilli 14 % des suffrages aux dernières élections, après une succession de cinq gouvernements en deux ans. Depuis la capitale bulgare, Caroline de Camaret reçoit la vice-présidente de ce pays balkanique de 6,5 millions d'habitants, Iliana Iotova.
"En deux ans, nous avons eu cinq scrutins parlementaires. C'est trop !", commente Iliana Iotava, la vice-présidente de la Bulgarie, qui voit les 14 % du parti nationaliste bulgare Renaissance comme un "vote de rejet". Elle en prend acte mais ne s'inquiète pas outre mesure de la montée de ce parti. "Si un jour il y a un autre parti qui exprime ce vote de rejet, il aura beaucoup plus de pourcentage." Elle reconnaît qu'il faut que la Bulgarie "fasse tout son possible pour diminuer la corruption", non seulement vis-à-vis du peuple, mais également vis-à-vis de l'Union européenne et des fonds structurels dont elle a doté le pays dans le cadre du plan de relance.
La Bulgarie a toujours dépendu de la Russie pour son alimentation en gaz et en pétrole. La guerre en Ukraine a rebattu les cartes. Iliana Iotova insiste sur le fait que son pays a commencé une large diversification des ressources "avec des contrats avec la France et une connexion avec la Grèce par le terminal à Alexandropolis pour le gaz liquéfié". Elle insiste également sur "quelque chose de très important : la Bulgarie est le seul pays qui a un contrat pour utiliser l'infrastructure gazière de la Turquie".
Iliana Iotova regrette que "le conflit en Ukraine éloigne l'idée d'une défense européenne" et affirme qu'il convient de réfléchir sur les propos du président Emmanuel Macron "pour une plus grande autonomie de l'Europe, une plus grande souveraineté en Europe, et de défendre notre continent, comme un membre réel de l'OTAN mais aussi d'avoir une défense propre".
En raison de l'instabilité politique du pays, l'entrée de la Bulgarie dans la zone euro a été repoussée à 2025. Le gouvernement est par ailleurs plutôt sceptique quant à l'adoption de la monnaie unique. Selon la vice-présidente, "deux ans c'est bien", car "la majorité des citoyens bulgares ont certaines réserves pour l'eurozone, non pas parce qu'ils sont contre l'euro, mais parce qu'ils n'ont pas assez d'informations (...) et c'est la tâche du gouvernement de faire une campagne pour expliquer et pour informer les citoyens de ce qu'il se passera le jour où la Bulgarie sera membre de la zone euro. Nous devons aussi nous conformer à tous les critères de Maastricht et réduire l'inflation car c'est une exigence".
Autre club européen dont la Bulgarie ne fait pas partie : l'espace Schengen. Cette fois, ce sont les Pays-Bas qui lui bloquent l'entrée en raison d'une trop forte immigration illégale aux frontières. La Bulgarie possède 130 kilomètres de frontière commune avec la Turquie et a obtenu 600 millions d'euros de la Commission européenne pour la surveillance de cette frontière – contre les deux milliards demandés). Mais son entrée dans l'espace Schengen se fait attendre. Iliana Iotova regrette le "deux poids, deux mesures" que la Bulgarie et la Roumanie subissent lorsqu'il s'agit des critères à respecter pour pouvoir rentrer dans cet espace, et affirme que " la frontière avec la Turquie, c'est la frontière extérieure de l'UE la plus sûre maintenant".
Émission préparée par Isabelle Romero, Sophie Samaille et Perrine Desplats - Images : Johan Bodin et Stéphane Bodenne