Après avoir obtenu, jeudi, l’accord de la Turquie, la Finlande s’apprête à rejoindre l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan). Le pays nordique a troqué sa politique de non-alignement contre une carte de membre, percevant désormais l’Alliance comme sa meilleure protection face à la menace russe.
L’Otan s’apprête à accueillir un 31e membre. Après la Hongrie lundi, la Turquie a finalement donné son feu vert, jeudi 30 mars, à l’adhésion de la Finlande à l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (Otan), lors d’un vote au Parlement.
"La Finlande sera un allié fort et capable, engagé pour la sécurité de l'Alliance", s’est félicité le président Sauli Niinistö, remerciant les membres de l’organisation transatlantique pour leur soutien.
Le pays, qui partage 1 340 kilomètres de frontière avec la Russie, avait officiellement soumis sa demande à l’Otan le 18 mai 2022, soit trois mois après le début de la guerre en Ukraine, tout comme la Suède , dont l’adhésion demeure pour l’heure bloquée par la Turquie.
Son intégration désormais imminente marque un tournant historique pour la Finlande, qui défendait depuis plusieurs décennies une politique de non-alignement militaire. Pour autant, la question de l'adhésion à l’Otan n’est pas nouvelle dans ce pays qui, depuis plusieurs années, s’inquiète des velléités expansionnistes russes.

Vote accéléré
L’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Russie le 24 février 2022 avait suscité un vent de panique, incitant de nombreux pays environnants à repenser leur politique de défense.
En Finlande, cette inquiétude vis-à-vis du puissant voisin russe était déjà bien présente depuis l’invasion russe de la Crimée en 2014. Deux ans plus tard, le gouvernement avait mené une étude sur l’éventualité que le pays rejoigne l’Alliance, sans qu’un consensus ne soit alors trouvé.
En décembre 2021, le président russe, Vladimir Poutine, avait tenté de négocier un accord avec les États-Unis pour obtenir la garantie de la non-expansion de l’Otan à l’Est. Une demande rejetée par Washington et qui avait également suscité une réaction très ferme du président finlandais.
"Je le dis et je le répète : la Finlande est libre d'envisager la possibilité d'un alignement militaire et d'une demande d'adhésion à l'Otan" , avait-il prévenu lors de son discours de vœux en janvier 2022, dénonçant la remise en cause de "la souveraineté de plusieurs États" de l’UE.
Relancé par le chef de l'État à cette occasion, le débat sur l’adhésion à l’Otan a finalement fait l’objet d’un vote accéléré au parlement finlandais début mars.
Alors que les élections législatives se tiennent dimanche, "le gouvernement a souhaité faire passer ce vote avant la clôture des débats parlementaires", explique Sophie Enos-Attali, enseignante-chercheuse en sciences politiques, spécialiste des questions sécuritaires dans la région. "Son but est de participer en tant que membre au prochain sommet de l’Otan, à Vilnius, en juillet prochain."
Changement de paradigme
Pour la chercheuse, l’invasion russe de février 2022 a agi comme un "catalyseur", accélérant une réflexion déjà en cours dans le pays, marqué par une histoire difficile et douloureuse avec la Russie.
Contrôlé un siècle durant par son voisin jusqu’à la révolution russe de 1917, le pays nordique l’a depuis affronté à deux reprises , lors des guerres d’Hiver (1939-1940) et de Continuation (1941-1944), les perdant toutes les deux . C’est au sortir de la Seconde Gue rre mondiale que la Finlande adopte une posture de neutralité , qui évoluera vers le non-alignement militaire à la disparition de l’URSS.
"Cette politique a longtemps été considérée comme une protection vis-à-vis de la Russie, par crainte d’un nouveau conflit avec son voisin", analyse Sophie Enos-Attali. "Mais les mentalités ont évolué en Finlande sur cette posture politique issue de la Guerre froide, désormais majoritairement perçue comme appartenant au passé. À cela s’est ajouté le sentiment de vulnérabilité accrue provoqué par la guerre en Ukraine qui a fait définitivement basculer l'opinion."
Ambiguïté de la menace russe
En novembre 2022, 78 % des Finlandais se disaient favorables à l’adhésion du pays à l’Otan contre 60 % quelques mois plus tôt, en mars 2022, au tout début de l'invasion à grande échelle de l'Ukraine.
Si les citoyens perçoivent désormais l’intégration comme le meilleur moyen de se prémunir contre une attaque de la Russie, la réaction de Moscou face à ce changement de politique demeure une source d’inquiétude.
Alors que le Kremlin considère ouvertement les anciens membres du bloc soviétique comme sa sphère d’influence, il entretient une position plus ambiguë vis-à-vis de ses voisins nordiques.
En mai 2022, Vladimir Poutine avait affirmé que l’intégration de la Suède et de la Finlande au sein de l’Otan ne constituerait pas une menace directe envers la Russie. Une sortie bien différente de celle de son vice-ministre des Affaires étrangères, Sergueï Riabkov , qui déclarait quelques jours plus tôt que cette adhésion était une "grave erreur" qui aurait des "conséquences considérables".
Entretenant le jeu du chaud et du froid, l’ambassade russe à Stockholm s’est fendue cette semaine d’un post ravageur , menaçant la Suède et la Finlande en cas d’adhésion à l’Alliance : "Vous pouvez être sûrs que les nouveaux membres du bloc hostile deviendront une cible légitime pour les mesures de rétorsion de la Russie, y compris les mesures militaires."
Du côté de l’Otan, l’ambiance est tout autre : Jens Stoltenberg se prépare déjà à sabrer le champagne. "J'ai hâte de hisser le drapeau de la Finlande au siège de l'Otan dans les jours qui viennent" , s’est félicité le secrétaire général de l'Alliance vendredi, visiblement enthousiasmé par la perspective d’accueillir la Finlande au sein de "la famille Otan".