Dernier survivant du massacre d'Oradour-sur-Glane perpétré par les nazis en 1944, Robert Hébras s'est éteint samedi à 97 ans.
"Infatigable passeur de mémoire", "artisan de la paix et de la réconciliation", Robert Hébras est mort samedi 11 février à 97 ans. Il était le dernier rescapé du massacre d'Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne), commis pendant la Seconde Guerre mondiale,
Il s'est éteint à l'hôpital de Saint-Junien, à une dizaine de kilomètres d'Oradour-sur-Glane, "entouré de ses proches", ont annoncé sa famille, la mairie et l'association des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane dans un communiqué.
Le président Emmanuel Macron a salué sur Twitter la mémoire d'un "survivant" qui "consacra sa vie à transmettre le souvenir des victimes, à œuvrer pour la paix et la réconciliation", tandis que la Première ministre Élisabeth Borne a évoqué "un infatigable passeur de mémoire".
C’est avec une profonde tristesse que j’apprends le décès de Robert Hébras, ultime survivant d’Oradour-sur-Glane et infatigable passeur de mémoire.
Pour les 643 victimes de ce crime ignoble, pour tous ceux qui ont vécu la barbarie nazie, jamais nous n’oublierons. pic.twitter.com/Jht4kGGHBd
"Il nous revient de transmettre son message, celui qu'il m'avait confié en septembre 2013 avec le président allemand : n'oubliez jamais et défendez la paix, l'Europe et la démocratie", a également réagi l'ancien président François Hollande.
Robert Hébras allait avoir 19 ans quand le 10 juin 1944, les SS de la division Das Reich tuent 643 personnes dans ce village du Limousin, l'un des pires massacres de civils commis par les nazis en Europe occidentale.
Cet après-midi-là, "les Allemands descendent de leur camion, disent à la population de se réunir sur la place centrale. Durant trois quarts d'heure environ, personne ne s'inquiète. Les hommes sont séparés alors des femmes et des enfants", racontait encore avec précision, en 2020, Robert Hébras à un correspondant de l'AFP. Parmi les victimes, "le plus jeune avait une semaine, la plus vieille, 90 ans".
Dans des granges, les soldats abattent les hommes à la mitrailleuse, avant de les brûler. Dans l'église, ils enferment femmes et enfants et mettent le feu. Puis, ils brûlent les corps, creusent des fosses et incendient entièrement le village.
Seuls six habitants échappèrent à ce massacre. Caché sous les cadavres de ses camarades dans une grange, Robert Hébras parvint à s'enfuir.
Européen convaincu
Cette tuerie fut "méticuleusement préparée et exécutée" par les nazis, qui voulaient "semer la terreur pour que la population ne bascule pas du côté des maquis", particulièrement actifs en Limousin, explique le président de l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour-sur-Glane Benoît Sadry.
"Mon fils, je n'ai jamais voulu évoquer avec lui Oradour, sauf à ses 20 ans, lorsqu'il est parti à l'armée", confiait Robert Hébras. Après de longues années à se murer dans le silence, l'homme s'est battu "pour que l'on n'oublie pas", racontant inlassablement son histoire, notamment auprès des écoliers.
"J'ai fait ce que j'avais à faire", résumait à 95 ans cet ancien garagiste, à qui le président Emmanuel Macron avait remis les insignes de commandeur de l'ordre national du mérite en 2022.
"Européen convaincu et engagé" selon sa famille, décoré de la Légion d'honneur, puis de l'ordre du mérite allemand en 2012, Robert Hébras avait guidé en 2013 les président français et allemand François Hollande et Joachim Gauck dans les ruines du village martyr.
Il avait témoigné une première fois au procès du massacre, organisé à Bordeaux en 1953, qui aboutit à la condamnation de sept Allemands et quatorze Alsaciens incorporés chez les SS, les "Malgré-nous".
Combat pour la mémoire du village martyr
L'amnistie pour ces 14 soldats, votée la même année par le Parlement, provoqua une longue guerre des mémoires entre Limousins et Alsaciens, qui éclaboussa indirectement Robert Hébras des années après.
En 2012, il fut condamné pour diffamation pour avoir émis, dans un livre, des doutes sur l'enrôlement de force des "Malgré nous" dans les Waffen SS, avant d'être définitivement blanchi un an plus tard par la Cour de cassation.
Au cours des dernières années, Robert Hébras avait transmis son travail de mémoire à sa petite-fille Agathe Hébras, avec qui il avait écrit un livre sur l'histoire d'Oradour-sur-Glane.
Le président du conseil département de la Haute-Vienne, Jean-Claude Leblois, et le président du centre de la mémoire d'Oradour, Fabrice Escure, ont salué samedi "son combat pour la reconnaissance et la mémoire du village martyr et ses 643 victimes."
Robert Hébras est mort juste avant le 70e anniversaire du verdict du procès de Bordeaux, tombé dans la nuit du 12 au 13 février 1953.
Avec AFP