
Le tweet d'un député de la France insoumise visant le ministre du travail Olivier Dussopt a provoqué de vives réactions parmi les députés à l'Assemblée nationale, si bien que les débats sur la réforme des retraites ont été perturbés durant la journée.
Le tweet d'un député de la France insoumise (LFI) visant le ministre du travail Olivier Dussopt met le feu à l'hémicycle. L'examen de la réforme des retraites a été momentanément interrompu vendredi 10 février à l'Assemblée nationale, et le député exclu pour quinze jours de séances, à la veille d'une nouvelle mobilisation espérée massive par les syndicats.
L'auteur du message litigieux, Thomas Portes, s'est vu infliger la plus lourde sanction disciplinaire envers un député – la même ayant été adoptée à l'encontre de Grégoire de Fournas (RN), auteur de propos jugés racistes au mois de novembre.
L'Insoumis, ceint de son écharpe tricolore, s'était mis en scène jeudi sur le réseau social, le pied posé sur un ballon à l'effigie du ministre du Travail.
"Outrage" ou "provocation"
Malgré les demandes du camp présidentiel, il a refusé vendredi de s'excuser, provoquant un tumulte. La séance a été suspendue le temps de la réunion du bureau de l'Assemblée, plus haute instance collégiale, qui a proposé au bout de deux heures une "exclusion temporaire" en raison d'un "outrage" ou d'une "provocation".
Cette peine disciplinaire, validée par un vote assis-debout dans l'hémicycle, entraîne l'interdiction de paraître au Palais Bourbon pendant quinze jours de séances – jusque mi-mars, donc – et la privation de la moitié de l'indemnité parlementaire pendant deux mois.
Les collègues de Thomas Portes ont vivement protesté. "Vous cherchez les Insoumis, vous allez les trouver", a lancé Danièle Obono à la majorité.
"Nous ne laisserons rien passer. Aucune menace, aucune intimidation", a campé la patronne des députés Renaissance Aurore Bergé.
Marine Le Pen (RN), qui combat comme la gauche la retraite à 64 ans, a pointé la "fuite en avant" de la Nupes dans sa lutte.
"Instrumentalisé"
Thomas Portes n'en démord pas : "Je n'ai jamais fait d'appel à la violence à destination du ministre, d'un membre du gouvernement ou de quelque député que ce soit", a-t-il assuré devant la presse, déplorant que son message ait été "utilisé et instrumentalisé par certains". "Je retirerai mon tweet le jour où vous retirerez votre réforme qui va sacrifier des milliers de gens", avait défié l'Insoumis plus tôt dans l'hémicycle.
Les débats sur le projet de la loi doivent reprendre à 21 h 30, dans un climat de tension exacerbé après une semaine de discussions laborieuses. "Ce que nous voyons actuellement (...) avec nos invectives, avec nos insultes, avec du brouhaha, (n'est) pas digne de l'Assemblée nationale", a déclaré la titulaire du perchoir, Yaël Braun-Pivet.
Le patron des Insoumis Jean-Luc Mélenchon a défendu sur Twitter son député : "Après le pilori pour Thomas Portes, cheminot député, Macron va interdire tous les chamboule-tout dans les fêtes du pays". "Enfin l'ordre et le bon goût vont régner dans la chienlit de la société macronisée".
Après le pilori pour @Portes_Thomas, cheminot député, #Macron va interdire tous les chamboule-tout dans les fêtes du pays. @auroreberge prévoit aussi l'interdiction des caricatures. Enfin l'ordre et le bon goût vont régner dans la chienlit de la société macronisée.#DirectAN
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) February 10, 2023Mesure d''équité"
Au sein de la Nupes, si le message initial de Thomas Portes a été diversement apprécié, la sanction est jugée bien trop sévère. "Nous contestons le parallélisme qui a été fait" avec le cas de Grégoire de Fournas, a réagi le communiste Pierre Dharréville.
La matinée à l'Assemblée s'était pourtant déroulée sans trop d'embûches : par un vote relativement serré (181 voix contre 163), les députés ont validé l'article 1er du projet de loi, prévoyant l'extinction progressive de la plupart des régimes spéciaux.
À coup de centaines d'amendements, la Nupes a prôné le maintien des régimes visés (RATP, industries électriques et gazières, Banque de France...). À l'inverse, la majorité présidentielle a défendu leur suppression, par mesure "d'équité".
Quelque 16 000 amendements restent à discuter en une semaine sur les 19 autres articles du texte.
"Respect"
Dans une rare prise de parole, à la veille d'une quatrième journée de manifestations, Emmanuel Macron a appelé vendredi les organisateurs de la contestation à conserver leur "esprit de responsabilité" afin que "les désaccords puissent s'exprimer, mais dans le calme, le respect des biens et des personnes, et avec une volonté de ne pas bloquer la vie du reste du pays".
L'intervention présidentielle, depuis le sommet européen de Bruxelles, n'a pas été du goût de Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT : "Excusez-moi, mais bordel, on n'est pas responsables depuis le début ?". Et de marteler : le report de l'âge de la retraite de 62 à 64 ans suscite "un profond rejet".
Les trois premières journées de mobilisation ont réuni, sans incidents notables, entre 757 000 personnes selon l'Intérieur (deux millions selon les organisateurs) et 1,27 million (2,5 millions).
Samedi, les syndicats espèrent mobiliser ceux qui ne peuvent pas faire grève durant la semaine. La police anticipe de 600.000 à 800.000 manifestants dans environ 240 cortèges.
L'intersyndicale a déjà appelé à deux nouvelles journées d'actions, les 16 février et 7 mars, et se prépare à un long bras de fer. Le secrétaire général de la CGT Philippe Martinez évoque de possibles "grèves plus dures, plus nombreuses, plus massives et reconductibles".
Avec AFP