Andy Murray dispute samedi un seizième de finale à l'Open d'Australie contre l'Espagnol Roberto Bautista. À 35 ans, l'Écossais défie le temps pour offrir à ses fans une nouvelle épopée de matches homériques, rappelant qu'il a été parmi les grands de la décennie 2010.
En janvier 2019, Andy Murray avait ému la planète tennis. En larmes lors d'une conférence de presse précédant l'Open d'Australie, il avait déclaré que la retraite était proche, que le Majeur australien pouvait être son dernier tournoi car les douleurs à la hanche étaient trop fortes.
Quatre ans plus tard, à 35 ans, l'Écossais est toujours là. Au même Open d'Australie, il est capable d'enchaîner en trois jours deux matches de cinq sets pour un total de 10 heures et 34 minutes – plus de temps qu'il n'en faut à certains pour gagner un tournoi. Son secret ? Une hanche désormais métallique, un mental d'acier et une passion inoxydable.
"Cyborg" Murray s'est déjà offert le scalp du 14e Mondial, l'Italien Matteo Berrettini au premier tour puis celui du local Thanasi Kokkinakis. Dans un match de folie, conclu à 4h05 du matin, l'Écossais a trouvé la force de remonter l'Australien, sauvant une balle de match. Samedi, il affrontera l'Espagnol Roberto Bautista (25e) pour une place en huitièmes de finale.
11 janvier 2019 : Andy Murray annonce, en larmes, que l'Open d'Australie est peut-être le dernier tournoi de sa carrière.
19 janvier 2023 : après avoir battu Matteo Berrettini, Murray se qualifie pour le troisième tour de l'Open d'Australie en ayant joué 10h34 en trois jours. pic.twitter.com/cbyum8LKDA
Sa performance face à Thanasi Kokkinakis lui a au passage offert un record : avec 11 victoires après avoir été mené deux sets à rien, il est tout simplement le tennisman ayant le plus réalisé cette "remontada" dans l'histoire.
Mais comment a-t-il fait ? Si la question se murmure sur toutes les lèvres, la réponse qui sort de sa bouche est franche, simple et claire: "Je me suis appuyé sur mon expérience, mon amour du jeu et de la compétition", a-t-il déclaré au micro après le match. "C'était incroyable, il a très bien servi, mais j'ai joué de mieux en mieux et... oui, j'ai un grand cœur."
Dans le panthéon du tennis aux côtés de Djokovic, Nadal et Federer
Un grand cœur qui a su conquérir les fans de tennis au fil d'une carrière commencée dans le circuit ATP en 2005. Il engrange très vite ses premiers titres et pousse les portes du top 10 mondial dès 2007.
Aux côtés de Roger Federer, Rafael Nadal et Novak Djokovic, il va écrire les plus belles pages du tennis moderne, transformant même l'expression "Big Three" (les trois meilleurs) en "Big four" (les quatre… ). Au plus fort de la confrontation entre les trois monstres sacrés, il a réussi à décrocher huit finales de Grand Chelem et à en remporter trois (US Open 2012 et Wimbledon 2013 et 2016). Il est aussi celui qui place enfin la Grande-Bretagne au sommet du tennis : premier Britannique à remporter chez les hommes un Grand Chelem depuis 1936 et guide en 2015 le royaume vers sa première Coupe Davis depuis cette même année.
Andy Murray’s career explained in a single point. Oh my goodness! pic.twitter.com/F3QvMz3pY9
— Gaspar Ribeiro Lança (@gasparlanca) January 19, 2023L'apogée de sa carrière se situe d'ailleurs en 2016 : outre son succès à Wimbledon, il devient le premier joueur de l'histoire à conserver un titre olympique et termine l'année numéro 1 mondial, avec 90 % de victoires sur l'année civile. La Couronne britannique annonce même son futur anoblissement le 30 décembre.
"Ce gars est l'un des grands joueurs de notre époque dont on ne parle pas assez à cause de ce que les trois autres grands (Federer, Nadal, Djokovic) ont réussi, mais il est une légende", s'enthousiasme John McEnroe devenu consultant pour Eurosport, lors de l'exploit de Sir Andy à l'Open d'Australie.
Grognon mais drôle, cash et engagé
Sous-estimée la place d'Andy Murray dans le tennis ? Peut-être… Et sans doute la faute à un côté ours mal léché, grognon, qui a pu rebuter plus d'un fan de tennis avant de gratter sous la carapace. Avant de l'affronter à Melbourne, Thanasi Kokkinakis décrivait parfaitement le paradoxe: "Je me souviens de regarder ses matches quand j'étais plus jeune en pensant que ce mec avait toujours l'air de mauvaise humeur, qu'il devait être misérable. Puis, quand on apprend à le connaître, on se rend compte que c'est un type formidable et un bon gars", a-t-il expliqué.
Il a encore fait la démonstration de son côté râleur durant son match. Ce qui l'a le plus crispé durant son duel contre Kokkinakis, c'est l'interdiction réglementaire d'aller aux toilettes lorsqu'il en a eu besoin : "Je comprends les règles, mais il est trois heures du matin, j'ai bu toute la journée...", a-t-il expliqué à l'arbitre depuis son banc lors d'un changement de côté, alors qu'il est l'un des joueurs qui a contribué à l'instauration de cette règle. Loin d'être lisse, il n'hésite pas à interroger les règles et usages de sa discipline souvent conservatrice. À propos de sa fin de match ultra tardive, Andy Murray a lancé :"Je ne comprends pas à qui ça profite", disant ne penser qu'à "une chose, "aller (se) coucher".
Car Andy Murray, c'est aussi une certaine légèreté et une ironie bien sentie, capable de rire de lui-même. Lorsqu'on lui demande post-match après sa déclaration sur son grand cœur si "tout est grand chez lui ?" Il répond pince-sans-rire que "[sa] femme ne serait pas d'accord", décrochant des rires dans l'assistance.
Prix Arthur Ashe en 2014 et 2022
L'Écossais au grand cœur sait aussi se montrer beaucoup plus sérieux, notamment pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur, à commencer par le féminisme. Il s'est fait remarquer en 2014 pour avoir choisi Amélie Mauresmo comme entraîneur, devenant l'un des rares joueurs masculins à choisir une femme à ce poste.
Et il s'est fait comme spécialité de reprendre les commentateurs et ses interviewers quand ils avaient l'outrecuidance d'oublier qu'un record avait déjà été établi par des femmes. En 2016, après son deuxième titre olympique, il avait ainsi corrigé un journaliste de la BBC qui le présentait incorrectement comme la première personne à remporter deux médailles d'or en tennis : " Eh bien, [la première personne] à défendre le titre en simple", avait précisé Murray. "Je pense que Venus et Serena [Williams, NDLR] en ont gagné quatre chacune, mais n'ont jamais défendu un titre en simple auparavant."
Andy Murray multiplie également les évènements caritatifs. En décembre 2022, Il a reçu pour la deuxième fois le prix humanitaire Arthur Ashe, en reconnaissance de son soutien aux efforts humanitaires en Ukraine. Le tennisman écossais avait déjà été récompensé du prix Arthur Ashe en 2014 pour avoir disputé des matches de gala pour soutenir Ross Hutchins puis Élena Baltacha, tous deux atteints d’un cancer. Il est également ambassadeur de l'Unicef.
Sur le court, la suite de l'Open d'Australie s'annonce compliquée pour Sir Andy. Sa récupération aura forcément été écourtée en raison de la fin tardive de son match. "Cela va être un match dont les gens parleront longtemps, mais c'est aussi un match qui affecte grandement les chances d'Andy d'aller plus loin dans le tournoi", rappelle John McEnroe. Ce genre de situation s'est déjà produit par le passé et cela a affecté les joueurs à chaque fois. Dans quel autre sport - Coupe du monde, football américain ou NBA - jouent-ils jusqu'à quatre heures du matin ?", s'est interrogée la légende. Mais à grand cœur vaillant, rien d'impossible.