Dans la région récemment libérée de Kharkiv, si les bombardements ont cessé, les infrastructures énergétiques sont toujours à l'arrêt. En plein hiver, la situation est critique dans les villages du sud et de l'est de l'Ukraine. Reportage de nos envoyés spéciaux.
Un milliard et demi d'euros, c'est le montant qu'il faudra à l'Ukraine pour réparer temporairement son infrastructure énergétique, selon le président Volodymyr Zelensky. En cette période hivernale, Kiev et les grandes villes ukrainiennes subissent toujours des coupures de courant à cause des frappes de missiles de croisières et de drones menées par la Russie. Et dans les villages du sud et de l'est du pays, où l'infrastructure est totalement détruite après plusieurs mois de combats, la situation est d'autant plus critique.
À Kharkivoblenergo, un village de la région de Kharkiv, les électriciens travaillent d'arrache-pied pour tenter de rétablir l'électricité. Un poste de transformation, situé à dix kilomètres à peine de la frontière russe, a été touché par un bombardement.
"Vous voyez ce cratère ?", montre l'ingénieur Oleksandr Ganous. "C'est le résultat d'un tir d'artillerie. L'équipement du poste a été endommagé. Et à cause de ça, plusieurs villages de cette agglomération sont sans électricité."
Dans cette zone, située sur la ligne de front jusqu'à la reconquête par l'armée ukrainienne début septembre, les villages ont subi cinq à sept mois d'intenses combats d'artillerie. Les électriciens déployés sur place travaillent dans un danger permanent. Le prédécesseur d'Oleksandr est mort en sautant sur une mine. Et la météo n'aide pas.
"Dans les conditions actuelles, explique Olesksandr, là où nous le pouvons, nous ne rétablirons la distribution d'électricité que vers l'été. Plusieurs de nos infrastructures se trouvent à la frontière avec la Russie. On ne peut même pas y accéder, les militaires ne nous laissent pas passer."
"On a passé cinq mois dans la cave"
Dans ce village, presque chaque maison a souffert des bombardements. Malgré cela, certains habitants ne sont jamais partis et ils s'apprêtent à y passer l'hiver.
"On a passé cinq mois dans la cave", confie Viktor, un des habitants du village. "Je dormais ici, avec mon chien", décrit l'homme, en montrant un emplacement étroit aménagé le long du mur de la cave, à côté d'une réserve de boites de conserve. "Et ma femme dormait là."
Remis d'une blessure causée par un éclat d'obus, après bientôt dix mois sans électricité, Viktor s'est adapté à la vie sans eau courante ni lumière. Mais avec l'hiver, il doit en plus pallier l'absence de bois de chauffage pour son poêle.
"C'est l'hiver et je dois aller scier des arbres détruits par les éclats d'obus, explique l'homme. Je suis rentré et mes mains étaient gelées, car tout est mouillé."
Mais ce qu'il redoute par-dessus tout, c'est que les bombardements reprennent. "Après ce à quoi on a survécu cet été, tout nous paraît anodin, développe-t-il. Tant qu'ils ne recommencent pas à bombarder."
Sur les quelque 2 000 habitants que comptait le village avant la guerre, seuls vingt-cinq subsistent encore parmi les ruines, grâce à l'aide humanitaire venue de l'étranger.