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Face à la flambée du Covid-19 en Chine, la peur de répercussions en Europe

Alors que la Chine fait face à un pic de contaminations au Covid-19, surgit l'inquiétude de l'émergence de nouveaux variants et sous-variants. Alors que les autorités ont annoncé lundi la fin de la quarantaine obligatoire à l'arrivée dans le pays, cette vague pourrait-elle changer la donne de la pandémie au-delà des frontières chinoises? 

C'était le dernier vestige de la politique "zéro Covid" en Chine. Après avoir levé, le 7 décembre dernier, la majorité des strictes restrictions sanitaires en vigueur dans le pays depuis 2020, les autorités sanitaires ont annoncé, lundi 26 décembre, la fin de la quarantaine obligatoire à l'arrivée sur son territoire. À partir du 8 janvier, seul un test négatif de moins de 48 heures suffira.

L'annonce a immédiatement provoqué des effusions de joie dans le pays, de nombreux Chinois s'empressant de réserver des vols à l'étranger. Mais alors que le pays fait aussi face depuis plusieurs semaines à une flambée massive des contaminations, cette annonce provoque l'inquiétude à l'étranger, et pose question : cette vague de Covid-19 pourrait-elle avoir des répercussions sanitaires au-delà des frontières de la Chine ?

Le variant BF.7 pointé du doigt 

Selon plusieurs médias américains, dont The Financial Times, qui citent le directeur adjoint du centre chinois de contrôle et de prévention des maladies, 250 millions de personnes auraient été infectées en Chine depuis le 1er décembre, soit 18 % de la population totale. Un chiffre non confirmé officiellement et impossible à vérifier - les autorités sanitaires locales ayant mis fin aux tests de dépistage systématique et à la publication de chiffres sur la pandémie - mais qui, additionné aux nombreux témoignages faisant état d'hôpitaux et crématoriums submergés confirment l'ampleur de cette vague de contaminations.

Pour expliquer cette situation, les spécialistes mettent en avant plusieurs facteurs. D'abord, une grande partie de la population n'a jamais croisé le Covid-19 et n'est pas immunisée naturellement contre lui. Ensuite, "la population âgée et vulnérable est peu ou mal vaccinée : 60 % des plus de 80 ans n'auraient reçu que deux doses ou moins", explique Antoine Flahault, épidémiologiste à l'université de Genève. Or, plusieurs études montrent que les vaccins chinois, exclusivement utilisés partout dans le pays, ne sont efficaces qu'à partir de trois doses.

À cela, l'épidémiologiste ajoute un autre paramètre. "Le sous-variant BF.7, descendant d'Omicron, serait le principal responsable de cette vague". Et celui-ci, détecté pour la première fois en mai dernier en Belgique puis repéré aussi en France, aux États-Unis, au Royaume-Uni ou encore en Allemagne, serait particulièrement contagieux.

"BF.7 aurait un R0 (taux de reproduction du virus) de 10 à 18.6. Autrement dit, une personne contaminée transmettra le virus, en moyenne, à entre 10 et 18,6 autres personnes, contre 5,08 en moyenne pour Omicron", explique-t-il. "C'est donc une souche du virus extrêmement transmissible dans les conditions actuelles de la faible immunité de la population chinoise."

Pour le moment, BF.7 ne représente que 0,99 % des séquençages en France, selon l'outil Cov-Spectrum et 1,5 % des infections aux États-Unis. "Ce chiffre pourrait effectivement augmenter", confirme Mircea Sofonea, maître de conférences en épidémiologie à l'université de Montpellier. "Mais ce n'est pas si inquiétant. L'Europe a déjà vécu plusieurs vagues de Covid-19 liées à Omicron et nous sommes mieux immunisés. Nous avons d'ailleurs désormais décidé de vivre avec."

La crainte de nouveaux variants

Pour les deux spécialistes, la principale inquiétude n'est donc pas BF.7 mais plutôt celle de voir un nouveau variant émerger de cette flambée épidémique en Chine. "Chaque infection offre une opportunité pour le virus de muter et donc la possibilité qu'un sous-variant ou un variant du SARS-Cov2 n'apparaisse", rappelle Mircea Sofonea. "Nous devons nous y préparer", abonde Antoine Flahault, "le risque est évident alors que le virus circule dans un pays de 1,4 milliard d'habitants et au sein d'une population peu immunisée."

"À court terme, l'hypothèse la plus probable est que, si un sous-variant émerge, celui-ci soit un dérivé d'Omicron", poursuit Mircea Sofonea. "Comme BF.7, il viendrait juste s'ajouter à ceux qui existent déjà et ne représenterait certainement pas un réel danger pour la population occidentale, bien immunisée."

"La vraie crainte est qu'apparaisse un variant éloigné d'Omicron, qui échapperait à notre immunité, naturelle et vaccinale", prévient-il. Pour rappel, pour qu'un nouveau variant s'impose, il doit être plus contagieux que son prédécesseur, comme ça a été le cas pour Omicron face à Delta, ou qu'il échappe à l'immunité de la population.

D'autant plus que, si les experts s'accordent à dire que le pic de contaminations est peut-être déjà passé à Pékin, il faudra plusieurs mois avant que la situation ne revienne à la normale dans l'ensemble du pays. "La Chine doit s'attendre à vivre plusieurs vagues successives comme cela a été le cas dans les pays occidentaux", poursuit Antoine Flahault. "Quoiqu'il en soit, même en dehors de ce qu'il se passe en Chine, l'émergence de nouveaux variants plus transmissibles et éventuellement plus virulents doit rester une préoccupation majeure partout et justifier que nous ne baissions pas complètement notre garde", insiste-t-il. 

Par ailleurs, outre cette menace, la situation sanitaire aura certainement des répercussions économiques avec un ralentissement des chaînes de production dans le pays qui est l'usine du monde, comme cela a déjà été le cas en 2020. Plus inquiétant, alors que les autorités chinoises ont annoncé la réquisition de la production de certaines entreprises pharmaceutiques, cela pourrait aussi venir aggraver les pénuries de médicaments qui touchent plusieurs pays occidentaux cet hiver. En 2020, le pays concentrait 50 % de la production mondiale de paracétamol.

Instaurer des contrôles aux frontières ?

Face à l'inquiétude suscitée par la réouverture des frontières chinoises, l'Inde et le Japon voisins ont d'ores et déjà décidé d'imposer des tests aux voyageurs arrivant de Chine sur leur territoire. Une mesure à laquelle Antoine Flahault se dit aussi favorable en Europe. "L'ensemble de l'espace Schengen ferait bien de remettre rapidement en place un contrôle sanitaire visant à tester et séquencer les virus identifiés auprès de tous les voyageurs en provenance de Chine. C'est seulement de cette façon que nous pourrons observer précocement l'arrivée de ces nouveaux variants que l'on redoute. Et cela nous permettrait de mieux anticiper les mesures à prendre éventuellement", insiste-t-il. 

Mircea Sofonea, de son côté, appelle avant tout à continuer d'utiliser des gestes barrières. "Il ne faut pas oublier que les Chinois sont les premières victimes de cette situation", conclut-il. "La stratégie zéro Covid était intenable et aujourd'hui ils paient sa levée soudaine et mal préparée. Il va falloir que leur gouvernement réagisse vite pour éviter une catastrophe sanitaire."