logo

Sur fond de ralentissement économique persistant et de guerre en Ukraine, l'année 2022 en Amérique latine a été marquée par les victoires électorales de la gauche en Colombie et au Brésil, actant une seconde "vague rose" sur le continent, après celle des années 2000. La tentative d’assassinat visant la vice-présidente argentine Cristina Kirchner est aussi venue rappeler l’extrême polarisation politique qui touche la plupart des pays latino-américains.

  • Entre Dieu et la démocratie, le Brésil choisit Lula

Amérique latine : l'année 2022 en images

Au terme d’une campagne électorale longue et hors norme, le Brésil a finalement tourné la page Bolsonaro. Le 30 octobre, Luiz Inacio Lula da Silva, 77 ans, a été élu à la tête du Brésil pour un troisième mandat historique sur le score de 50,9 %.

Au lendemain du premier tour, Jair Bolsonaro semblait pourtant en mesure de faire une incroyable "remontada" et de coiffer sur le fil toutes les forces politiques, de la droite à l’extrême gauche, qui s’étaient rassemblées derrière la candidature de l’ex-président (2003-2010). L’ancien capitaine d'armée a cependant reconnu du bout des lèvres sa défaite le 1er novembre et, malgré les appels de ses partisans à une intervention militaire, l’armée a respecté le verdict des urnes.

La victoire de Lula est étriquée, bien loin du raz-de-marée que lui avaient promis les instituts de sondages pendant des mois, et laisse un pays profondément fracturé, entre Nord et Sud, riches et pauvres, ultraconservateurs et progressistes. Le nouveau président, qui entrera en fonction le 1er janvier 2023, devra négocier avec le camp bolsonariste sa marge de manœuvre pour gouverner le géant latino-américain.

  • Gustavo Petro, premier président de gauche en Colombie

Amérique latine : l'année 2022 en images

L’autre grand rendez-vous électoral de l’année 2022 sur le continent sud-américain s’est déroulé en Colombie, toujours divisée par l’application de l’accord de paix entre le gouvernement et la guérilla des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc) signé en 2016.

Gustavo Petro, 62 ans, a été élu le 19 juin à une courte majorité, devenant ainsi le premier président de gauche d’un pays gouverné par des élites conservatrices et libérales depuis son indépendance, il y a deux siècles.

Il succède à Ivan Duque, discrédité par la violente répression policière exercée par son gouvernement lors des manifestations populaires d’avril 2021, qui avait fait une quarantaine de morts.

Entré en fonction le 7 août, le sénateur, ex-guérillero et ancien maire de Bogota a prêté serment au côté de l'écologiste Francia Marquez, première femme noire à occuper la fonction de vice-présidente, une petite révolution dans un pays où les fractures sociales et raciales restent profondes.

  • Le Venezuela sort de son isolement diplomatique

Amérique latine : l'année 2022 en images

Depuis 2019, face à la dérive autoritaire du président Nicolas Maduro, le Venezuela est soumis à des sanctions économiques des États-Unis et de l’UE et à un embargo sur ses exportations pétrolières. En mars 2022, à la faveur de la guerre en Ukraine, Américains et Européens ont allégé ces sanctions et laissé entrevoir le retour du brut vénézuélien sur les marchés mondiaux.

À sa grande satisfaction, Caracas (proche de Moscou et de Téhéran) a vu Washington autoriser le géant pétrolier Chevron à reprendre partiellement ses activités d'extraction de pétrole dans le pays en novembre. Quelques jours plus tôt, dans les couloirs de la COP27, à Charm el-Cheikh, en Égypte, Nicolas Maduro et Emmanuel Macron (qui n’a pas reconnu la réélection du président vénézuélien en 2018) ont eu un bref échange, fort cordial, laissant entendre une reprise du dialogue.

Autre victoire diplomatique pour Nicolas Maduro, la réouverture de la frontière terrestre entre le Venezuela et la Colombie après trois ans de fermeture totale, en présence du nouveau président colombien Gustavo Petro, le 26 septembre 2022.

  • Au Chili, une nouvelle Constitution rejetée par les électeurs

Amérique latine : l'année 2022 en images

Élu en 2021, le jeune président chilien Gabriel Boric avait promis de tourner la page de la Constitution imposée en 1980 par le régime militaire d'Augusto Pinochet. Le 4 septembre, les 15 millions d’électeurs chiliens étaient donc appelés à se prononcer sur le projet de Loi fondamentale élaboré par l’Assemblée constituante mise en place par un autre référendum en 2020.

Le texte de 388 articles, considéré par certains comme avant-gardiste, contenait des propositions jugées trop radicales pour une grande partie de la population et a été largement rejeté, par 61,9 % des électeurs.

Un échec pour le gouvernement de gauche lié aux fractures qui divisent depuis longtemps la société chilienne, comme le droit à l’avortement, la question de la "plurinationalité" des peuples indigènes (12,8 % de la population), la mise en place d’un système public de santé ou encore la reconnaissance de l'eau comme bien universel.

  • En Bolivie, nouvelle rébellion de la riche province de Santa Cruz

Amérique latine : l'année 2022 en images

En Bolivie, l’affrontement entre partisans et détracteurs de l’ex-président Evo Morales, dont la réélection avait été contestée dans la rue par l’opposition de droite en novembre 2019, a renoué avec la violence.

Le 22 octobre, élus et "responsables civiques" de droite de la province de Santa Cruz, riche en gaz et en pétrole, ont lancé un blocage des routes et de l’activité économique pour exiger que le gouvernement de gauche procède à un recensement anticipé de la population servant à recalculer la répartition des sièges au Parlement et des ressources publiques.

Ce blocage s’est achevé après 36 jours de violences (qui ont fait quatre morts et plus de 170 blessés) par un accord avec le gouvernement qui satisfait les représentants de la province rebelle. L’ancien président Evo Morales a qualifié cet accord de "trahison", critiquant vertement le président Luis Arce, son ancien ministre de l’Économie et compagnon de route au sein du Movimiento al Socialismo (MAS), majoritaire au Parlement depuis 2020.

Le 10 juin 2022, la sénatrice Jeanine Añez, qui était devenue présidente par intérim fin 2019, a été condamnée à dix ans de prison, son mandat ayant été assimilé par la justice à un coup d’État.

  • En Équateur, indigènes et anticapitalistes assiègent Quito

Amérique latine : l'année 2022 en images

En juin, l’Équateur a connu un affrontement opposant le gouvernement conservateur du président Guillermo Lasso, élu en 2021, et la Confédération des nationalités indigènes de l'Équateur (Conaie).

Après 18 jours de manifestations contre la vie chère ayant fait six morts et plus de 600 blessés, les leaders indigènes ont trouvé le 30 juin un accord qui a permis la levée du blocage de la capitale Quito.

De ce mouvement a émergé la figure de Leonidas Iza, président de la Conaie. Ses discours enflammés ont galvanisé les manifestants, près de 14 000 hommes et femmes armés de lances et de bâtons. Entre 1997 et 2005, trois chefs de l'État équatorien ont été contraints de démissionner sous la pression des organisations autochtones.

  • Au Pérou, la chute du président Pedro Castillo

Amérique latine : l'année 2022 en images

Sixième président du Pérou en six ans, Pedro Castillo a été destitué le 7 décembre par un vote du Parlement dont il venait d'annoncer la dissolution, une manœuvre immédiatement qualifiée de "tentative de coup d'État".

L’ancien instituteur d’origine rurale n’aura dirigé le pays que 17 mois, pendant lesquels il a formé cinq gouvernements dans un mouvement perpétuel de démissions et de limogeages de ses ministres.

Sa mise en détention provisoire aggrave encore l’instabilité politique au Pérou et a fait monter la tension après des affrontements entre certains de ses partisans et les forces de l'ordre. Élu en 2021 face à la candidate de droite Keiko Fujimori, cet ancien dirigeant syndical avait promis une rupture avec des décennies de gouvernement dominé par les élites traditionnelles du pays andin.

Ses partisans réclament désormais la tenue d'élections anticipées. Ce que la vice-présidente Dina Boluarte, qui lui a succédé, a fini par concéder.

  • Répression, reconnaissance du mariage homosexuel et pénuries à Cuba

Amérique latine : l'année 2022 en images

À Cuba, l’année 2022 s’est ouverte avec de nouvelles condamnations à la suite du mouvement de protestation historique du 11 juillet 2021. Le 15 février, 20 manifestants ont été condamnés à des peines allant jusqu'à 20 ans de prison pour sédition.

Le mécontentement des Cubains ne semble pourtant pas près de s’arrêter, l’île étant plongée dans une profonde crise économique. À La Havane, l'achat de produits alimentaires est la principale préoccupation des habitants, obligés d'attendre des heures devant les commerces pour espérer pouvoir s'approvisionner.

Le 26 septembre, les Cubains ont approuvé par référendum le mariage pour tous et la gestation pour autrui (GPA). Le texte, qui remplace désormais l'ancien Code de la famille datant de 1975, est un des plus progressistes d'Amérique latine en matière de droits sociétaux. C’est la première fois que les Cubains étaient appelés à se prononcer sur une loi par référendum.

  • Cinquante ans après, l’Uruguay se souvient du crash aérien dans les Andes

Amérique latine : l'année 2022 en images

En octobre, les Uruguayens se sont souvenus de l'inoubliable odyssée des rescapés d’un crash aérien poussés au cannibalisme. Il y a 50 ans, un avion transportant de jeunes rugbymen entre l'Uruguay et le Chili s'écrasait dans la cordillère des Andes. Les rescapés passeront 72 jours coupés du monde à plus de 3 700 mètres d’altitude.

Sur les 45 passagers, 31 survivent à l'atterrissage et seuls 16 d’entre eux parviendront finalement à être récupérés par les sauveteurs. Les révélations ultérieures sur les faits d'anthropophagie qui ont permis la survie des rescapés ont fait le tour du monde.

En un demi-siècle, cette épopée a fait l’objet de nombreux livres et d’un film (sorti en 1993), et un musée "Andes 1972" a vu le jour il y a dix ans à Montevideo "pour défendre les valeurs émanant de cette histoire".

  • En Argentine, tentative d’assassinat de Cristina Kirchner sur fond de condamnation pour corruption

Amérique latine : l'année 2022 en images

La vice-présidente argentine Cristina Kirchner a été condamnée le 6 décembre à une peine de six ans de prison – dont une immunité parlementaire la préserve – et à l'inéligibilité à vie, dans un procès pour fraude et corruption pendant sa présidence (2008-2015). Un verdict qu'elle a imputé à une "mafia judiciaire".

Le 1er septembre, la cheffe de file du péronisme populaire, vénérée par une partie de la population, avait été victime d’une tentative d’assassinat à Buenos Aires, devant son domicile. Au beau milieu de ses partisans, qui protestaient contre la procédure judiciaire menée à son encontre, un homme de 26 ans avait réussi à pointer son arme à feu chargée sur le visage de la vice-présidente argentine, sans parvenir à tirer.

Cette tentative de "magnicide" est venue souligner l’extrême tension qui parcourt continuellement l'exécutif argentin. Le mandat du président Alberto Fernandez, tenant d’un péronisme plus centriste, s’achève en 2023 et les différents courants péronistes s’affrontent sans relâche au sein de son gouvernement.

Dans la foulée de sa condamnation, l'ex-cheffe de l'État a affirmé qu'elle "ne sera candidate à rien, ni sénatrice, ni vice-présidente, ni présidente" aux élections générales de 2023, paraissant renoncer à une immunité future, même si plusieurs niveaux de recours ne devraient pas rendre la sentence effective avant des années.