Emmanuel Macron s'est rendu, mardi, en Jordanie, pour la conférence Bagdad II, destinée à soutenir la stabilité de l'Irak et à promouvoir la coopération entre puissances du Moyen-Orient. Si le Premier ministre irakien s'est engagé à rester "à l'écart des axes" politiques, l'influence grandissante de l'Iran dans le pays inquiète certains de ses partenaires.
Une conférence pour apaiser les tensions entre puissances rivales. La France et l'Irak ont inauguré, mardi 20 décembre, en Jordanie, la conférence dite Bagdad II destinée à promouvoir la coopération entre puissances du Moyen-Orient, en présence des ministres des Affaires étrangères de l'Arabie saoudite et de l'Iran, à couteaux tirés.
Parmi les autres chefs d'État et de gouvernement présents à Amman figurent le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, l'émir qatari cheikh Tamim ben Hamad al-Thani et le roi Abdallah de Jordanie, ainsi que le Premier ministre irakien, Mohammed Chia al Soudani, et l'émir koweïtien, cheikh Nawaf al-Ahmad al-Sabah.
Dans un communiqué final, les participants ont assuré qu'ils continueraient "à coopérer avec l'Irak pour soutenir sa stabilité, sa souveraineté et le processus démocratique dans ce pays" qui sort d'une crise politique de plus d'un an.
Ils ont affirmé qu'ils soutenaient "les efforts de l'Irak visant à consacrer le dialogue comme moyen de résoudre les crises régionales". Cette conférence faisait figure de test pour le Premier ministre irakien, Mohamed Chia al-Soudani, désigné en octobre après plus d'une année d'impasse politique et considéré comme plus proche de l'Iran que son prédécesseur.
Éviter un modèle "dicté de l'extérieur"
Dans son discours, le président français a appelé l'Irak à suivre une autre voie que celle d'un "modèle dicté de l'extérieur", dans une allusion à l'Iran.
"L'Irak aujourd'hui est le théâtre d'influences, d'incursions, de déstabilisations qui sont liées à toute la région", a ajouté Emmanuel Macron sans citer l'Iran, représenté par son chef de la diplomatie, Hossein Amir-Abdollahian. Il a appelé Bagdad à suivre une voie "qui ne soit pas celle d'une forme d'hégémonie, d'impérialisme, de modèle qui serait dicté de l'extérieur".
Avec des partis pro-iraniens dominant le Parlement irakien et un gouvernement issu de cette majorité, l'Iran, où Mohamed Chia al-Soudani s'est rendu fin novembre, consolide son emprise sur son voisin.
Téhéran soutient également militairement le régime du président Bachar al-Assad en Syrie, appuie les rebelles houthis au Yémen et jouit d'une influence au Liban, sans président depuis près de deux mois, à travers le puissant Hezbollah chiite.
Rester "à l'écart des axes" politiques
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a souligné "le refus par l'Égypte de toutes les interventions extérieures en Irak". Dans son allocution, le Premier ministre irakien s'est engagé à avoir "des relations équilibrées avec tous les partenaires régionaux et internationaux" et à rester "à l'écart des axes" politiques.
Le ministre saoudien des Affaires étrangères, Fayçal ben Farhane, dont le pays est le grand rival régional de l'Iran, a assuré que son pays se tenait "aux côtés de l'Irak pour préserver sa stabilité et sa souveraineté".
Dans une allocution prononcée en partie en français, le roi Abdallah II de Jordanie a, lui, souligné "le rôle pivot de l'Irak" dans le maintien de la "stabilité" régionale.
Ce sommet a par ailleurs été l'occasion d'une rencontre entre le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, et son homologue iranien. "J'ai souligné la nécessité de stopper immédiatement le soutien militaire à la Russie et la répression interne en Iran", a-t-il affirmé dans un tweet.
Necessary meeting w Iranian FM @Amirabdolahian in Jordan amidst deteriorating Iran-EU relations
Stressed need to immediately stop military support to Russia and internal repression in Iran
Agreed we must keep communication open and restore #JCPOA on basis of Vienna negotiations
Répression et otages en Iran
Hossein Amir-Abdollahian a "condamné l'approche des pays occidentaux consistant à soutenir les émeutiers et à imposer des sanctions illégales".
La cheffe de la diplomatie française Catherine Colonna a indiqué avoir brièvement échangé avec son homologue iranien, auquel elle a demandé la "libération immédiate des otages" français détenus par l'Iran.
Selon les autorités françaises, sept Français sont aujourd'hui détenus en Iran, qui est accusé de se servir des ressortissants occidentaux comme monnaie d'échange.
Pour l'analyste Riad Kahwaji, basé à Dubai, il faudra voir "quelle est la disposition de Téhéran, qui joue un rôle central dans les crises de la région, de l'Irak à la Syrie en passant par le Liban et le Yémen, à faire des compromis".
Emmanuel Macron, qui s'est rendu lundi sur le porte-avions français Charles-de-Gaulle au large de l'Égypte pour la fête de Noël avec les troupes françaises, doit s'entretenir mercredi avec le roi Abdallah II, "allié dans la lutte contre le terrorisme", selon Paris.
Avec AFP