Quelque 9 millions d’électeurs sont appelés aux urnes, samedi, en Tunisie, pour les élections législatives anticipées. Un scrutin qui marque un profond tournant puisqu’il intervient après l’instauration de nouvelles règles électorales et constitutionnelles. Explications.
Le début d’une nouvelle ère en Tunisie ? Les électeurs sont appelés aux urnes, samedi 17 décembre, pour élire leurs députés. Au total, mille cinquante-huit candidats, dont 122 femmes, concourent pour les 161 sièges de l'Assemblée des représentants du peuple, la chambre basse du Parlement.
Ce scrutin est le premier mis en place depuis l’adoption d’une nouvelle constitution en juillet puis la publication d’une nouvelle loi électorale en septembre. Il sera donc marqué par de nouvelles modalités électorales avec de nombreux changements, que ce soit sur les règles de campagne, les modalités d’élection ou bien le fonctionnement du Parlement.
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Candidatures individuelles
Le premier changement majeur est la dissociation entre les candidats et les partis. Alors que ces derniers pouvaient auparavant présenter des listes, la nouvelle loi électorale stipule que les candidats doivent désormais concourir individuellement, sans affiliation affichée. Une décision contestée par plusieurs partis d’opposition comme la formation islamiste conservatrice Ennahda ou bien le Parti destourien libre (PDL). Celui-ci avait ainsi porté plainte contre l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), une action visant à suspendre le processus électoral. La plainte a été rejetée par un tribunal de Tunis.
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Parrainages et financements
La nouvelle loi électorale prévoit également des règles strictes concernant les parrainages. Pour faire valider leurs candidatures aux élections, les aspirants députés ont dû en obtenir 400 parmi les électeurs de leur circonscription en suivant des critères de parité et d'âge - 50 % d’hommes, 50 % de femmes et au moins 25 % de jeunes de moins de 35 ans. Chaque électeur ne peut par ailleurs parrainer qu’un seul candidat.
Au rang des nouveautés, il a aussi été demandé aux candidats de fournir un programme local et un casier judiciaire vierge pour postuler auprès de l’instance supérieure indépendante pour les élections, chargée de valider les dossiers. Enfin, il est désormais interdit de recourir à de l’argent public ou de faire financer sa campagne par un parti : seuls les financements privés sont autorisés.
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Binationalité, fonctions et parité
Autre changement important : l’encadrement des candidatures des binationaux. Le texte cantonne à présent leur participation aux circonscriptions de l’étranger, y compris pour ceux qui résident sur le sol tunisien. Les membres du gouvernement, les chefs de cabinets, les juges, les chefs de missions diplomatiques ou bien encore les imams, de leur côté, ne peuvent pas concourir, à moins d’avoir quitté leurs fonctions il y a au moins un an.
Alors que la précédente loi électorale prévoyait une égalité femmes-hommes sur les listes, le nouveau texte ne mentionne pas de règle sur la parité, bien que celle-ci figure dans la Constitution. La parité est en revanche exigée sur les listes de parrainages, comme expliqué précédemment. Parmi les 1058 candidats aux législatives, moins de 130 sont des femmes.
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Nouveau mode de scrutin
Cette réforme s’accompagne aussi d’un nouveau mode de scrutin. Les membres de l'Assemblée des représentants du peuple étaient jusqu’ici élus au scrutin proportionnel plurinominal : les électeurs votaient pour des listes et le nombre de sièges était ensuite réparti en fonction du nombre de voix obtenues. Ce système est remplacé par le scrutin uninominal majoritaire à deux tours. Les électeurs votent désormais pour un seul candidat. Si aucun participant n’obtient la majorité absolue, alors un deuxième tour est organisé entre les deux candidats ayant obtenu le plus de voix.
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Redécoupage électoral
Avec le précédent système électoral de listes, plusieurs candidats pouvaient donc être élus au sein d’une même circonscription. Les 217 sièges étaient alors divisés en 33 districts électoraux, dont six à l’étranger. La réforme électorale s’accompagne donc d’un redécoupage électoral : le nombre de circonscriptions passe de 33 à 161 (dont 10 à l’étranger) - ce qui correspond au nombre de sièges total.
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Assemblée réduite
La nouvelle constitution, entrée en vigueur le 16 août, introduit enfin plusieurs changements de prérogatives. Elle stipule notamment que le président peut soumettre des textes législatifs au Parlement et que ses projets "ont la priorité". Les députés peuvent, de leur côté, soumettre des propositions de loi, "à condition qu’elles soient présentées par au moins dix" d’entre eux. Le texte réduit également l’immunité dont ils bénéficient et rend plus difficile le vote de motions de censure - une mesure qui peut faire chuter le gouvernement. Enfin, la nouvelle constitution entérine la création d’une seconde chambre : le Conseil national des régions et des districts, pour contrebalancer le pouvoir de l’Assemblée.
Selon le calendrier électoral, les résultats préliminaires devraient être annoncés le 20 décembre. La date du 19 janvier a été fixée comme délai maximal pour la proclamation des résultats définitifs. Un second tour devrait ensuite avoir lieu courant février ou mars 2023 dans les circonscriptions en ballotage.