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Afghanistan : les Taliban procèdent à leur première exécution publique depuis leur prise de pouvoir

L'administration afghane a indiqué mercredi avoir procédé à la première exécution publique d'un condamné à mort depuis le retour au pouvoir des Taliban en août 2021. 

Retour des exécutions capitales en public en Afghanistan. Pour la première fois depuis leur retour au pouvoir, les Taliban ont procédé, mercredi 7 décembre, à une mise à mort publique – celle d'un homme condamné pour meurtre –, quelques semaines seulement après l'injonction de leur chef suprême d'appliquer la loi islamique jusque dans ses aspects les plus brutaux.

La Cour suprême a été sommée de faire appliquer "cet ordre de 'qisas' lors d'un rassemblement public d'habitants" à Farah (ouest), a déclaré dans un communiqué le porte-parole des Taliban, Zabihullah Mujahid, faisant référence à la loi du talion qui figure dans la charia.

Abattu à la kalachnikov

Le condamné, prénommé Tajmir, fils de Ghulam Sarwar, était accusé d'avoir assassiné en 2017 un homme et volé sa moto ainsi qu'un téléphone portable, selon le communiqué des Taliban.

La sentence a été exécutée par le père de la victime, qui a tiré à trois reprises sur le condamné avec une kalachnikov, a précisé dans la soirée le porte-parole des Taliban.

Sous le premier régime des Taliban (1996-2001), les condamnés étaient majoritairement tués par balle ou par lapidation, selon les crimes reprochés.

Le condamné à mort, qui résidait dans le district d'Anjil, dans la province d'Hérat, dans l'ouest de l'Afghanistan, a été "reconnu par les héritiers du défunt" et a admis sa culpabilité, a assuré la même source.

Les nouveaux dirigeants du pays ont assuré que l'affaire avait été examinée de manière approfondie par différents tribunaux (première instance, cour d'appel et Cour suprême), avant que leur chef suprême, Hibatullah Akhundzada, n'entérine la sentence.

Ordre d'appliquer la charia

Mi-novembre, Hibatullah Akhundzada avait ordonné aux juges d'appliquer tous les aspects de la loi islamique, notamment les exécutions publiques, les lapidations et les flagellations, ainsi que l'amputation de membres pour les voleurs.

"Examinez soigneusement les dossiers des voleurs, des kidnappeurs et des séditieux", avait écrit dans un tweet le porte-parole des Taliban, citant Hibatullah Akhundzada.

Pour "ces dossiers dans lesquels toutes les conditions de la charia (...) ont été remplies, vous êtes obligés d'appliquer" l'ensemble des sanctions prévues, avait-il poursuivi.

"Avec cette mise en demeure d'appliquer ce qui est écrit, Hibatullah Akhundzada rappelle que la seule loi sur Terre est celle de Dieu et que les hommes n'ont pas à l'interpréter", analyse Karim Pakzad, chercheur à l'Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), interrogé par l'AFP.

Les Taliban faisant face aujourd'hui à des résistances au sein même du régime, "la charia, qui est la base idéologique du mouvement, est une manière de rassembler et de créer une unité", observe le chercheur.

Les fondamentalistes musulmans ont procédé à plusieurs flagellations publiques depuis leur accession au pouvoir en août 2021, mais l'exécution de mercredi est la première qu'ils ont reconnue.

"C'est inhumain de voir ça"

Les réseaux sociaux sont inondés depuis plus d'un an de vidéos et de photos de combattants talibans infligeant des flagellations dans la rue à des personnes accusées de diverses infractions.

Des rapports font également état de flagellations pour adultère dans les zones rurales après la prière du vendredi, mais il est difficile de les vérifier de source indépendante.

À leur retour au pouvoir, les Taliban avaient promis de se montrer plus souples dans l'application de la charia, mais ils sont largement revenus à l'interprétation ultrarigoriste de l'islam qui avait marqué leur premier passage au pouvoir.

Ils punissaient alors en public les auteurs de vol, d'enlèvement ou d'adultère, de peines telles que l'amputation d'un membre et la lapidation.

"Ces punitions sont interdites dans le monde entier. C'est inhumain de voir ça", a réagi mercredi auprès de l'AFP Ogai Amil, une militante afghane pour les droits humains.

À Paris, le ministère français des Affaires étrangères a condamné cette exécution publique, évoquant une décision "odieuse".

Avec AFP et Reuters