D'un côté, elles sont vitales pour notre survie, de l'autre, parfois dangereuses et même mortelles pour les hommes : les microalgues se répandent de plus en plus. Nos océans sont-ils en train de devenir un danger ?
Parfois, la mer perd son bleu distinctif et se teinte de vert, de marron, d'orange ou même de rouge intense. Ce phénomène est dû à la présence dans l'eau de microalgues, micro-organismes invisibles à l'œil nu qui peuvent représenter un grand danger pour les hommes et les écosystèmes. Sur les 5 000 espèces de microalgues identifiées, environ 200 sont toxiques, et certaines peuvent amener jusqu’à la mort.
Yoann Le Merrer, ingénieur à l'Ifremer, explique que les toxines produites par ces microalgues nocives s'accumulent dans le foie des coquillages, et peuvent ensuite provoquer de graves malaises chez ceux qui les consomment. Alors, l’Ifremer surveille l'écologie du milieu marin, en effectuant des relevés pour identifier la présence d'algues toxiques. Si des espèces problématiques sont détectées dans une certaine zone côtière, des mesures comme l’interdiction de la vente de coquillages sont instaurées.
Une prolifération anormale ?
Mais si les microalgues peuvent constituer un grave danger, elles sont aussi vitales pour notre survie. Elles absorbent le CO2 et produisent la moitié de l'oxygène que nous respirons. Elles sont aussi à la base de la chaîne alimentaire des océans. Le problème se pose lorsqu'il y a une prolifération excessive de ces microalgues qui, non seulement entraînent un risque croissant de maladies chez l'homme, mais aussi appauvrissent l'oxygène disponible dans l'eau en se décomposant, menaçant l'ensemble de l'écosystème marin.
Le chercheur Philipp Hess étudie les conditions environnementales qui favorisent la prolifération des microalgues toxiques. "On constate que des microalgues, qui viennent à l’origine des tropiques, peuvent aussi se répandre à des latitudes de plus en plus au nord", explique-t-il, en ajoutant que davantage d'événements climatiques extrêmes comme des tempêtes ou vagues de chaleur peuvent déséquilibrer l’environnement et entraîner des proliférations de microalgues toxiques.
Des solutions possibles, mais coûteuses et de longue haleine
Suite à plusieurs arrêts de son entreprise pour cause de seuil de toxicité dépassé, Thierry Larnicol, ostréiculteur dans le Finistère, a investi dans un système qui lui permet de purifier l’eau des coquillages. L'eau est traitée en injectant des microbulles qui forment une écume pour concentrer toutes les microalgues toxiques et les rejeter en mer, d’où elles proviennent. Cependant, il reconnaît que "l’investissement est énorme, de l’ordre de 800 000 euros", et donc qu'il n'est pas envisageable pour tous les ostréiculteurs.
Une autre solution est de diminuer la concentration dans l'eau des substances qui favorisent la prolifération des microalgues, comme les nitrates et les phosphates. Ces substances proviennent pour la plupart du secteur agricole. L’ingénieur agronome Anne-Monique Bodilis étudie l'impact des cultures agricoles sur l'eau en utilisant un dispositif expérimental. "On est au premier maillon de la chaîne : si l’agriculture limite ses impacts, elle limite les transferts de nitrates et de phosphore. C’est autant de nutriments en moins pour les microalgues", explique-t-elle.
Mais combattre le problème à sa racine, au sens propre, n'est pas une solution si facile : l'amélioration des pratiques des agriculteurs aujourd'hui aura des répercussions positives d'ici cinq à dix ans. Il faut donc faire preuve de beaucoup de patience, ou trouver des autres solutions à court terme.