
Des centaines d'Afghans quittent leur pays chaque semaine pour rejoindre la France ou la Grande-Bretagne, préférant l'exil à la misère et la guerre. Ils sont en France au cœur d'une polémique : faut-il les renvoyer dans leur pays ou pas ?
Wali Mohammadi, un Afghan naturalisé français en 2008, est l'invité de ce Focus.
Le jeune homme sourit d’un air gêné, ses yeux bleu ciel se tournent vers son père en signe d’aval. "Comme j’ai des problèmes ici, mes parents m’ont dit d’aller en France pour trouver du travail. En Afghanistan, sans argent ni travail, la vie est très difficile", explique le jeune Afghan de 18 ans qui souhaite garder l’anonymat. Il doit partir dans une semaine et sait que le trajet sera périlleux : il traversera clandestinement l’Iran et la Turquie pour parvenir enfin en Europe où il tentera d'entrer en France.
Première étape de ce périple : Hérat, dans l’ouest de l'Afghanistan. Les futurs migrants illégaux se retrouvent dans un hôtel bon marché du centre-ville, où ils s’organisent en petits groupes et attendent les passeurs. Dans leur chambre austère, Nurullah, Jama khan et Abdul Waser discutent des risques de leur voyage jusqu’à la frontière iranienne. "Il y a les ennemis du gouvernement là-bas. Ils combattent, attaquent, et nous pouvons être pris au milieu." Nurullah ajoute : "Si j’avais assez d’argent, je prendrai un visa." Le jeune fils du propriétaire de l’hôtel les regarde avec inquiétude et leur raconte ce qu’il a entendu d’un passeur. "Quatre Afghans étaient cachés sous un bus, mais le bus a été arrêté pendant longtemps par la police iranienne, au poste de contrôle. Ils ont trouvé la cachette et les quatre Afghans morts. Ils avaient été asphyxiés." Le trajet coûte autour de 700 dollars par personne pour aller jusqu’à Téhéran.
"À certains postes de police, nous devons donner de l’argent"
La route des clandestins part de Hérat vers la province de Farah. Elle traverse des zones désertiques, des districts tenus par les Taliban. Un passeur a accepté de nous y rencontrer, à condition de préserver son anonymat. Accompagné de trois Afghans aux visages masqués, il pointe de son téléphone satellite la frontière iranienne, à une centaine de kilomètres derrière des collines rocailleuses. "Le jour, la police afghane et surtout la police iranienne contrôlent la frontière. C’est pour cela que nous passons à pied la nuit. Le chemin est très long. À certains postes de police, nous devons donner de l’argent. Parfois nous nous cachons dans des canaux d’irrigation, parfois les Iraniens ferment les yeux et laissent un passage ouvert."
Retour à l’hôtel d'Hérat. Mohammed travaille aux cuisines et dort dans une des chambres vacantes. Le jeune homme réservé, aux allures d’adolescent, est un ancien clandestin. Il a réussi à se rendre jusqu’en Grèce où il a vécu illégalement pendant deux ans. Il travaillait au noir dans les cuisines d’un restaurant pour survivre quand il a été dénoncé et renvoyé. "La police grecque m’a arrêté et m’a battu avec des bâtons mais aussi avec les pieds, les mains. Tous les gens, importants ou pas, m’ont dit : 'Tu es Afghan, tu es sale. Sale Afghan !'." Mohammed ne veut plus entendre parler d’Europe… Aujourd’hui il travaille dans les cuisines de l’hôtel d'Herat où se retrouvent les futurs migrants. Il gagne l’équivalent d’un euro et demi par jour.