Le Chili retourne aux urnes, dimanche, pour se prononcer sur une nouvelle Constitution, entre maintien d'une société libérale ou aller vers un État plus interventionniste. Si les sondages prédisent un rejet, l'incertitude demeure sur l'issue de ce vote obligatoire pour 15 millions d'inscrits.
Les 15 millions d'électeurs chiliens votaient dimanche dans le cadre du référendum sur la nouvelle Constitution destinée, si les électeurs l'approuvent, à remplacer celle héritée de la dictature d'Augusto Pinochet qui, malgré plusieurs réformes successives, est toujours considérée comme un frein à toute réforme sociale de fond. Base néolibérale d'un modèle qui a permis des décennies de stabilité et de croissance économique, elle a engendré une société profondément inégalitaire.
La proposition entend notamment que l'État puisse garantir aux citoyens chiliens le droit à l'éducation, à la santé publique, à une retraite ainsi qu'à un logement décent. Elle entend consacrer le droit à l'avortement, une question clivante dans le pays où l'IVG n'est autorisé que depuis 2017 en cas de viol ou de danger pour la mère ou l'enfant, ainsi que des droits environnementaux ou encore la reconnaissance des peuples autochtones.
De longues files d'attente s'étaient étirées devant les bureaux de vote avant même leur ouverture à 8 h (12 h GMT) pour ce scrutin qui doit décider si les Chiliens veulent ou non un important changement de société. Le vote doit s'achever à 18 h (22 h GMT).
Alors que les derniers sondages ont sans exception prédit la victoire du non, le président de gauche Gabriel Boric a été parmi les premiers à aller voter, avec son père et son frère, dans la ville de Punta Arenas, à l'extrême sud du pays, face au Détroit de Magellan.
"Au Chili, nous devons résoudre nos différences avec plus de démocratie, jamais avec moins. Je suis très fiers que nous soyons arrivés jusqu'ici", a-t-il tweeté à cette occasion.
L'ancienne présidente Michelle Bachelet, qui vient de quitter son poste de Haute-Commissaire de l'ONU aux droits de l'homme et demeure très populaire dans le pays, a estimé que si la nouvelle constitution était rejetée "les demandes de Chiliens resteront insatisfaites".
Le vote de dimanche devrait soit finaliser, en cas de oui, soit suspendre, si le non l'emporte, le processus de nouvelle Constitution entamé après le violent soulèvement populaire de 2019 réclamant plus de justice sociale.
Des citoyens se sont réveillés très tôt pour pouvoir voter dès l'ouverture des bureaux de vote à travers le pays. "Ce référendum m'a beaucoup angoissée, du coup j'ai peu dormi et je suis arrivée très tôt, tant mieux !", a dit Rosa Gonzalez à Quilicura, dans la banlieue de Santiago.
L'actuelle Constitution, rédigée sous la dictature d'Augusto Pinochet (1973-1990), est toujours, malgré plusieurs réformes successives, considérée comme un frein à toute réforme sociale de fond.
Base néolibérale d'un modèle qui a permis des décennies de stabilité et de croissance économique, elle a aussi engendré une société profondément inégalitaire.
La proposition entend garantir aux citoyens chiliens le droit à l'éducation, à la santé publique, à une retraite ainsi qu'à un logement décent.
Elle entend consacrer le droit à l'avortement, un sujet qui fait débat dans ce pays où l'IVG n'est autorisée que depuis 2017 en cas de viol ou de danger pour la mère ou l'enfant, ainsi que des droits environnementaux ou encore la reconnaissance des peuples autochtones.
"Vote conservateur"
Malgré la démonstration de force des partisans du "oui", qui ont réuni plus de 250 000 personnes, jeudi soir, à Santiago, lors de la clôture de la campagne officielle - contre à peine 400 pour les soutiens du "non"-, les sondages prédisent, sans exception, la victoire du "je rejette" la proposition de nouvelle constitution.
"Beaucoup de jeunes vont aller voter, surtout dans la capitale, et ces jeunes sont pour le changement. Mais cela ne signifie pas" que le vote d'approbation va l'emporter car il est donné perdant "dans le sud et le nord du pays", indique à l'AFP Marta Lagos, sociologue et fondatrice de l'institut de sondage Mori.
Ces deux régions connaissent de graves problèmes de violence et d'insécurité. Dans le sud, en raison de conflits autour de terres revendiquées par des groupes radicaux indigènes Mapuche et, dans le nord, en raison de l'afflux migratoire, des problèmes de pauvreté et de trafic d'êtres humains.
Selon elle, les partisans du "non" forment un groupe "très hétérogène" avec une forte fibre "populiste" alimentée par la "peur" de se voir dépossédés. Au contraire, le camp du "oui" a été capable de comprendre comment "les nouveaux droits sociaux seront répartis", dit-elle.
"Il y a bien sûr toujours une possibilité que tous les sondages se trompent" et que le vote dans la capitale "puisse compenser celui dans le nord et le sud" du pays, mais "je pense que cette probabilité ne dépasse pas 5 %" de chances, assure-t-elle.
La nouvelle constitution porte certaines des valeurs "des millenials" (qui ont atteint leur majorité en 2000 ou après), mais "dimanche nous devrions assister à un vote conservateur", prédit la sociologue.
Nouveau processus
Le rejet de cette proposition de constitution, élaborée pendant un an par une Assemblée constituante élue en mai 2021 et composée de 154 membres, ne signifie pas pour autant le gel de toutes les réformes. Des "feuilles de route" ont déjà été élaborées.
"Il y a un consensus sur le fait que la Constitution de 1980 n'est plus valable et que nous devrions passer à une autre" établissant de nouveaux "droits sociaux, politiques et économiques", a déclaré à l'AFP Cecilia Osorio, universitaire à l'Université du Chili.
Emanuel Gonzalez, un journaliste de 22 ans, qui dit avoir voté pour l'écriture une nouvelle constitution lors du référendum d'octobre 2020, entend cette fois rejeter la proposition qui en a découlé.
"Ce n'est pas que je ne l'aime pas du tout. Je l'ai lue et je pense qu'il y a des choses qui peuvent être sauvées si un nouveau processus constituant est recréé", a-t-il dit.
Si le rejet l'emporte, le président Gabriel Boric a annoncé qu'il demanderait au Parlement de lancer un nouveau processus constitutionnel repartant de "zéro", avec l'élection d'une nouvelle assemblée constituante pour rédiger un nouveau texte.
Selon lui, le référendum de 2020, approuvé à 79 %, a définitivement enterré la Constitution de l'ère Pinochet. Si le oui l'emporte, la nouvelle constitution entrera en vigueur dans 10 jours.
Les partisans du président Boric veulent croire à un renversement de situation. "Les gens vont voter en masse et les sondages vont encore se tromper", se convainc le sénateur Juan Carlos Latorre, président du parti Révolution démocratique, membre de la coalition gouvernementale.
Avec AFP