En réponse à la visite de Nancy Pelosi à Taïwan, Pékin a commencé jeudi ses plus importants exercices militaires autour de l'île depuis des décennies. Tokyo affirme que quatre des cinq missiles balistiques tirés par Pékin auraient survolé Taïwan. Le chef de la diplomatie japonaise a appelé à "l'arrêt immédiat" de ces manœuvres.
"Ceux qui offensent la Chine devront être punis, de façon inéluctable", avait menacé le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi. L'armée chinoise a commencé, jeudi 4 août, ses plus importants exercices militaires depuis des décennies autour de Taïwan. Ces manœuvres militaires interviennent à la suite de la visite sur l'île de Nancy Pelosi, présidente de la Chambre des représentants américaine. Son déplacement à Taïwan a déclenché la fureur de Pékin.
Quatre des cinq missiles balistiques chinois tombés dans la zone économique exclusive (ZEE) du Japon "auraient survolé l'île de Taïwan", a indiqué jeudi le ministère japonais de la Défense. Le Japon a déposé une réclamation auprès de la Chine par la voie diplomatique. Selon le ministère, c'est la première fois que des missiles balistiques chinois entraient dans la ZEE nippone.
Le ministre japonais des Affaires étrangères, Yoshimasa Hayashi, a appelé à "l'arrêt immédiat" de ces exercices militaires. "Les actions de la Chine ont cette fois un impact grave sur la paix et la stabilité de la région. Je demande une nouvelle fois l'arrêt immédiat de ces manœuvres militaires", a-t-il déclaré à des journalistes à Phnom Penh (Cambodge), où il participait à une réunion de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean).
Par ailleurs, 22 avions de combat chinois sont brièvement entrés dans la zone de défense aérienne taïwanaise, a annoncé le ministre taïwanais de la Défense. Les systèmes de défense anti-aériens ont traqué les avions chinois, a-t-il ajouté sur son site internet.
À Pingtan, une île chinoise située à proximité d'une zone où se déroulent les manœuvres, des hélicoptères militaires ont survolé le ciel en direction du détroit de Taïwan, ont constaté des journalistes de l'AFP. Des touristes qui se trouvaient en bord de mer sur cette île touristique ont assisté aux tirs.
De "multiples" missiles tirés près de Taïwan
Peu après midi (4 h GMT), les manœuvres militaires ont débuté dans six zones encerclant Taïwan, au niveau de routes commerciales très fréquentées et parfois à seulement 20 kilomètres des côtes taïwanaises.
"Les exercices commencent" et se poursuivront jusqu'à dimanche midi, a indiqué la télévision publique chinoise CCTV dans un message sur les réseaux sociaux.
Selon Taïwan, la Chine a tiré de "multiples" missiles lors de ses manœuvres. "Le ministère de la Défense nationale a déclaré que le Parti communiste chinois avait tiré de multiples missiles balistiques Dongfeng dans les eaux environnantes du nord-est et du sud-ouest de Taïwan à partir de 13 h 56 environ (05 h 56)", a déclaré le ministère de la Défense taïwanais dans un bref communiqué.
L'armée taïwanaise n'a pas confirmé l'endroit précis où les missiles ont atterri ni s'ils ont survolé l'île. L'Armée populaire de libération de la république de Chine a également confirmé ses tirs de missiles.
Deux missiles ont également été lancés par la Chine près des îles Matsu de Taïwan, qui se trouvent au large de la côte chinoise, vers 14 heures, heure locale (06 h GMT), en direction des zones d'exercice annoncées par la Chine, selon un rapport interne de la sécurité taïwanaise consulté par Reuters et confirmé par une source de sécurité taïwanaise.
"La Chine est en situation de légitime défense"
Ces exercices visent à simuler un "blocus" de l'île et incluent "l'assaut de cibles en mer, la frappe de cibles au sol et le contrôle de l'espace aérien", a indiqué l'agence officielle Chine Nouvelle.
Les autorités de l'île ont dénoncé ce programme, soulignant qu'il menace la sécurité de l'Asie de l'Est. "Certaines des zones des manœuvres de la Chine empiètent sur (...) les eaux territoriales de Taïwan", a réagi Sun Li-fang, le porte-parole du ministère taïwanais de la Défense, fustigeant "un acte irrationnel visant à défier l'ordre international".
"Le ministère de la Défense nationale souligne qu'il respectera le principe de se préparer à la guerre sans chercher la guerre", a affirmé le ministère taïwanais de la Défense dans un communiqué. Il a indiqué que l'armée taïwanaise avait tiré une fusée éclairante dans la nuit de mercredi à jeudi pour éloigner un drone qui survolait l'île de Kinmen, qui se trouve à seulement 10 km de la ville de Xiamen, en Chine continentale. Mais il n'a pas précisé de quel type de drone il s'agissait ni d'où il provenait.
Pour Pékin, ces exercices – ainsi que d'autres, plus limités, démarrés ces derniers jours – sont "une mesure nécessaire et légitime" après la visite à Taïwan de la cheffe des députés américains, Nancy Pelosi.
"Ce sont les États-Unis qui sont les provocateurs, et la Chine qui est la victime. La Chine est en situation de légitime défense", a assuré à la presse Hua Chunying, une porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Le comportement de Pékin "pas responsable", juge Washington
Ces manœuvres suscitent inquiétude et préoccupations. "L'Association des nations de l'Asie du Sud-Est (Asean) est préoccupée par l'instabilité internationale et régionale, notamment avec les récents développements dans la région adjacente de l'Asean, qui peuvent mener à de mauvais calculs, une confrontation sérieuse, des conflits ouverts, et des conséquences imprévisibles pour les grandes puissances", ont écrit dans un communiqué commun les ministres des Affaires étrangères de l'Asean, réunis à Phnom Penh.
En marge de cette réunion, le chef de la diplomatie de l'Union européenne, Josep Borrell, a condamné les manœuvres "agressives" de la Chine, estimant qu'il n'y avait "aucune justification" à utiliser "comme prétexte" la visite de Nancy Pelosi. "Il est normal pour les députés de nos pays de voyager à l'international", a-t-il écrit sur Twitter.
There is no justification to use a visit as pretext for aggressive military activity in the Taiwan Strait. It is normal and routine for legislators from our countries to travel internationally.
We encourage all parties to remain calm, exercise restraint, act with transparency. https://t.co/b760G8L0J4
Le choix de la Chine de lancer des manœuvres militaires n'est "pas responsable", et la situation pourrait dégénérer, a de son côté prévenu le principal conseiller diplomatique de Joe Biden, Jake Sullivan. Il a appelé la Chine à "agir de façon responsable et à éviter toute sorte d'escalade qui pourrait conduire à une erreur ou un mauvais calcul dans les airs ou dans les eaux". Ces exercices militaires vont "accroître les tensions dans le détroit (de Taïwan)", a-t-il regretté.
Avec AFP