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En Équateur, les manifestants indigènes maintiennent la pression sur le pouvoir

Au dixième jour de mobilisation en Équateur contre la hausse des prix du carburant, des milliers d'indigènes ont manifesté mercredi dans les rues de Quito. La capitale est toujours en partie paralysée jeudi, tandis que le gouvernement refuse de lever l'état d'urgence déclaré dans six des 24 provinces du pays, comme l'exige le mouvement indigène comme préalable à l'ouverture de négociations.

Des milliers d'indigènes maintiennent, jeudi 23 juin, la pression sur le gouvernement à Quito, après dix jours consécutifs de manifestations qui ont fait deux morts et des dizaines de blessés dans un bras de fer toujours plus tendu entre le pouvoir et les protestataires équatoriens.

La capitale est en partie paralysée depuis lundi par environ 10 000 manifestants indigènes venus de tout le pays qui descendent quotidiennement dans la rue pour protester contre le coût de la vie et réclamer plus d'aides sociales, dans un contexte de difficultés économiques croissantes.

Aux cris de "Lasso dehors !" en référence au chef de l'État, Guillermo Lasso, les manifestants ont brûlé des pneus et des branches d'arbres, tandis que des barbelés et des gardes militaires protégeaient le Palais présidentiel.

"Nous vivons une crise économique dans la campagne, il n'y a pas de développement là-bas, il n'y a pas d'emplois, nous sommes juste agriculteurs et nos femmes [vivent de la production] de lait", a déclaré à l'AFP Olmedo Ayala, 42 ans.

"Du sang sur les mains"

La puissante Confédération des nationalités indigènes d'Équateur (Conaie), qui a participé aux révoltes ayant renversé trois présidents entre 1997 et 2005 et mené de violentes manifestations en 2019 (11 morts), organise depuis le 13 juin des marches et barricades pour exiger une baisse des prix du carburant.

Son chef, Leonidas Iza, qui accuse le gouvernement d'avoir "du sang sur les mains", exige, en préalable à toute discussion, l'abrogation de l'état d'urgence déclaré dans 6 des 24 provinces du pays, ainsi que la "démilitarisation" d'un parc de Quito occupé par la police et servant traditionnellement de point de rassemblent aux indigènes.

Le ministre des Affaires gouvernementales, Francisco Jimenez, lui a opposé une fin de non recevoir. "Nous ne pouvons pas lever l'état d'urgence car cela laisserait la capitale sans défense", a-t-il estimé.

"Nous savons déjà ce qui s'est passé en octobre 2019 et nous n'allons pas le permettre", a-t-il souligné, en référence à l'envahissement du Parlement, l'incendie d'un bâtiment gouvernemental et de nombreux biens publics endommagés.

Au pouvoir depuis mai 2021, le président Lasso, qui accuse les protestataires de vouloir le renverser, avait déclaré mardi qu'il acceptait "un processus de dialogue franc et respectueux avec la Conaie et d'autres organisations civiles".

La présidence a annoncé dans la nuit de mercredi à jeudi qu'il avait été détecté positif au Covid-19, mais ne présentait "pas de symptôme".

Le gouvernement reproche aux manifestants l'attaque d'un poste de police de la ville de Puyo, dans la province de Pastaza. Les assaillants ont incendié dans la nuit de mardi à mercredi le bâtiment, alors que les policiers étaient encore à l'intérieur.

"Six policiers ont été grièvement blessés, trois sont retenus en otages (par une communauté indigène) et 18 sont portés disparus", a indiqué le ministre de l'Intérieur Patricio Carillo au cours d'une conférence de presse à Quito.

Une succursale d'une banque a également été incendiée et d'autres bâtiments saccagés, selon le ministre.

C'est au cours de ces violences qu'un manifestant a été tué et son décès annoncé dans la soirée mardi. Il est mort après avoir "manipulé un engin explosif" selon la police, "touché au visage, apparemment par une grenade de gaz lacrymogène", d'après une ONG.

"Les violences de Puyo montrent qu'ils ne veulent pas le dialogue", a dénoncé le ministre, qui a cependant "lancé une fois de plus un appel public au dialogue au mouvement indigène et à ces groupes radicaux responsables de ces actes insensés".

Appel international au dialogue

L'Alliance des organisations des droits humains fait état d'au moins 90 blessés et 87 arrestations depuis le début des manifestations. La police avance un bilan de 101 policiers et militaires blessés et 80 civils arrêtés.

Dans la nuit de lundi à mardi, un premier manifestant était décédé après une chute, mais le parquet a décidé d'ouvrir une enquête pour homicide présumé.

Le sous-secrétaire d'État américain pour l'hémisphère occidental, Brian Nichols, a appelé mercredi sur Twitter à "une résolution pacifique et négociée des manifestations en Équateur" et a demandé à toutes les parties de s'abstenir de toute violence.

L'Organisation des États américains (OEA) a exhorté au dialogue pour "répondre aux revendications" des manifestants.  

Outre le prix du carburant, les manifestants dénoncent le manque d'emplois, l'octroi de concessions minières dans les territoires autochtones, l'absence de contrôle des prix des produits agricoles et demandent une renégociation des dettes des paysans auprès des banques.

Les peuples indigènes rassemblent au moins 1 million des 17,7 millions d'Équatoriens.

Avec AFP