
Plusieurs migrants de nationalité irakienne, albanaise, iranienne et syrienne, devaient être expulsés mardi soir par le Royaume-Uni en direction du Rwanda. Une mesure initiée par le gouvernement de Boris Johnson et contestée par l'ONU et les associations de défense des droits humains. Mais après des recours juridiques de dernière minute, les expulsions demeurent incertaines.
Malgré la détermination du gouvernement britannique à expulser des migrants au Rwanda pour dissuader les arrivées illégales au Royaume-Uni, les premiers départs prévus dans la soirée de mardi 14 juin restaient incertains après des recours juridiques de dernière minute.
En envoyant des demandeurs d'asile arrivés clandestinement au Royaume-Uni dans ce pays d'Afrique de l'Est, à plus de 6 000 km de Londres, le gouvernement entend freiner les traversées illégales de la Manche, qui ne cessent d'augmenter malgré ses promesses répétées de contrôler l'immigration depuis le Brexit.
Ce projet critiqué par l'ONU mais très populaire au sein de l'électorat conservateur a été validé par la justice britannique. Après le rejet de recours examinés en urgence, la Cour suprême a refusé mardi d'examiner de nouvelles requêtes.
Rebondissement
À la suite des divers recours individuels, le nombre de migrants censés partir dans un avion spécialement affrété pour des centaines de milliers d'euros, était cependant tombé à sept, selon l'association Care4Calais, alors que les autorités comptaient en envoyer jusqu'à 130 (Iraniens, Irakiens, Albanais ou Syriens).
Et dans un rebondissement de dernière minute, la Cour européenne des droits de l'Homme a stoppé dans la soirée l'expulsion de l'un d'entre eux, un demandeur d'asile irakien, en prenant une mesure d'urgence provisoire qui a donné de l'espoir à l'association d'aide aux réfugiés Care4Calais. "Cela signifie qu'il est désormais possible pour les six autres de faire des demandes similaires. Nous sommes tellement soulagés", a réagi l'association sur Twitter.
La CEDH, basée à Strasbourg, a estimé que l'expulsion de l'Irakien devait être repoussée jusqu'à ce que la justice britannique ait examiné la légalité du projet de loi, ce qui est prévu en juillet. Il s'agit en particulier de s'assurer que les migrants puissent avoir accès à des procédures équitables au Rwanda et que le Rwanda soit considéré comme un pays sûr.
Détermination
Tout en disant s'attendre à des recours, le gouvernement britannique avait martelé ces derniers jours sa détermination à procéder aux expulsions vers le Rwanda. "Il y aura des personnes sur ces vols et si elles ne sont pas sur ce vol, elle seront sur le suivant", avait affirmé plus tôt dans la journée la cheffe de la diplomatie Liz Truss sur Sky News. "Nous n'allons d'aucune façon être dissuadés ou gênés par certaines critiques", a abondé le Premier ministre Boris Johnson.
En vertu de son accord avec Kigali, Londres financera dans un premier temps le dispositif à hauteur de 120 millions de livres (140 millions d'euros). Le gouvernement rwandais a précisé qu'il proposerait aux migrants la possibilité "de s'installer de manière permanente".
Lors d'une conférence de presse à Kigali, la porte-parole du gouvernement Yolande Makolo a estimé que cet accord constituait une "solution à un système d'asile mondial défaillant". "Nous ne pensons pas qu'il soit immoral d'offrir un chez-soi aux gens", a-t-elle ajouté, indiquant que le Rwanda serait "heureux" d'accueillir "des milliers de migrants.
Les traversées illégales de la Manche sont la cible du gouvernement conservateur et provoquent régulièrement des tensions avec la France. Depuis le début de l'année, plus de 10 000 migrants ont traversé illégalement la Manche pour atteindre les côtes britanniques sur de petites embarcations, une hausse par rapport aux années précédentes, déjà record. Plusieurs centaines sont arrivés ces derniers jours et mardi matin.
"Honte"
"Cette politique immorale couvre le Royaume-Uni de honte", ont estimé dans une lettre publiée mardi par le journal The Times, les chefs spirituels de l'Église anglicane, dont l'archevêque de Canterbury Justin Welby, celui de York Stephen Cottrell et 23 évêques. "Les personnes immorales dans ce cas-ci sont les trafiquants", a répliqué la ministre Liz Truss.
Alimentant la polémique, le prince Charles a jugé en privé "consternant" le projet du gouvernement, avait rapporté samedi le Times, alors qu'il doit participer à une réunion du Commonwealth à partir du 20 juin au Rwanda.
Les migrants expulsés seront hébergés au Hope Hostel (Hôtel Espoir), à Kigali, qui "n'est pas une prison" mais un hôtel dont les résidents seront "libres" de sortir, selon son gérant, Ismael Bakina. L'établissement a une capacité d'accueil de 100 personnes, qui seront facturées 65 dollars par jour.
Avec AFP