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Instabilité et influence iranienne dans le Far West afghan

On appelle cette route la "ring-road". Elle part de l'ouest, longe la frontière iranienne et se dirige vers Kandahar, dans le sud afghan. Claire Billet, correspondante de FRANCE 24, est allée enquêter dans cette zone de combat.

Les invités de ce Focus sont Bernard Hourcade, directeur de recherches au CNRS, et Claire Billet, correspondante de FRANCE 24 à Kaboul.

Le paysage est presque lunaire. L’asphalte traverse des plaines désertiques, encadrées par des collines de poussière. Surnommée la "ring-road" - la rocade -, l’autoroute n°1 part de l’ouest afghan, longe la frontière iranienne sur 200 km et prend la direction de la région de Kandahar. 

Une escorte de police de la route nous rejoint à l’entrée de la province de Farah : trois véhicules 4x4, une dizaine d’hommes armés de kalachnikov. Nous portons une burqa pour que personne ne se doute de l’arrivée de femmes journalistes occidentales. "Certains policiers sont corrompus, ajoute notre accompagnateur. S’ils voient passer deux Occidentales, ils peuvent appeler leurs amis Taliban ou criminels pour vous enlever." 

Nous laissons notre escorte de police dans un petit village et partons vers ces territoires, en suivant une nouvelle escorte : un combattant Taliban, masqué, conduisant une moto qui soulève quantité de poussière jaune sur son passage.

Le mollah Serajuddin nous attend, entouré de six gardes du corps armés. Visage masqué d’un coton traditionnel, le regard un peu inquiet, il annonce être à la tête de 110 hommes, dont 5 kamikazes. Nous nous asseyons face à lui, dans le lit d'une rivière asséchée. "Nous n’avons pas peur de mourir au combat. Karzaï n'est pas notre président et son gouverneur est malhonnête. L'élection présidentielle était juste une mascarade." Mollah Serajuddin est l'un des commandants importants de la province. Ses hommes ont le regard lourd, qui éclate au-dessus des foulards.

Nous sommes à une centaine de kilomètres de la frontière iranienne, dans une zone dominée par le trafic de drogue et de clandestins. Non loin de la province de Nimruz, où aucune base militaire des l’Otan ou de la coalition américaine n’a été installée. Nous voulons comprendre les rapports qu’entretiennent les rebelles taliban avec le voisin iranien. Sa réponse est surprenante : "Un responsable des services secrets iraniens traverse la frontière iranienne la nuit. Il passe en Afghanistan et apporte des armes aux combattants taliban. Le commandant ajoute même : il existe aussi un camp d’entraînement installé en Iran. Il est tenu par les services secrets iraniens. C’est un soutien qui n’est pas officiel." 

Nous rejoignons notre escorte de police. Direction Delaram, plus au sud. Le sous-gouverneur, Asadullah Haq Dost confirme les propos du commandant taliban : "Dix à douze bases sont installées en Iran. Des Afghans reçoivent 1000 dollars pour y aller. Ils sont entraînés au combat et rentrent en Afghanistan nous attaquer." Quand on lui demande pourquoi la frontière semble si poreuse, il assure : "Nous manquons de soldats et de policiers. Si nous ne pouvons même pas contrôler le centre-ville de Deleram et l’autoroute, comment voulez-vous que nous contrôlions notre frontière avec l’Iran ?"