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L'ex-dirigeant du groupe Eternit a été mis en examen à Paris pour homicides et blessures involontaires. Il s'agit d'une première : jamais la justice n'avait élargit la responsabilité pénale des utilisateurs d'amiante aux fabricants de la filière.

REUTERS - Le dirigeant de 1972 à 1994 du groupe Eternit, un des principaux fabricants d'amiante, a été mis en examen mardi pour "homicides et blessures involontaires" par un juge de Paris, a-t-on appris de source judiciaire.

Cette procédure a été saluée par les victimes de l'amiante comme un tournant dans les dossiers pénaux de ce dossier. C'est la première fois qu'est visé directement un industriel de la filière et non plus un utilisateur d'amiante.

Les faits reprochés à Joseph Cuvelier, qui fut directeur général puis président du directoire d'Eternit, concernent les présumées défaillances de la production de l'amiante sur cinq sites de la société et leurs conséquences sur les salariés.

Cette fibre incombustible a été utilisée dans l'isolation des bâtiments et tous les secteurs de l'industrie jusqu'à son interdiction totale en 1997. Les dommages ont été considérables et les conséquences financières potentielles gigantesques.

Les spécialistes évaluent à 3.000 le nombre de décès annuels dus aux cancers et mésothéliomes liés à l'amiante en France et prévoient 100.000 décès d'ici 2025.

Le coût annuel d'indemnisation de ces pathologies s'établirait entre 11,7 et 22 milliards d'euros pour les vingt prochaines années, selon un rapport remis au Parlement fin 2004, une évaluation portée à 37 milliards d'euros en tenant compte
des coûts liés aux départs anticipés de salariés.

L'Association nationale de défense des victimes de l'amiante (Andeva) a estimé dans un communiqué qu'Eternit "a été l'un des artisans de la stratégie de lobbying (...) visant à minimiser les dangers du matériau cancérogène et à retarder l'instauration de mesure réglementaires de protection de la santé".

Rappelant que la société, qui était le premier fabricant d'amiante-ciment en France, a déjà été condamnée plusieurs fois par les tribunaux des affaires de sécurité sociale, Andeva lui impute la responsabilité de "dizaines de milliers de morts".

Le pôle de santé publique est saisi de nombreux dossiers liés à l'amiante, dont l'avenir reste incertain, en raison de problèmes matériels et juridiques.

Ils visent d'autres affaires emblématiques du dossier de l'amiante, comme l'usine Ferodo-Valeo de Condé-sur-Noireau, village du Calvados de 6.000 habitants, et sa région surnommée "la vallée de la mort", où ont prospéré à partir de la fin du
XIXe siècle les entreprises de transformation de l'amiante.

Les victimes espèrent de la justice à la fois une réparation symbolique et financière, mais le dossier est juridiquement compliqué. La Cour de cassation a élargi la
responsabilité des employeurs dans un arrêt de 2002 et le Conseil d'Etat a reconnu la responsabilité de l'Etat en 2004.

Pénalement, il faut cependant toujours établir un lien de causalité certain entre les pathologies des victimes et l'attitude de l'employeur pour fonder des condamnations.

Tags: Santé, Justice, France,