Chaque année, 500 000 femmes décèdent après avoir donné la vie, selon l'OMS. Dans leur quasi-totalité, celles-ci vivent dans un pays en développement. Reportage au Pakistan, où 30 000 femmes qui viennent d'accoucher meurent tous les ans.
Les invités de ce Focus sont Cédric Molle-Laurençon, correspondant de FRANCE 24 au Pakistan, et Olivier Bernard, président de l'ONG Médecin du monde.
Cela aurait dû être le plus beau jour de sa vie : il y a quatre mois, Marvi donnait naissance à un petit garçon dans son village de la province du Sindh, dans le sud du Pakistan. Cette journée, la jeune femme pauvre âgée de 20 ans à peine en parle pourtant comme d’un véritable cauchemar : "Plusieurs fois, je me suis dit qu’il aurait mieux valu que je meure en couche."
Comme 80 % des femmes pakistanaises, Marvi a accouché chez elle, sans assistance médicale. L’accouchement s’est mal passé, et la jeune femme a subi une césarienne de fortune, qui l’a rendue incontinente. Considérée comme impure, Marvi a alors été chassée par son mari et sa belle-famille. Un scénario malheureusement banal, dans un pays où les milieux pauvres et traditionnels n'ont que peu de considération pour les femmes...
Marvi a finalement pu être opérée dans un hôpital public d’Hyderabad, la deuxième plus grande ville du Sindh. Pour elle, la vie va reprendre son cours, mais beaucoup n’ont pas cette chance : au Pakistan, 30 000 femmes meurent chaque année pendant leur grossesse, où des suites de leur accouchement.
"Dans notre pays, les femmes sont traitées comme des animaux", déplore le Dr Shershah Syed. Chirurgien pakistanais formé en Irlande, celui-ci dirige aujourd'hui le service de gynécologie de l’hôpital public d’Orangi, un quartier pauvre de Karachi. Depuis des années, il se bat pour changer les mentalités à propos de la place de la femme dans la société pakistanaise et pour obtenir davantage de moyens pour soigner dignement ses patientes.
La réputation du Dr Shershah attire chaque jour, en effet, plusieurs centaines de femmes, dans une structure qui manque, comme toutes les autres, de matériel et de personnel. Alors, le Dr Shershah opère avec les moyens du bord, collecte des fonds privés pour financer son service abandonné par l’État, et enrage sur les priorités définies par les autorités : Islamabad consacre 60 % de son budget à l’armée, et moins de 1 % à la santé publique. En d’autres termes, le Pakistan se donne les moyens d’avoir la bombe atomique, mais pas celui de soigner ses femmes et ses enfants...