Des milliers de personnes ont défilé, dimanche, à Corte (Haute-Corse), en soutien au militant indépendantiste Yvan Colonna. Depuis son agression par un codétenu radicalisé, des nationalistes corses ont organisé plusieurs manifestations et blocages, fustigeant la responsabilité de l'État français.
Les nationalistes corses à nouveau mobilisés en soutien à Yvan Colonna. Plusieurs milliers de manifestants ont protesté, dimanche 6 mars dans la ville corse de Corte, pour dénoncer la violente agression contre Yvan Colonna par l’un de ses codétenus, quatre jours plus tôt dans la prison d'Arles (Bouches-du-Rhône).
Selon la préfecture, 4 200 personnes, 15 000 selon les organisateurs, ont défilé derrière des banderoles "Gloire à toi Yvan" et "État français assassin", fustigeant la responsabilité des autorités dans l'agression qui a laissé dans le coma le militant indépendantiste, condamné à perpétuité pour l'assassinat du préfet Claude Érignac en Corse.
Des incidents ont éclaté en fin de manifestation, des groupes lançant projectiles et "bombes agricoles" (bombes artisanales) sur les forces de l'ordre massées pour protéger l'accès à la sous-préfecture.
Ces dernières ont répliqué avec des canons à eau et des gaz lacrymogènes, a constaté une équipe de l'AFP.
Vendredi déjà, la Corse avait connu une journée de tensions, avec des manifestations et des blocages de ferries, visant à empêcher le débarquement de gendarmes, à Ajaccio et Bastia.
Des manifestants et gendarmes blessés
Dimanche, les pompiers ont dénombré 25 blessés parmi les manifestants, dont 15 hospitalisés. "Il n'y a pas de cas grave, pas de pronostic vital engagé, ce sont essentiellement des sutures et des blessures par éclat", a indiqué à l'AFP Christophe Hebert, médecin-chef du service d'incendie et de secours (Sdis) de Haute-Corse.
Les gendarmes ont, quant à eux, dénombré quatre blessés dans leurs rangs, touchés par des projectiles, et font état de quatre interpellations de manifestants dont un armé d'un couteau.
Vers 18h30, tous les manifestants s'étaient dispersés et les incidents étaient terminés.
Dans un communiqué, le préfet de Haute-Corse condamne les violences commises et appelle à ce qu'elles cessent. Selon la préfecture, des manifestants ont menacé de faire exploser une bouteille de gaz à proximité du dispositif des gendarmes.
À Paris, l'agresseur d'Yvan Colonna, Franck Elong Abé, 35 ans, a été mis en examen, dimanche après-midi, par des juges d'instruction pour "tentative d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste" et placé en détention provisoire dans le cadre d'une information judiciaire également ouverte pour "association de malfaiteurs terroriste".
Yvan Colonna victime d'un "crime terroriste"
Franck Elong Abé, qui purgeait plusieurs peines, dont une de neuf ans pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'un acte de terrorisme", a, lors de sa garde à vue, expliqué son acte "par ce qu'il considérait comme des blasphèmes" proférés selon lui ces derniers mois par Yvan Colonna, a indiqué le procureur national antiterroriste, Jean-François Ricard, devant la presse.
Le militant corse aurait notamment déclaré, quelques jours avant l'agression, qu'il "crachait sur Dieu", a ajouté le magistrat.
Jean-François Ricard, a souligné que "pour la cinquième fois depuis 2016, c'est dans un établissement pénitentiaire qu'un crime terroriste a été commis par les jihadistes".
Les faits commis à la maison d'arrêt d'Arles (Bouches-du-Rhône), mercredi, "démontrent que cette menace jihadiste portée par des personnes détenues pour des faits de terrorisme radicalisées reste un sujet de préoccupation majeur", a-t-il indiqué.
L'enquête s'attachera à "retracer avec la plus grande minutie le parcours en détention" de l'agresseur, "déterminer la totalité de ses contacts notamment parmi les personnes partageant son idéologie" et "éclaircir les éventuelles interactions (...) susceptibles d'avoir joué un rôle dans les faits", a précisé Jean-François Ricard.
Incarcéré à Arles, Smaïn Ait Ali Belkacem, ancien du Groupe islamique armé algérien (GIA) condamné à perpétuité pour l'attentat à la station RER Musée d'Orsay en 1995 à Paris, a été placé, samedi, en garde à vue, selon une source proche du dossier. Il s'agit de "savoir ce qu'il savait éventuellement du projet" de Franck Elong Abé, a ajouté cette source, confirmant une information du JDD.
Tentative de meurtre
Retraçant le déroulement de l'agression, le procureur a déclaré que "l'acharnement systématique déployé par le mis en cause" ne laissait "que peu de doutes sur son intention homicide". L'agression a eu lieu dans une salle de sport où se trouvaient les deux hommes.
Il a "pendant plus de huit minutes (...) porté des coups violents à la victime" et "mis en œuvre des techniques de strangulation et d'étouffement, y compris en utilisant des sacs poubelle et des serviettes", selon le procureur Ricard. Le pronostic vital d'Yvan Colonna est "toujours engagé", selon Jean-François Ricard.
Sa famille, par la voix de son avocat, Me Patrice Spinosi, a regretté que la justice n'ait apporté "aucune réponse aux questions" qu'elle se pose et n'ait "nullement fait mention des fautes de surveillance de l'Administration pénitentiaire".
Le président de l'Assemblée nationale, Richard Ferrand, s'est dit prêt, sur France 3, dimanche, à la création d'une commission d'enquête parlementaire sur l'agression d'Yvan Colonna. Depuis cet incident, plusieurs manifestations ont eu lieu en Corse, devant les préfectures.
Avec AFP