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Le champignon, un allié hallucinant

Les champignons sont de fascinants êtres vivants dotés de pouvoirs méconnus. Que ce soit pour dépolluer les sols ou remplacer à terme les énergies fossiles, ils pourraient représenter un allié indispensable pour la planète. Dans cet épisode d'Élément Terre, rencontre avec des scientifiques et des entrepreneurs qui cherchent à développer ce potentiel caché.

David Navarro, ingénieur féru de champignons

Les champignons ne sont ni des végétaux ni des animaux, c’est une catégorie à part entière d’êtres vivants. À première vue, ils vivent principalement en surface. Mais en réalité, ils forment un vaste réseau de ramifications souterraines appelé mycélium. Si on le compare à une plante, le mycélium constitue les racines et le champignon la fleur. David Navarro est ingénieur, spécialisé en biodiversité et biotechnologie fongique. Il étudie les champignons, et plus particulièrement le mycélium, depuis plus de 20 ans. "Nous avons dans notre collection plus de 3 000 souches qui représentent à peu près 500 espèces différentes", explique-t-il. "Nous les stockons dans des frigos, dans des tubes de culture, mais également dans de l’azote liquide à -196°C, ce qui nous permet d’avoir un maintien ad vitam aeternam des souches en collection".

Dans son laboratoire, David mène une série d’expériences pour le compte de l'Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAE). Son but : trouver comment les champignons peuvent être utilisés dans le secteur industriel, et notamment dans le domaine de la dépollution. L’une de leur principale caractéristique est en effet d’absorber la matière organique. "Nous les testons sur des molécules très difficiles à dégrader et notamment des colorants industriels qui sont utilisés pour la teinture des jeans par exemple, ou encore sur du polyuréthane, qui est un composé dans la production de plastique", ajoute-t-il.

Un concentré de champignons pour dépolluer les sols

YpHen, une start-up française, s’intéresse également à la capacité qu’ont les champignons à dégrader la matière organique. Et pas n’importe laquelle : les polluants toxiques comme l’énergie fossile. D’après son PDG et fondateur, Gil Burban, "certains champignons se nourrissent d’énergies fossiles comme d’autres se nourrissent de bois".

L’entreprise a développé une technologie capable de produire de petites billes à partir d’un concentré de champignons, qui peuvent ensuite être utilisées pour dépolluer les sols. Cette solution a déjà été testée sur un site de construction à Genève, et les résultats se sont avérés concluants. "En moyenne, une dizaine de kilos de nos billes de champignons suffisent à dépolluer un hectare de terre souillée", affirme Gil Burban. La prochaine étape sera de produire ce composé à une grande échelle.

Un biocarburant fabriqué grâce aux champignons

Selon Gil Burban, utiliser des carburants à base de champignons "permettrait d'économiser 80 à 90 % sur le bilan gaz à effet de serre par rapport à l'essence". Un enthousiasme partagé par Antoine Margeot, chercheur en biotechnologie à l’IFP Energies nouvelles (IFPEN), ancien Institut français du pétrole. Pour lui, les champignons pourraient représenter un concurrent sérieux pour le pétrole dans un avenir proche.

Dans la bioraffinerie de Pomacle, située dans l’Est de la France, des chercheurs produisent du biocarburant à partir de déchets végétaux, comme la paille de blé ou de riz. Deux champignons différents interviennent dans ce processus. Un premier permet de dégrader les déchets végétaux pour en faire de toutes petites particules, qu’un deuxième champignon va pouvoir consommer et transformer en éthanol.

"Les biocarburants à base de champignons ne vont pas remplacer le pétrole de sitôt. Mais ils font partie des solutions qu’on a aujourd’hui pour décarboner le secteur des transports et donc, plus globalement, de sortir un jour des énergies fossiles", explique Antoine Margeot. "C'est un vrai gain majeur qui peut être utilisé dès aujourd’hui avec ma voiture et les circuits de carburant qui existent déjà".

Reste un obstacle majeur à surmonter : le prix d'une telle technologie.