Au premier jour de sa visite à Athènes, le pape François a critiqué l’attitude de l’Europe face à la crise migratoire, qu’il a décrit comme "déchirée par les égoïsmes nationalistes".
Arrivé samedi 4 décembre en Grèce pour une visite de deux jours, le souverain pontife argentin de 84 ans, a regretté que "l'Europe persiste à tergiverser" face aux arrivées de migrants "au lieu d'être un moteur de solidarité".
Le pape François s'exprimait devant la présidente de la République hellénique Katerina Sakellaropoulou et le Premier ministre grec Kyriakos Mitsotakis ainsi qu'un parterre de personnalités catholiques et de la société civile qui l'ont chaudement applaudi au palais présidentiel d'Athènes.
Si le pape François s'est rendu sur l'île grecque de Lesbos en 2016, où il retournera dimanche, c'est la première visite d'un pape à Athènes en vingt ans, depuis le déplacement de Jean Paul II en mai 2001.
Il avait auparavant passé deux jours à Chypre où il a fustigé avec force "le mur de la haine" dressé contre les migrants, dont cinquante seront transférés à Rome, selon Nicosie.
À Athènes, le pape pontife a rappelé que la Grèce avait "reçu sur certaines de ses îles un nombre de frères et soeurs migrants plus élevé que celui des habitants eux-mêmes".
Or "la communauté européenne, déchirée par les égoïsmes nationalistes, apparaît parfois bloquée et non coordonnée, au lieu d'être un moteur de solidarité", a-t-il dit devant les autorités politiques.
Le danger de "l'autoritarisme"
François a en outre relevé "un recul de la démocratie, et pas seulement sur le continent européen", estimant que "la démocratie exige la participation et l'implication de chacun", quand "l'autoritarisme est expéditif et les assurances faciles offertes par les populismes semblent tentantes".
Quelques minutes plus tôt, la présidente Sakellaropoulou avait évoqué l'"humanité des Grecs et la charge disproportionnée qu'ils ont supportée" dans la gestion de cette crise.
"Notre pays s'efforce autant que possible d'empêcher les trafics illégaux de personnes", a-t-elle souligné.
La présidente a aussi remercié le pape pour son "soutien chaleureux" lors de la conversion de l'ancienne basilique Sainte-Sophie d'Istanbul en mosquée, afin de la "conserver comme un symbole universel de culte religieux et un monument emblématique de l'héritage mondial".
Le pape a dit venir à Athènes pour "étancher sa soif aux sources de la fraternité" et renforcer ses liens avec ses "frères de foi". Dans l'après-midi, il a renouvelé la demande de "pardon" des catholiques aux orthodoxes, évoquant des "erreurs" et la "honte" de l'Église, 20 ans après le geste symbolique de Jean Paul II en référence au sac de Constantinople de 1204.
Se présentant "avec beaucoup de respect et d'humilité", François a évoqué les "racines communes" des deux églises qui ont "traversé les siècles", et regretté que celles-ci aient ensuite "grandi loin les (unes) des autres".
"Les poisons du monde nous ont contaminés, la graine de la suspicion a accru notre distance et nous avons cessé de cultiver la communion", a-t-il déploré devant l'archevêque de l'Église orthodoxe de Grèce Hiéronyme II, avec lequel il a ensuite échangé des cadeaux dans une ambiance cordiale.
Visite à Lesbos
Ce voyage - son 35e à l'étranger depuis son élection en 2013 - sera également marqué dimanche par une nouvelle visite éclair à Lesbos, emblématique de la crise migratoire, où il a dit qu'il irait "aux sources de l'humanité" plaider pour l'accueil et "l'intégration" des réfugiés.
Une quarantaine d'ONG de défense des migrants ont exhorté le pape à intervenir pour que cessent les refoulements présumés d'exilés aux frontières gréco-turques. Le "père spirituel" est attendu avec impatience à Lesbos, où une trentaine de nouveaux demandeurs d'asile ont accosté mercredi.
"Nous l'attendons les bras ouverts", a déclaré Berthe, une Camerounaise qui attend du pape "qu'il prie pour nous en raison des insécurités que nous avons vécues".
Au cours de sa "brève" visite du camp de Mavrovouni, il rencontrera deux familles de réfugiés "choisies au hasard", selon Dimitris Vafeas, directeur adjoint du camp.
Quelque 900 policiers devaient être déployés le temps de son déplacement sur l'île grecque et aux alentours du camp érigé à la hâte après l'incendie de septembre 2020 qui a détruit la structure de Moria, que le pape avait visité il y a cinq ans.
Drones, véhicules blindés, routes coupées : la capitale est également placée sous haute sécurité jusqu'au départ du souverain pontife lundi en fin de matinée, en prévision d'éventuelles manifestations d'hostilité.
Même si le climat est meilleur qu'en 2001, lors de la première visite d'un pape en Grèce, il y a, à l'intérieur du synode grec, "quelques fanatiques anticatholiques réputés", a dit à l'AFP Pierre Salembier, supérieur de la communauté jésuite en Grèce.
Tout rassemblement a été interdit dans le centre d'Athènes, survolé par un hélicoptère. Jusqu'à 2 000 policiers sont prévus en cas de protestations de fondamentalistes orthodoxes.
Avec AFP