
Face à la dégradation de la Guadeloupe, en proie à des manifestants d'opposants au pass sanitaire et à la vaccination obligatoire des soignants, l'État a décidé d'imposer vendredi un couvre-feu de 18h00 à 5h00 jusqu'au 23 novembre.
Routes et accès au CHU bloqués, mais aussi immeubles et véhicules incendiés, et écoles fermées : l'État a riposté vendredi 19 novembre à la dégradation de la situation en Guadeloupe, qui a pour origine la mobilisation anti-pass sanitaire, en instaurant un couvre-feu entre 18h00 et 05h00 avec effet immédiat.
Le préfet de Guadeloupe Alexandre Rochatte a annoncé cette mesure jusqu'au 23 novembre "compte tenu des mouvements sociaux en cours dans le département et des actes de vandalisme", ont annoncé ses services.
Dans un communiqué, le plus haut représentant de l'État dans l'île dit tenir compte des "incendies de biens publics, barrages sur les routes, jets de pierres sur les forces de l'ordre, tirs de mortier", et interdit également la vente d'essence en jerrican.
Envoi de policiers et de gendarmes en renfort
Le gouvernement a également haussé le ton en annonçant l'envoi de 200 policiers et gendarmes en renfort.
Ils seront sur place "dans les prochains jours", ont annoncé dans un communiqué commun les ministres des Outre-mer Sébastien Lecornu et de l'Intérieur Gérald Darmanin, en condamnant "avec la plus grande fermeté les violences qui se sont déroulées ces dernières heures en Guadeloupe".
La mobilisation lancée par un collectif d'organisations syndicales et citoyennes contre le pass sanitaire et l'obligation vaccinale des soignants contre le Covid-19 ne faiblit pas.
Elle se double désormais de violences commises par des émeutiers, notamment la nuit. Quatre immeubles à Pointe-à-Pitre, qui compte de nombreuses habitations en bois, sont parties en fumée dans la nuit de jeudi à vendredi, ont indiqué les pompiers à l'AFP.
Devant le CHU, les seuls véhicules autorisés à entrer restent les ambulances.
Jeudi, un barrage de pneus érigé dès l'aube par des manifestants, la plupart encagoulés selon une vidéaste de l'AFP, a été plusieurs fois démonté par les forces de l'ordre, remonté par les manifestants, puis finalement incendié, avant la reprise de la circulation.
Un policier a été blessé jeudi selon le procureur de la République Patrick Desjardin.
Les forces de l'ordre ont procédé à plusieurs interpellations, dont un pompier - placé sous contrôle judiciaire - transportant des pneus vers un barrage enflammé, et un jeune qui doit être déféré devant le parquet vendredi pour jets de projectiles et attroupement.
Pénurie de soignants
Au CHU, "les barrages routiers pénalisent énormément le personnel qui vient de tous horizons. On est obligé d'attendre que tout le monde soit présent pour démarrer et d'attendre que la relève soit présente pour continuer", explique à l'AFP Anne-Gaëlle Pascale, cadre de santé au bloc opératoire du CHU.
"Il y a du filtrage à l'entrée, notamment pour les internes dont certains sont empêchés de passer. L'un d'entre-eux a même été agressé par une personne cagoulée", affirme à l'AFP Cédric Zolezzi, directeur adjoint du centre hospitalier, déplorant l'absence "de dialogue".
La situation est d'autant plus complexe que depuis début novembre, "on est en personnel restreint" avec l'instauration de l'obligation vaccinale des soignants, rappelle Anne-Gaëlle Pascale. Ainsi, en chirurgie, 50 % des effectifs habituellement au planning sont absents, même si "ça commence à revenir tout doucement".
Selon la direction du CHU, un peu plus de 87 % des agents du centre hospitalier possèdent un pass sanitaire, mais certains personnels sont suspendus pour pass non valide, ce à quoi s'ajoute "une vague d'arrêts maladie", "sur consigne syndicale", accuse Cédric Zolezzi.
"Le coupable, c'est celui qui a mis l'obligation vaccinale", dénonce de son côté Sandro Sormain, secrétaire adjoint de l'UTS-UGTG: "Le personnel suspendu à 50 %, ça veut dire que (ceux qui restent) font le travail de deux personnes. Donc à un moment on va avoir une rupture par rapport à la charge de travail".
Les équipes du CHU s'adaptent comme elles peuvent.
Jeudi, "les chimiothérapies par exemple n'ont pas pu être administrées", explique Cédric Zolezzi. Et "chacun donne du sien: un médecin anesthésiste remplace une infirmière anesthésiste, un aide-soignant remplace un brancardier, moi-même je suis sur plein de postes en même temps", raconte Anne-Gaëlle Pascale.
"Grosse perte d'activité"
Côté éducation, la rectrice de région académique, Christine Goff-Ziegler, a condamné jeudi "l'ensemble des actes de vandalisme et les entraves à la circulation" ou "à l'accès des établissements", dont les élèves "sont les premières victimes".
Sur les autres axes routiers, y compris dans les petites routes des Grands Fonds, dans la campagne guadeloupéenne, des barrages continuent de bloquer le passage.
Nombre d'entre eux ont été démontés "par des riverains ou des automobilistes", témoigne Steve Salim, entrepreneur spécialisé dans les circuits courts agricoles, qui sillonne l'île pour assurer la livraison de ses paniers de légumes et accuse "une grosse perte" d'activité.
L'Union des Entreprises-Medef a condamné "fermement les entraves à la liberté de circuler". "Après des mois de mesures restrictives pour notre population et pour l'économie du pays, il est inacceptable de laisser prospérer cette spirale de l'autodestruction", a dénoncé l'organisation patronale dans un communiqué.
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Avec AFP