Après les menaces de rétorsion formulées par Paris au sujet des licences de pêche post-Brexit, le Royaume-Uni va convoquer l'ambassadrice de France. Plus tôt, le secrétaire d'État français au Affaires européennes avait affirmé que Paris devait désormais "parler le langage de la force", tandis que la ministre de la Mer a appelé la Commission européenne à faire respecter les accords du Brexit.
Le Royaume-Uni va convoquer l'ambassadrice de France après les menaces de rétorsion formulées par Paris au sujet des licences de pêche post-Brexit qu'elle reproche à Londres d'accorder en trop petit nombre, a annoncé, jeudi 28 octobre, le gouvernement britannique.
Soulignant que le Royaume-Uni juge les actions envisagées par la France "injustifiées", la cheffe de la diplomatie britannique, Liz Truss, a donné pour instruction à sa secrétaire d'État chargée de l'Europe, Wendy Morton, de "convoquer l'ambassadrice française", a annoncé un porte-parole du gouvernement britannique dans un communiqué.
"Nous regrettons le langage de confrontation qui a été constamment utilisé par le gouvernement français sur cette question, qui ne facilite pas la résolution des choses", a ajouté le porte-parole.
Après l'annonce par Paris de mesures de rétorsion contre Londres dans le conflit sur la pêche, le secrétaire d'État français aux Affaires européennes, Clément Beaune avait déploré que le gouvernement de Boris Johnson ne comprenne que le "langage de la force".
"Maintenant il faut parler le langage de la force parce que je crains que malheureusement, ce gouvernement britannique-là ne comprenne que cela", avait lancé Clément Beaune sur la chaîne CNews plus tôt jeudi. "J'ai l'impression qu'ils ont compris qu'il fallait revenir à la table de discussions. Mais s'ils ne le font pas, on continuera", avait-il ajouté.
"Nous n'aurons aucune tolérance, aucune complaisance. […] On ne peut pas être dans un climat de confiance avec un partenaire qui ne respecte pas les règles", avait également affirmé Clément Beaune.
#Brexit | « J’assume qu’on ait brandi des menaces et maintenu un dialogue. Maintenant, il faut parler le langage de la force car, malheureusement, ce gouvernement britannique ne comprend que cela. » @LaurenceFerrari @CNEWS pic.twitter.com/gW9kSsa7H4
— Clement Beaune (@CBeaune) October 28, 2021Les tensions entre Paris et Londres autour de l'octroi de licences de pêche dans les eaux britanniques ne cessent de s'accentuer. Mercredi, la France a annoncé l'entrée en vigueur début novembre de "mesures ciblées" visant notamment les navires de pêches et les importations britanniques. À compter du 2 novembre, les navires de pêches britanniques auront interdiction de débarquer dans des ports français désignés, et les contrôles de sécurité seront systématiques.
Londres a jugé ces mesures "disproportionnées" et prévenu dans la foulée qu'elles feraient l'objet "d'une réponse appropriée et calibrée". Le ministre britannique de l'Environnement, George Eustice, a appelé au "calme" et à la "désescalade", affirmant que la porte de son gouvernement "était toujours ouverte", tandis que le Premier ministre français Jean Castex s'est dit "ouvert aux discussions" à condition que Londres "respecte ses engagements".
La Commission européenne "doit travailler davantage à faire que le Royaume-Uni soit au rendez-vous de ses engagements", a déclaré jeudi matin la ministre de la Mer, Annick Girardin, sur RTL, un peu plus de trois semaines après un appel similaire du Premier ministre, Jean Castex.
"Nous souhaitons que la Commission européenne réunisse le conseil de partenariat – c'est-à-dire les signataires – pour signifier au Royaume-Uni qu'il ne respecte pas son accord et donc que des mesures de rétorsion pourront être prises", a-t-elle ajouté.
"Ce n'est pas la guerre, c'est un combat. Les Français et les pêcheurs ont des droits, il y a eu un accord de signé, nous devons faire appliquer cet accord", a-t-elle insisté.
???? Brexit / pêche : "Ce n'est pas la guerre, c'est un combat", @AnnickGirardin dans #RTLMatin. "Nous allons demander à la Commission européenne de signifier au Royaume-Uni qu'il ne respecte pas son accord et donc que des mesures de rétorsion peuvent être mises en place" pic.twitter.com/XOFkWbkFNE
— RTL France (@RTLFrance) October 28, 2021"Manœuvres politiques"
Le ministère de la Mer a annoncé, dans la nuit de mercredi à jeudi, la verbalisation de deux navires anglais en action de pêche dans les eaux françaises par la gendarmerie maritime, qui a dérouté le premier vers Le Havre.
"Cette opération s’inscrit dans le cadre du durcissement des contrôles dans la Manche, dans le contexte des discussions sur les licences avec le Royaume-Uni et la Commission européenne", était-il indiqué dans le communiqué.
L'un des navires verbalisés ne figurait pas sur les listes de licences accordées au Royaume-Uni par la Commission européenne et la France. Il a été dérouté vers le Havre par la gendarmerie. L'autre a été verbalisé pour entrave au contrôle après avoir refusé d'obtempérer à la demande de montée à bord des gendarmes maritimes.
Le propriétaire du chalutier écossais dérouté a estimé auprès de l'AFP qu'il s'agissait d'un "malentendu" et dénoncé une "manœuvre politique".
Du côté français de la baie de Granville, les pêcheurs estiment au contraire que ces contrôles n'ont que trop tardé.
Depuis le Brexit, "il n'y avait aucun contrôle côté français. Moi, je suis contrôlé au moins une fois par mois quand je vais à Jersey", affirme Pascal Delacour, 52 ans, un patron-pêcheur de coquilles Saint-Jacques.
"Œil pour oeil, dent pour dent"
Interrogé par l'AFP sur son bateau encore à quai, Hermann Outrequin se félicite des mesures françaises. "Ils veulent être chacun chez soi, à ce moment-là chacun chez soi. Mais du coup eux, ils ne viennent pas chez nous", assène le capitaine du Santa Clara, qui n'a pas reçu la fameuse licence.
Pour d'autres comme Nicolas Bussard, également pêcheur de praires et coquilles Saint-Jacques, ce ne sont "que des paroles" et l'incertitude quant à l'obtention des licences persiste. Il n'y a "plus qu'à attendre".
Pour Barrie Deas, de la fédération représentant les pêcheurs britanniques, la stratégie "œil pour œil, dent pour dent" ne servira à rien.
Peu de navires britanniques accostent dans les ports français tandis que les pêcheurs français sont très nombreux dans les eaux britanniques, a-t-il expliqué à la BBC, ajoutant qu'une escalade se ferait au détriment des Français.
Côté européen, un porte-parole de la Commission a insisté sur les modalités de l'accord post-Brexit : "Tous les navires français ayant droit à une licence devraient l'obtenir". "Nous poursuivrons les discussions avec le Royaume-Uni et la France pour résoudre ce problème le plus rapidement possible."
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Avec AFP et Reuters