Une ancienne secrétaire de camp de concentration nazi, qui a tenté jeudi d'échapper à son procès en Allemagne avant d'être interpellée, a été placée en détention provisoire.
Une ancienne secrétaire de camp de concentration âgée de 96 ans a pris la fuite à l'approche de l'ouverture de son procès avant d'être retrouvée quelques heures plus tard, provoquant la stupéfaction dans le tribunal où elle doit répondre de complicité de meurtre dans plus de 10 000 cas.
"Je peux dire que l'accusée a été retrouvée (...). Un médecin va établir sa capacité à être placée en détention et la Cour déterminera si le mandat d'arrêt peut être exécuté ou si elle est épargnée", a déclaré la porte-parole du tribunal d'Itzehoe, Frederike Milhoffer, au terme d'une matinée rocambolesque.
Irmgard Furchner avait quitté son foyer (pour personnes âgées) le matin même en prenant un taxi. Pour sa part, son avocat, Wolf Molkentin, était présent dans le prétoire.
Dans la soirée, le tribunal a ordonné le placement d'Irmgard Furchner en détention provisoire. Son procès reprendra le 19 octobre, a précisé le tribunal dans un communiqué.
Jusqu'ici, les quatre anciens gardes ou employés de camps nazis qui ont été condamnés depuis dix ans en Allemagne s'étaient tous assis dans le box des accusés.
En raison de la présence prévue de plus de 130 journalistes ainsi que de nombreuses parties civiles, le tribunal d'instance d'Itzehoe a été déplacé dans un bâtiment d'une zone d'entrepôts à l'extérieur de la ville.
Seule femme impliquée dans le nazisme à être jugée depuis des décennies en Allemagne, Irmgard Furchner ne s'est pas exprimée sur les faits qui lui sont reprochés avant l'ouverture du procès.
Un centenaire, ex-gardien du camp nazi de Sachsenhausen, doit également être jugé à partir de jeudi prochain, près de Berlin.
Jamais encore l'Allemagne, qui a longtemps montré peu d'empressement à retrouver ses criminels de guerre, n'avait jugé d'anciens nazis aussi âgés.
L'affaire est en outre examinée à la veille du 75e anniversaire de la condamnation à mort par pendaison par le tribunal de Nuremberg de 12 des principaux dirigeants du Troisième Reich.
Irmgard Furchner, qui vit dans une résidence pour personnes âgées près de Hambourg, doit être jugée par une Cour spéciale pour "complicité de meurtre dans plus de 10 000 cas", selon le Parquet.
L'accusation lui reproche d'avoir participé au meurtre de détenus dans le camp de concentration de Stutthof, dans la Pologne actuelle, où elle travaillait comme dactylographe et secrétaire du commandant du camp, Paul Werner Hoppe, entre juin 1943 et avril 1945.
Dans ce camp proche de la ville de Gdansk où périrent 65 000 personnes, "des détenus juifs, des partisans polonais et des prisonniers de guerre soviétiques" ont été systématiquement assassinés, selon le Parquet.
Selon l'avocat Christoph Rückel, qui représente depuis des années des survivants de la Shoah, "elle a tenu l'ensemble de la correspondance du commandant du camp". "Elle a aussi tapé à la machine les ordres d'exécution et de déportation et apposé ses initiales", a-t-il assuré sur la chaîne régionale publique NDR.
Apte à comparaître
À l'issue d'une longue procédure, la justice avait estimé en février que la nonagénaire était apte à comparaître malgré son grand âge. Les auditions devraient se limiter à quelques heures par journée d'audience.
Soixante-seize ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, la justice allemande continue de rechercher d'anciens criminels nazis encore en vie.
Huit dossiers impliquant d'anciens employés des camps de Buchenwald et Ravensbrück notamment, sont actuellement examinés par différents parquets allemands, a indiqué l'Office central pour l'élucidation des crimes du national-socialisme à l'AFP.
Ces dernières années, plusieurs procédures ont dû être abandonnées en raison de la mort des suspects ou de leur incapacité physique à être renvoyés devant des tribunaux.
Alors que l'Allemagne a condamné ces dix dernières années quatre anciens gardes ou comptable des camps nazis de Sobibor, Auschwitz et Stutthof, elle a jugé très peu de femmes impliquées dans la machinerie nazie, selon des historiens, qui estiment à 4 000 le nombre de femmes ayant officié comme gardiennes dans les camps de concentration.
La jurisprudence de la condamnation en 2011 de John Demjanjuk, un gardien du camp de Sobibor en 1943, à cinq ans de prison ferme, permet désormais de poursuivre pour complicité de dizaines de milliers d'assassinats n'importe quel auxiliaire d'un camp de concentration, du garde au comptable.
Avec AFP