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Trois ans après le début de l'affaire et à sept mois du premier tour de la présidentielle, Alexandre Benalla, l'ancien chargé de mission de l'Élysée, a comparu lundi devant le tribunal de grande instance de Paris au premier jour de son procès pour "violence en réunion" et "port d'arme" lors des manifestations du 1er mai 2018.

Trois ans après le retentissant scandale qui a secoué l'Élysée, le procès de l'ancien chargé de mission Alexandre Benalla, jugé pour les violences du 1er mai 2018 et pour l'utilisation frauduleuse de passeports diplomatiques, s'est ouvert lundi 13 septembre à Paris. L'ancien "directeur de la sûreté et de la sécurité" d'En Marche doit comparaître jusqu'au 1er octobre aux côtés de son ami et ex-employé d'En Marche Vincent Crase, et de deux policiers.

Masque chirurgical et lunettes rondes, l'ex-proche collaborateur d'Emmanuel Macron, tout juste âgé de 30 ans, a répondu posément et pendant près de trois heures aux questions sur son parcours, puis – premier délit examiné par le tribunal – sur une photo de 2017 sur laquelle il porte une arme, face à une présidente parfois sceptique. 

Alexandre Benalla s'est d'abord défendu d'avoir illégalement porté cette arme. En cause, une photo prise en avril 2017 et révélée plus d'un an après par Mediapart : sur l'écran de la salle d'audience, une femme affiche un large sourire, entourée de deux membres du service d'ordre du candidat à la présidentielle Emmanuel Macron et d'Alexandre Benalla. Dans la main de ce dernier, ce qui semble être un pistolet Glock. Or, avant le 13 octobre 2017, il n'était pas autorisé à porter une arme en dehors de son domicile ou des locaux d'En Marche, a souligné la présidente du tribunal, Isabelle Prévost-Desprez.

"Cette photo, quand elle est sortie, la première chose que j'ai pensé c'est que c'était un montage", dit Alexandre Benalla. "Ensuite, je me suis un peu souvenu de cette soirée festive, on a eu cette petite saynète, c'était une arme tout à fait factice", a-t-il poursuivi. Pendant l'enquête, il avait évoqué un "pistolet à eau". 

Un "réflexe citoyen" pour Alexandre Benalla

À l'origine d'une tempête politique qui a secoué le pouvoir pendant plusieurs mois, Alexandre Benalla avait été identifié en juillet 2018 par le journal Le Monde sur une vidéo où il apparaissait avec un casque des forces de l'ordre, brutalisant une femme et un homme place de la Contrescarpe à Paris, à l'issue d'une journée de manifestation émaillée de heurts.

Alors au cœur du dispositif de sécurité du président, il devait ce jour-là n'avoir qu'un rôle d'observateur. Sanctionné d'une suspension de 15 jours, il avait gardé un bureau à l'Élysée, révélait le quotidien.

Dès le lendemain, l'opposition dénonçait une "affaire d'État" et une enquête judiciaire était ouverte. L'affaire a empoisonné l'exécutif pendant des mois, au fil de révélations dans la presse et des auditions de commissions d'enquête parlementaires.

Visé par six enquêtes judiciaires, dont une classée sans suite, Alexandre Benalla a été renvoyé devant la justice notamment pour des violences en réunion et pour avoir usurpé la fonction de policier.

Avec son coprévenu Vincent Crase, ancien gendarme de 48 ans, il devra s'expliquer sur ses agissements contre un couple place de la Contrescarpe, mais aussi au Jardin des plantes, où les deux hommes sont soupçonnés d'avoir violenté trois manifestants deux heures plus tôt.

Des "gestes nécessaires" et non un "tabassage", a toujours affirmé Alexandre Benalla, qui soutient avoir eu un "réflexe citoyen" en "interpellant" des "agresseurs de policiers".

"Des erreurs ont été commises évidemment, par moi, c'est certain, mais il semble malgré tout que j'aie le dos bien large. Et je suis loin d'être le seul responsable de ce naufrage. Je suis le fusible utile du pouvoir", écrivait-il dans un livre paru fin 2019.

Sept ans de prison encourus

Alexandre Benalla devra par ailleurs répondre de l'utilisation de deux passeports diplomatiques après son limogeage de l'Élysée, lors de voyages en Afrique et en Israël, dans le cadre de sa reconversion dans la sécurité privée et les affaires. Il est aussi soupçonné d'avoir obtenu un passeport de service en produisant un faux – ce qu'il conteste.

Il encourt jusqu'à sept ans de prison et 100 000 euros d'amende.

Deux fonctionnaires de la préfecture de police de Paris seront quant à eux jugés pour avoir transmis, juste après l'explosion de l'affaire, des images de vidéosurveillance à Alexandre Benalla.

Le jeune couple de la Contrescarpe, qui avait expliqué avoir été pris par hasard dans les heurts, a été condamné en février 2019 à une amende de 500 euros pour avoir lancé des projectiles sur les forces de l'ordre. Un "acte irréfléchi" après une charge de CRS, ont-ils alors regretté. Ils seront présents au procès, comme les manifestants du Jardin des plantes.

"Mon client a été interpellé, mis au sol violemment, maintenu le visage dans le sable, le genou de l'un de ses agresseurs sur sa nuque, menacé avec une matraque et placé en garde à vue pendant près de 48 heures, sans aucun motif", a affirmé Me Nadja Diaz, avocate de l'un d'eux.

Deux syndicats policiers, l'ancien chef de cabinet de l'Élysée François-Xavier Lauch et l'auteur de la vidéo du 1er-Mai, le journaliste Taha Bouhafs, sont aussi parties civiles.

Avec AFP