
À la demande du syndicat CFDT, le tribunal de grande instance de Caen (ouest de la France) a suspendu le système incitant les salariés de l'entreprise de fabrication de prothèses orthopédiques Benoist Girard à dénoncer leur collègues via Internet.
AFP - Le juge des référés du tribunal de grande instance de Caen a suspendu vendredi à la demande de la CFDT le système incitant les salariés à dénoncer leurs collègues via notamment un site internet, et mis en place dans l'entreprise Benoist Girard, filiale de l'américain Stryker.
"Le système d'alerte professionnelle" mis en place dans la filiale de la société américaine Stryker via le site internet ethicspoint.com "crée un trouble manifestement illicite", a estimé le juge des référés le président du tribunal de grande instance de Caen Thierry Roy.
"La configuration internationale du site permet de dénoncer anonymement des faits qui ne concerne pas seulement des faits de corruption ou de malversations ... mais aussi des sujets d'ordre général regroupés par exemple sous la catégorie +autres sujets+ d'inquiétude, qui autorisent un dérive dans la délation contraire à la loi informatique et liberté de 1978", selon le juge.
La société (280 salariés) a un mois pour obtempérer et devra payer une astreinte de 300 euros par salarié et par jour si le système n'est pas suspendu d'ici là.
Le fabricant de prothèses orthopédiques devra également payer 2.000 euros au CHSCT (comité hygiène sécurité et conditions de travail) pour ses frais de justice.
"Le combat continue non seulement en France mais aussi en Europe", a déclaré à l'issue de l'audience le secrétaire CFDT du comité d'entreprise Robert Provost, demandant la suspension du système pour "l'Europe entière". "Mes collègues en Europe sont aussi très inquiets", a-t-il ajouté.
Elise Brand, l'avocate des salariés, a accueilli "avec beaucoup de joie" une décision qui reconnaît selon elle "l'atteinte à la dignité des salariés".
Le référé est "une décision provisoire", qui ne préjuge pas de décision sur le fond, mais c'est un bon signe, a-t-elle précisé.
L'appel éventuel de la part de la direction de la société ne serait pas suspensif, a-t-elle aussi indiqué.
Egalement présents au tribunal, le directeur des relations humaines de Benoist Girard, Joël Laffargue, et l'avocate de la société, Me Maryvonne Pouchin-Rebmann se sont refusés à tout commentaire.
Durant l'audience mi septembre, M. Pouchin-Rebmann avait indiqué que le système avait été mis en place pour lutter contre la corruption. L'avocate des salariés Me Brand avait dénoncé au contraire un "champ de délation trop large" pouvant porter atteinte au respect de la vie privée ou au secret médical.
La décision du juge qui devait au départ être rendue le 29 octobre, a été repoussée à deux reprises.
Les dispositifs d'alerte professionnel sont apparus en France peu après avoir été rendu obligatoire aux Etats-Unis en 2002 pour les sociétés américaines cotées ainsi que pour pour leurs filiales étrangères, afin de lutter contre la corruption.
Formellement, le TGI de Caen avait été saisi par le comité d'entreprise, le CHSCT et la CFDT. Mais la demande du comité d'entreprise n'a pas été jugée recevable par le juge.