La Chine a réussi à injecter quinze millions de doses de vaccin lundi. Un record qui illustre les efforts entrepris par Pékin pour donner un coup d’accélérateur à sa campagne de vaccination.
C’est un chiffre à donner le tournis. La Chine a administré le nombre record de quinze millions de doses de vaccin en une seule journée, lundi 17 mai, ont rapporté les médias chinois.
Cette ruée vers les précieuses injections doit beaucoup à la découverte de deux nouveaux foyers de contamination au Covid-19 la semaine dernière dans les provinces de Liaoning, dans le nord-est de la Chine, et d'Anhui, quelque 1 000 km plus au sud, précise le Global Times. Un studio de photographie à Yingkou, une ville portuaire de plus de deux millions d’habitants située dans le Liaoning, a été identifié comme l'origine probable d’une vague d’une trentaine de cas confirmés dans les deux régions.
Vacciner plus et plus vite
Dans un pays qui se targue d’avoir réduit le nombre de nouvelles contaminations quotidiennes à la portion congrue – officiellement environ 17 par jour au niveau national –, il n’en a pas fallu plus pour que les autorités déploient les grands moyens.
Des campagnes massives de tests ont été initiées durant le week-end dans les deux provinces, les écoles y ont été fermées, et les habitants de Yingkou ne sont autorisés à quitter la ville que sur présentation d’un test de dépistage négatif. Accusés d'avoir échoué à prévenir les nouvelles contaminations, les responsables politiques de Lu’an, une commune de la province d'Anhui, sont, quant à eux, visés par une enquête, ajoute le South China Morning Post.
Un climat d’urgence qui semble avoir convaincu les habitants de ces deux régions de se faire vacciner, souligne la chaîne américaine CNN. Si le chiffre de 15 millions de doses administrées en 24 heures dans tout le pays peut sembler impressionnant au regard des chiffres observés dans la plupart des autres pays du monde, cela fait maintenant une semaine que le rythme des vaccinations dépasse les 10 millions d’injections par jour.
En fait, Pékin semble avoir fortement accéléré le rythme de sa campagne de vaccination depuis près d’un mois. Il lui avait fallu 25 jours pour administrer les 200 premiers millions de doses, puis seulement deux semaines supplémentaires pour atteindre les 300 millions de doses. Enfin, neuf jours plus tard, la Chine avait franchi le cap des 400 millions d’injections (une ou deux doses).
"Nous devrions pouvoir administrer 20 millions de doses par jour si besoin", a assuré Shao Yiming, un chercheur du Centre chinois pour le contrôle et la prévention des maladies, sur la chaîne publique CCTV. Pour y parvenir, les autorités ont même autorisé en urgence, vendredi, un sixième vaccin. La société Shenzhen Kangtai Biological Products, qui le développe, n’a pourtant même pas encore publié ses résultats des tests de phase III sur l’homme, qui permettent de déterminer l’efficacité réelle de la molécule.
Les autorités chinoises ont ainsi mis le turbo car le gouvernement s’est fixé un objectif ambitieux. Ce dernier veut en effet que 40 % de la population, soit 560 millions de personnes, ait reçu au moins une injection d’ici fin juin.
Pour l’instant, seule la ville de Pékin peut se targuer d’être en avance sur le calendrier officiel. Près de 60 % des habitants de plus de 18 ans de la capitale chinoise ont déjà reçu les deux doses.
Les hésitations de la population
Mais ailleurs, la situation est plus tendue. D’abord parce que les stocks sont limités dans certaines provinces. Sinopharm et Sinovac, deux des principaux fabricants de vaccins, ont indiqué, fin avril, pouvoir produire six millions de doses chacun par jour, ce qui "est insuffisant pour satisfaire les besoins nationaux", a reconnu Yin Weidong, le PDG de Sinovac. Le fait que la Chine mène, en parallèle, une diplomatie du vaccin et réserve une partie de sa production à l’exportation exerce une pression supplémentaire sur les sites de production.
Si l’offre peine à suivre, la demande n’est pas non plus toujours au rendez-vous. "Les gens pensent que l’on s’en sort bien sur le front de la lutte contre le Covid-19 et n’estiment pas nécessaire de se faire vacciner", remarque Zheng Zhijie, un spécialiste des politiques de santé publique à l’université de Pékin, interrogé par le South China Morning Post.
Les autorités ont sorti le bâton et les carottes pour tenter de surmonter cette hésitation. Dans les écoles, les enfants sont incités à faire pression sur leurs parents et grands-parents pour qu’ils se fassent vacciner, raconte le site de la chaîne allemande d'information Deutsche Welle, qui a publié une enquête sur les difficultés de la campagne chinoise de vaccination. Des bons d’achat ou des denrées de première nécessité – comme du lait et de l’huile – sont offerts dans certaines régions rurales pour convaincre la population locale. Dans plusieurs grandes villes, comme Shanghai ou Pékin, des entreprises ont menacé des employés récalcitrants de sanctions disciplinaires s’ils n’allaient pas se faire vacciner, a constaté pour sa part le South China Morning Post.
L'obsession à vacciner au plus vite alors que le pays ne connaît qu'une circulation très limitée du virus tient à des raisons économiques. Pékin a certes réussi à maîtriser rapidement l’an dernier la propagation du Sars-CoV-2 en Chine, mais le revers de la médaille est qu’une très faible proportion de la population seulement a développé une immunité naturelle. Impossible donc de rouvrir les frontières sous peine d’offrir au virus un terrain de jeu quasi vierge.
Les autorités comptent donc sur les vaccins pour atteindre aussi rapidement que possible l’immunité collective. Mais les six molécules disponibles – toutes "made in China" – ont une efficacité démontrée inférieure aux vaccins utilisés en Occident. Du coup, il est probable qu'il faille un taux de vaccination supérieur en Chine qu’ailleurs pour atteindre l’immunité collective. "Alors qu’il faut vacciner environ 70 % de la population dans les pays qui utilisent les solutions de Moderna, Pfizer ou AstraZeneca, pour la Chine le seuil à atteindre s’approche davantage des 100 % de la population", estime Benjamin Cowling, un expert des maladies infectieuses à l’université de Hong Kong, interrogé par Reuters.
On en est encore loin en Chine. Pékin espère actuellement réussir à vacciner plus de 60 % de sa population avant la fin de l’année. Et au final, le pays qui avait pu clamer le premier avoir réussi à maîtriser l’épidémie de Covid-19 chez lui pourrait devenir le dernier à pouvoir se permettre d’ouvrir à nouveau ses frontières au reste du monde.