Un rassemblement des forces de police se déroule, mercredi, devant l’Assemblée nationale à Paris pour demander une "réponse pénale" plus ferme face aux agressions à l'encontre des forces de l'ordre. Des politiques de tous bords prennent part à cette mobilisation, dont le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin.
Une mobilisation exceptionnelle "sans récupération politique". À l'unisson, les syndicats policiers ont appelé, mercredi 19 mai, à une grande mobilisation devant l’Assemblée nationale en “soutien à la police républicaine”, deux semaines après le meurtre du brigadier Éric Masson, sur un point de deal à Avignon.
Selon les organisateurs, plus de 35 000 personnes ont répondu à l'appel des syndicats de policiers. Le bilan de la mobilisation selon les autorités n'était pas encore disponible.
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— Karim Hakiki (@KarimHakiki) May 19, 2021Très critiquée par l'opposition, la venue de Gérald Darmanin, qui s'est frayé difficilement un chemin dans une foule compacte, s'est déroulée sans heurts, aux sons des klaxons et des sifflets, accessoires habituels des policiers en manifestation. Certains ont pris des selfies avec lui.
"Il faut nous aider !", l'ont cependant interpellé plusieurs manifestants. "Tous les soirs, quand je me couche, je pense à vous", a répondu le ministre à un policier qui lui disait ne pas savoir, quand il part au travail, "comment" il "va rentrer".
De mémoire de policiers, la présence d'un ministre de l'Intérieur est une "première", ce qui a valu à Gérald Darmanin de vives critiques de l'opposition.
L'eurodéputé conservateur François-Xavier Bellamy a raillé un ministre qui manifeste "contre sa propre inaction". "Son rôle est d'agir, pas de manifester", a aussi estimé Damien Abad, le patron des députés LR, dont "la quasi-totalité" sera présent.
"C'est la première fois qu'on voit un ministre de l'Intérieur manifester contre sa propre inaction. Le soutien qu’attendent de lui les policiers et les gendarmes, c’est qu’il leur donne les moyens de faire respecter la loi." pic.twitter.com/vzVpf9ctfk
— Fx Bellamy (@fxbellamy) May 18, 2021"Je vais leur dire que nous les aimons", avait justifié mercredi matin le ministre sur France Inter. "Il n'y a pas de soumission à un pouvoir quelconque", a-t-il affirmé, en référence à la police.
La justice, cible des manifestants
Le garde des Sceaux, Éric Dupond-Moretti, absent du rassemblement, était la cible des manifestants et des syndicats, qui réclament une réponse pénale plus forte, et notamment que des peines planchers soient infligées aux agresseurs de policiers.
À la tribune, sur laquelle était tendue une banderole noire "Payés pour servir, pas pour mourir", le secrétaire général du syndicat Alliance, Fabien Vanhemelryck, a fait siffler "ce ministre qui déclare 'je suis le ministre des prisonniers' (et de l'administration pénitentiaire, NDLR").
"Le problème de la police, c'est la justice !", a tonné le syndicaliste, sous les applaudissements.
"Les peines minimales pour les agresseurs, voilà le message fort et clair que nous attendons", avait auparavant déclaré Grégory Joron, d'Unité SGP Police-FO. "Cette mesure n'est pas liberticide, ni anticonstitutionnelle, ni nauséabonde", a-t-il ajouté.
Plusieurs témoignages de policiers blessés ou de leurs proches ont été prononcés ou diffusés sur l'estrade.
Les syndicats réunis – fait assez rare – en intersyndicale avaient souhaité une mobilisation "sans récupération politique" alors que la sécurité s'est imposée comme l'un des principaux thèmes de campagne des régionales dans un mois, et de la présidentielle dans un an.
La gauche divisée aussi sur la police
Cependant, du Rassemblement national au Parti communiste, en passant par le Parti socialiste et l'écologiste Yannick Jadot, des élus de tous bords se sont joints au rassemblement.
"Le nouvel horizon que dessinent nos ministres et élus en participant à cette manifestation et en s'associant ainsi aux revendications policières, est celui d'une société dans laquelle la police devient une puissance autonome au lieu d'être une force publique au service des citoyens", s'est insurgé dans un communiqué le syndicat de la magistrature (SM, classé à gauche).
Le numéro deux du Rassemblement national, Jordan Bardella, a également annoncé sa venue, avec "beaucoup d'élus" du parti d'extrême droite.
À gauche, les chefs du Parti socialiste, Olivier Faure, et du Parti communiste, Fabien Roussel, prévoyaient aussi d'être présents, tout comme l'écologiste Yannick Jadot. Seule exception, La France insoumise, qui voit dans les demandes des syndicats policiers un "cahier de revendications corporatives".
???? « La police mérite mieux que cette instrumentalisation »
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???? J’étais ce soir l’invité de @JFAchilli sur @franceinfo #19mai pic.twitter.com/amjtLOWRWv
Une "réponse pénale" plus ferme
Les syndicats ont décidé d'organiser ce rassemblement deux semaines jour pour jour après le meurtre d'Eric Masson, tué lors d'une opération antidrogue à Avignon. Un drame qui a ébranlé la police, déjà marquée par l'assassinat, le 23 avril, de Stéphanie Monfermé, agente administrative au commissariat de Rambouillet (Yvelines), par un Tunisien qui se serait radicalisé.
Selon les responsables syndicaux, beaucoup de policiers "en colère" et "écœurés" voient dans la mort du brigadier lors de cette banale intervention un symbole des violences répétées à leur encontre, qui nécessitent une "réponse pénale" plus ferme.
Agressions de policiers : "Les peines sont mal appliquées", dénonce le syndicat Alliance dans le Bas-Rhin via @BleuAlsace https://t.co/wSi9C7O49N@CorriauxMichel @AlliancePn67 @BenoitBarret #Alliancepn67 #jesoutienslapolice #jesoutienslesfdo
— ALLIANCE POLICE NATIONALE GRAND EST (@ALLIANCE_METZ) May 11, 2021Depuis Avignon, le gouvernement a déjà donné des gages aux syndicats, reçus le 10 mai à Matignon. Et le gouvernement a déposé mercredi, quelques heures avant la manifestation des policiers, un amendement prévoyant de porter à 30 ans la peine de sûreté pour les personnes condamnées à perpétuité pour un crime commis contre un policier ou un gendarme.
Cet amendement devrait être voté dans la semaine dans le cadre de l'examen au Palais Bourbon du projet de loi pour la "confiance" dans la justice d'Éric Dupond-Moretti. Il ne s'agit cependant pas de la "revendication la plus importante" des syndicats, qui demandent "la mise en œuvre de peines minimales" (aussi appelées peines planchers) pour "les agresseurs des forces de l'ordre".
Il faut "changer de logiciel", assure Grégory Joron, d'Unité SGP Police-FO, qui dénonce une "individualisation exacerbée des peines" et un "empilage de dispositifs qui vident les peines de leur sens".
Le rassemblement devant l'Assemblée nationale est aussi une manière de rappeler aux élus qu'ils "doivent prendre leurs responsabilités et, au besoin, légiférer pour faire en sorte que tout ce qu'on vient de vivre ne se reproduise plus", précise Fabien Vanhemelryck, secrétaire général d'Alliance.
"Le nœud gordien, c'est l'application des peines existantes, notamment pour tout ce qui est en bas du spectre, c'est-à-dire les agressions du quotidien", "là où le sentiment d'impunité se crée et se nourrit", estime aussi Patrice Ribeiro, secrétaire général de Synergie Officiers.
Mathieu Zagrodzki, chercheur associé au Centre de recherches sociologiques sur le droit et les institutions pénales (Cesdip), rappelait toutefois dimanche auprès de l'AFP que les peines planchers, mises en place sous Nicolas Sarkozy puis abrogées en 2014, avaient été "relativement peu mises en œuvre", les juges pouvant y déroger.
Avec AFP