
Malgré le rapprochement entre le Congolais Joseph Kabila et le Rwandais Paul Kagamé, la situation du Nord-Kivu ne cesse d'empirer. Une récente enquête publiée par 84 ONG fait état d'une situation désastreuse.
En duplex de Kinshasa, le correspondant de FRANCE 24 Arnaud Zajtman témoigne des massacres perpétrés au Nord-Kivu. Et Coralie Lechelle, responsable du programme Congo-RDC à Médecins sans frontières, fait le point sur cette guerre.
Dans l'est de la République démocratique du Congo (RDC), les civils payent un lourd tribut aux opérations menées par l'armée congolaise contre les rebelles hutus rwandais. Une guerre qui a eu des ‘’conséquences catastrophiques’’ en ce qui concerne les droits de l’Homme, indique ainsi le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extra-judiciaires, Philip Alston. Dans un rapport accablant rendu public le 16 octobre, il dénombre ‘’plus de 1 000 victimes civiles’’, depuis février 2009.
Selon le document, l’opération Kimia 2, menée par l’armée congolaise avec le soutien de la Mission des Nations unies au Congo (Monuc), a permis l’intégration rapide et sans formation préalable dans les rangs de l’armée d’anciens rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP, pro-rwandais).
Ces anciens insurgés, qui agissent à présent sous le drapeau des forces armées congolaises, sont accusés d’avoir maintenu leur propre structure hiérarchique au sein de l'armée et d'avoir tué plus de 50 villageois d’origine hutu en avril 2009. Quelques jours plus tard, les rebelles hutus rwandais se seraient vengés en massacrant à leur tour 96 civils congolais innocents dans un village voisin.
‘’L’impunité perdure’’
La situation est différente mais tout aussi désastreuse dans la Province orientale (nord-est de la RDC), où sévissent les rebelles ougandais de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA). Même si les massacres commis par la LRA, qui ont conduit à la mort de 1 200 civils l’année dernière, ‘’ne se répètent plus’’, les attaques se poursuivent au rythme d’une vingtaine de morts par mois, à en croire le rapport de l’ONU.
En mars 2007, le président de la RDC, Joseph Kabila, avait promis ‘’la fin du règne de l’impunité’’ : ‘’l’erreur a été de croire que l’on pouvait obtenir la paix sans la justice’’, avait-il alors déclaré à Kinshasa.
Mais à en croire le rapporteur spécial des Nations unies, l’impunité perdure et a permis notamment à l'armée congolaise d'attribuer, début 2009, un poste de commandement des opérations à Bosco Ntaganda, un ancien rebelle accusé de massacres par la Cour pénale internationale (CPI) et sous le coup d'un mandat d'arrêt. L'impunité constitue ‘’une cause principale de la continuation des tueries’’ dans l’est de la RDC, dénonce Philip Alston.
Démenti formel de Kinshasa
Réagissant à ces accusations lors d’une conférence de presse, le 29 octobre, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mendé, a démenti les accusations du rapport onusien. Il souligne notamment que plus de 2 500 militaires congolais sont aux arrêts pour des cas de meurtres, viols et vols, sur une armée comptant près de 130 000 hommes. ‘’Peut-on accuser d’être adepte de l’impunité un pays qui embastille 2 % de ses effectifs militaires ?’’ s’est exclamé Lambert Mendé.
Concernant le mandat d’arrêt qui pèse sur l’ex-rebelle intégré dans l’armée congolaise Bosco Ntaganda, le ministre a toutefois indiqué que ‘’les chicaneries’’ qui consistent à engager sans délai des poursuites contre Ntaganda ne devaient pas avoir lieu, car cela reviendrait ‘’à infliger à ce grand corps malade qu’est la RDC un remède pire que le mal", référence à un risque supposé de reprise des affrontements que pourrait provoquer l'arrestation de l'ancien chef rebelle pro-rwandais.