La Cour Suprême a accepté jeudi le pourvoi en cassation présenté par les avocats de Khaled Drareni. Incarcéré en mars 2020, le journaliste indépendant a bénéficié d'une mesure de grâce présidentielle. Son cas est devenu emblématique du combat pour la liberté d'expression en Algérie.
C'est une victoire pour les avocats du journaliste Khaled Drareni. Condamné à deux ans de prison en appel en septembre 2019, il sera jugé à nouveau après que la Cour suprême a accepté jeudi 25 mars le pourvoi en cassation présenté par ses conseils.
"La Cour suprême annule la décision. Le pourvoi [en cassation] de la défense a été accepté, donc Khaled Drareni sera rejugé", a indiqué à l'AFP un de ses avocats, Me Abdelghani Badi.
"J'espère que lors de ce nouveau procès, il n'y aura pas de pressions sur la justice, comme cela a été le cas auparavant", a ajouté Me Badi.
Lors du procès, en septembre, le collectif des avocats de Khaled Drareni avait fustigé "la pression [du pouvoir exécutif] sur les juges qui sont mis sous influence".
Incarcéré en mars 2020, le journaliste indépendant de 40 ans a bénéficié d'une mesure de grâce présidentielle le mois dernier en faveur de détenus du mouvement pro-démocratie du Hirak. Il est depuis en liberté provisoire.
Le directeur du site d'information Casbah Tribune, et correspondant en Algérie pour la chaîne francophone TV5 Monde et pour Reporters sans frontières (RSF), avait été condamné le 15 septembre à deux ans de prison ferme pour "incitation à attroupement non armé" et "atteinte à l'unité nationale".
Un verdict d'une sévérité sans précédent à l'encontre d'un journaliste ce qui a indigné ses confrères et suscité une campagne de soutien bien au-delà des frontières de l'Algérie.
Khaled Drareni avait été arrêté à Alger le 7 mars 2020 alors qu'il couvrait une manifestation du Hirak, le soulèvement populaire qui secoue l'Algérie depuis plus de deux ans.
Un cas emblématique
Il a aussi été accusé d'avoir critiqué sur Facebook le système politique et publié le communiqué d'une coalition de partis politiques en faveur d'une grève générale, selon RSF.
Enfin, les autorités lui ont reproché d'avoir travaillé pour un média étranger sans accréditation, une procédure bureaucratique opaque en Algérie, mais aussi d'être un "khabarji" (informateur) à la solde "de parties étrangères".
Khaled Drareni a rejeté ces accusations, assurant n'avoir fait que son "travail en tant que journaliste indépendant", et exercé "son droit d'informer", et décidé de se pourvoir en cassation "au nom de la morale et de l'éthique", selon ses avocats.
Son cas est devenu emblématique du combat pour la liberté de presse et d'expression en Algérie, mise à mal par une série de condamnations et un arsenal juridique très restrictif pour la presse en ligne et les réseaux sociaux.
Dans une interview à l'AFP le 24 février, il s'est dit déterminé à "mener ce combat universel en tant que journaliste algérien".
Khaled Drareni s'est fait connaître en Algérie en tant que présentateur sur les chaînes privées Dzair TV et Echourouk TV, mais aussi pour son activité sur les réseaux sociaux, où il a partagé photos, slogans et déclarations en direct des défilés du Hirak.
Sitôt libéré, il a repris ses activités de journaliste auprès de Casbah Tribune et de la chaîne française TV5 Monde.
Malgré la libération récente d'une quarantaine de détenus d'opinion, une trentaine de personnes sont toujours en prison pour des faits liés au Hirak et/ou aux libertés individuelles, selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de soutien.
L'Algérie figure à la 146e place (sur 180) du classement mondial de la liberté de la presse 2020 établi par RSF. Elle a perdu 27 places en cinq ans.
Avec AFP