
L'armée birmane resserre son étau judiciaire sur Aung San Suu Kyi, mise au secret depuis son arrestation. Mais l'audience en vidéoconférence de l'ex-dirigeante, qui devait comparaître mercredi devant un tribunal de Naypyidaw, a été reportée faute de connexion internet.
L'ex-dirigeante Aung San Suu Kyi ne comparaîtra pas comme prévu, mercredi 24 mars, devant la justice birmane. Accusée notamment de corruption par la junte, qui poursuit sa répression aveugle, son audience en vidéoconférence, a été reportée faute de connexion internet, les données mobiles et plusieurs réseaux wifi étant coupés depuis plusieurs jours par les militaires pour isoler le pays. L'audience "a été reportée au 1er avril", a fait savoir son avocat Khin Maung Zaw, qui n'a toujours pas été autorisé à rencontrer sa cliente.
Le principal chef d'accusation contre l'ex-dirigeante, inculpée pour de nombreux motifs, est la corruption. Deux hommes se sont confessés dans des vidéos diffusées par les médias d'État, assurant avoir versé à Aung San Suu Kyi plus d'un million de dollars et onze kilos d'or.
Des observateurs s'interrogent sur l'authenticité de ces témoignages : l'un des témoins est emprisonné, l'autre a un passé trouble.
L'ancienne cheffe de facto du gouvernement civil est aussi accusée d'avoir incité aux troubles publics. Si elle est reconnue coupable des faits qui lui sont reprochés, elle pourrait être condamnée à de longues années de prison et se voir bannie de la vie politique.
Une vingtaine de mineurs abattus selon une ONG
Parallèlement, la répression de la junte se poursuit. Pour tenter d'éteindre le vent de fronde démocratique qui souffle sur le pays depuis le coup d'État du 1er février, les militaires intensifient chaque jour leur riposte. De plus en plus de civils qui ne participent pas à la contestation, dont des femmes et des enfants, sont visés.
Une fillette de sept ans, Khin Myo Chit, a été tuée mardi "par un tir mortel à l'estomac alors qu'elle était dans sa maison" à Mandalay, dans le centre du pays, selon l'Association d'assistance aux prisonniers politiques (AAPP). Son décès n'a pas été confirmé à ce stade de source indépendante à l'AFP.
L'ONG Save the Children s'est dite "horrifiée que des enfants continuent de figurer parmi les cibles", recensant une vingtaine de mineurs abattus ces sept dernières semaines.
Au total, 275 civils ont été tués, selon l'AAPP. Le bilan pourrait être beaucoup plus lourd : des centaines de personnes arrêtées sont portées disparues. Le porte-parole de la junte, Zaw Min Tun, a fait état, pour sa part, de 164 victimes dans les rangs des protestataires, qualifiés de "violents terroristes". Il s'est dit déterminé à "réprimer l'anarchie", faisant fi des nouvelles sanctions imposées par les États-Unis et l'Union européenne.
Plus de 600 personnes relâchées par la junte
Plus de 600 personnes interpellées depuis le coup d'État en Birmanie, dont un photographe de l'agence de presse américaine AP, ont en outre été relâchées mercredi par la junte qui détient toujours au secret des centaines de civils et poursuit sa répression meurtrière.
"Nous avons libéré aujourd'hui 360 hommes et 268 femmes de la prison d'Insein" à Rangoun, a déclaré à l'AFP un haut responsable de l'établissement pénitentiaire sous couvert d'anonymat. Ils ont quitté la prison dans des bus, saluant à trois doigts en signe de résistance, d'après des images diffusées par des médias locaux.
Quelques heures plus tard, Thein Zaw, le photographe birman d'Associated Press (AP) arrêté fin février alors qu'il couvrait des manifestations contre la junte, a annoncé à l'AFP sa libération. "Je suis en bonne santé (...) Les charges contre moi ont été levées", a expliqué le photographe, âgé de 32 ans, auparavant accusé d'avoir "répandu de fausses nouvelles".
Responsables politiques, grévistes, activistes, artistes : les généraux qui ont pris le pouvoir le 1er février détiennent encore des centaines de civils, dont Aung San Suu Kyi.
Le Conseil des droits de l'homme de l'ONU (CDH) a adopté mercredi une résolution condamnant l'usage "disproportionné de la force" en Birmanie, où il souhaite que soit établi un bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.
Avec AFP