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Loi "sécurité globale" : vive polémique autour du port d’arme des policiers hors service

Le Sénat a adopté jeudi l’article 25 de la loi "sécurité globale" visant à autoriser le port d'arme par les policiers et gendarmes hors service dans les lieux accueillant du public, sans que les responsables d'établissement ne puissent s’y opposer. Un texte qui suscite l'opposition d'élus de tous bords.

Ceux qui n’ont pas aimé l’article 24 de la loi "sécurité globale" concernant l’enregistrement et la diffusion d’images montrant des forces de l’ordre pouvant être identifiées, risquent de détester plus encore l’article 25 de la  même loi. Peu évoqué dans les médias, le texte adopté jeudi 18 mars au Sénat sur le port d’arme par les policiers et gendarmes en dehors de leur service  soulève  pourtant  bien des questions.  Il  provoque même une levée de boucliers d’élus de toutes tendances politiques.

L'article qui a été voté par 214 voix pour et 121 contre, sans modification par rapport au texte de l'Assemblée nationale, prévoit que les policiers et gendarmes qui portent leurs armes en dehors de leurs heures de service ne peuvent plus  se voir refuser l'accès aux  ERP ( établissements recevant du public )   que sont  les  musées,  les  théâtres,  les  cinéma s ,  les  centres commerciaux  ou  encore  les  écoles.

Nous sommes déterminés à protéger ceux qui nous protègent.

L'amendement du gouvernement visant à assurer la protection fonctionnelle en audition libre pour les policiers et les gendarmes a été adopté par le Sénat. #PPLSecuriteGlobale pic.twitter.com/vpxfxV4wp7

— Gérald DARMANIN (@GDarmanin) March 18, 2021

"Nous n’inventons pas l’eau chaude", s'est défendu jeudi, lors du débat au Sénat, le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin , soucieux de rappeler que le port d’arme hors service n’est pas chose nouvelle . Depuis 2016, policiers et gendarmes disposent en effet déjà du droit de porter leur arme en dehors de leur service dès lors qu’ils en font la demande auprès de leur hiérarchie.  Aujourd'hui,  plus de 30 000 policiers rentrent chez eux ou vivent avec leurs armes en dehors de leur service.

Jusque-là, les responsables d’ERP pouvaient s’oppo ser à cette disposition car il n’y avait pas de cadre légal . " Il y a simplement une coutume qui veut que le patron ou la patronne de l’établissement recevant du public peut refuser l’entrée", a  poursuivi   le ministre  devant les sénateurs . À la place de l’article réglementaire du code de sécurité intérieure, "nous proposons d’instaurer une législation […], cela devrait plaire aux législateurs que vous êtes ."

"Une logique simpliste"

Mais la mesure n’a pas été du goût de tous les  parlementaires .  Une série d'amendements visant à  l a suppression de l’article controversé a été défendue par les groupes PS,  écologiste,  CRCE à majorité communiste,   des sénateurs du groupe RDSE à majorité radicale ainsi que par plus d'une vingtaine de cosignataires centristes, Les Républicains et Indépendants.

« Il soulève beaucoup de questions et pourrait même représenter un danger », alerte la sénatrice PS @Sy_robert au sujet de l'article 25 de la #PPLSécuritéGlobale (policiers pouvant être armés en dehors de leur service dans les salles de spectacles) pic.twitter.com/hoJusgxCKK

— Public Sénat (@publicsenat) March 18, 2021

"Décider de porter une arme n'est pas anodin, a fait valoir Laurent Lafon , sénateur centriste du Val-de-Marne. D’abord pour les policiers et les gendarmes eux-mêmes . […]  Mais aussi pour les autres. Quel sentiment éprouvons-nous si dans une salle de spectacle nous voyons à côté de nous une personne en civil qui porte une arme ? Est-ce que vous vous sentez rassuré, ou est-ce que vous vous sentez inquiet ?"

Article 25 de la #PPLSécuritéGlobale : « Je crains que certains d’entre nous se soient laissés contaminer par une idéologie de course à l’armement, y compris dans les établissements recevant du public », s’inquiète le sénateur Guy Benarroche (@ecologistesenat) pic.twitter.com/o5iv099EuX

— Public Sénat (@publicsenat) March 18, 2021

Des arguments partagés par Sylvie Robert, sénatrice socialiste d’Ille-et-Vilaine. "Rien ne prouve qu’un policier armé puisse apporter dans un ERP plus de sécurité. […] Il faut sortir de cette logique simpliste”, ajoute l’élue, évoquant la possibilité d'un "accident" si une arme tombe ou est subtilisée.

Une "régression", selon Amnesty international

"Toutes les mesures visant à étendre le port d’arme sont autant de régressions, estime  de son côté  Anne-Sophie  Simpere , chargée de plaidoyer à Amnesty international, dans un entretien accordé à  France 24. Cette mesure fait porter une lourde responsabilité aux policiers et  aux  gendarmes, qui doivent toujours  être en mesure d’intervenir, même dans un lieu de fête. Et que se passerait-il si l’un d’entre eux venait à boire en possession de son arme  ?  Avant de prendre ce genre de décision, il eût été bon de faire des évaluations pour voir  si  ce genre de mesure est vraiment utile."

#PPLSécuritéglobale Et pour savoir qui a voté pour autoriser les FDO à porter leurs armes, hors service, dans les lieux publics accueillant du public, c'est ici: https://t.co/aBnOWs7iPH #DirectSenat #StopLoiSécuritéGlobale

— Anne-Sophie Simpere (@asimpere) March 18, 2021

Du côté des organisateurs de festivals, on craint également que les  service s  de sécurité  soient  désormais  obligés de  laisser passer des hommes en civil armés avec une simple carte de police,  qui peut être  facilement f al sifiée.

" Un faux débat"

"C’est un faux débat, balaie d’un revers de manche Denis Jacob, secrétaire général d’Alternative police-CFDT.  Depuis 2016, d es policiers  sortent dans des lieux publics avec une  arme cachée dans leur holster, ou d ans une sacoche l’été, et cela n’a jamais posé problème . Bien au contraire, c’est un gage de sécurité supplémentaire  de savoir  que  d es policiers   et gendarmes  puissent intervenir  en cas d’attentat."  Et le syndicaliste de poursuivre : "L es policiers français s on t encore loin de leurs homologues américains, qui  ont toute autorité pour faire usage de leur arme. En France, son usage reste extr êmement encadré et  ne peut se faire que dans le strict cadre de la légitime défense ."

Frédéric Ploquin , spécialiste de la police et auteur d u livre " Les  Narcos  français brisent l'omerta"  (éd.  Albin Michel ) ,  n’y voit pas non plus de dérive. "D'abord parce qu' il n’y a aucune obligation des policiers à porter une arme hors service. Et il ne s’agit que d’intervention dans un cadre terroriste comme celui du Bataclan. Beaucoup d’entre eux m’ont confié n e pas vouloir se cacher avec les autres sous les tables en cas d’attaque. Ils préfèrent intervenir par amour du boulot."

Mesure rassurante ou dérive sécuritaire, les sénateurs ont de toute façon tranché. Adopté "conforme" par les deux chambres en première lecture, l’article 25 ne pourra plus être modifié en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.