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Le secteur automobile est à la peine depuis le début de l’année… et ce n’est pas à cause de la demande, qui est au rendez-vous. Le problème pour Ford, General Motors et autres concurrents est le boom du jeu vidéo et du télétravail. Explications.

Pour l’industrie automobile, quand ça va mal, ça va mal. Et quand ça va mieux… ça va mal aussi. Alors que la demande de voitures a connu un fort rebond fin 2020 après une année noire pour cause de confinement lié à la pandémie, les constructeurs peinent à suivre. La faute à la pénurie de puces électroniques. 

Le géant américain Ford a annoncé, jeudi 4 février, qu’il allait devoir diminuer de près de 20 % la production de ses véhicules, en raison des difficultés à mettre la main sur ces précieux composants qui se retrouvent dans les tableaux de bord, les systèmes de conduite assistée ou encore les GPS embarqués. Ford a même été contraint de fabriquer moins de camionnettes F-150, pourtant sa poule aux œufs d’or aux États-Unis, souligne le Wall Street Journal. En tout, la marque estime que cette baisse de production devrait lui coûter entre 1 et 2,5 milliards de dollars de revenus avant imposition, en 2021.

Également touché, General Motors a décidé, en début d’année, de mettre en pause des chaînes d’assemblage de véhicules en Amérique, en Europe et même en Chine. Nissan, Renault et Fiat ont fait état de problèmes similaires. En tout, ces problèmes d’approvisionnement en puces pourraient coûter au secteur plus de 500 000 véhicules en 2021, estime IHS Markit, un cabinet américain d’information économique. 

Inquiet, Peter Altmaier, le ministre allemand de l’Économie, a demandé à son homologue taïwanais, Wang Mei-hua, de faire pression sur la Taiwan Semiconductor Manufacturing Company (TSMC), le plus important fournisseur de puces électroniques pour voitures au monde, afin de livrer en priorité les constructeurs allemands, rapporte le Financial Times. La capacité de Volkswagen d’assembler suffisamment de véhicules pour faire face à la demande serait une question “importante pour la reprise mondiale”, à en croire le ministre allemand.

La faute à Donald Trump et aux jeux vidéo

Les déboires actuels de l’industrie automobile sont un condensé de toutes les difficultés des entreprises pour naviguer en ces temps de pandémie. On y retrouve la forte dépendance à la Chine, l’impossibilité de prévoir l’évolution de la conjoncture économique, la flambée des prix des matières premières nécessaires à la fabrication de ces semi-conducteurs, les conséquences de la guerre commerciale de Donald Trump ou encore la hausse en popularité du jeu vidéo et d’autres produits tech devenus essentiels avec le confinement.

Tout commence au printemps 2020 avec les mesures de confinement qui mettent un coup de frein à l’économie mondiale et font chuter la demande pour toute une série de biens, dont les voitures. Les constructeurs automobiles arrêtent alors une partie de leur production et annulent certaines commandes de semiconducteurs.

Erreur : les deux seuls constructeurs qui ont maintenu leurs achats - les Japonais Honda et Toyota - ont été relativement épargnés par cette pénurie de puces électroniques. En effet, après l’orage du premier confinement, les commandes ont fortement repris. La demande de voitures au deuxième semestre à augmenter de près de 10 % par rapport à l'an dernier, rappelle CNN. Et les constructeurs se sont retrouvés fort dépourvus quand les automobilistes sont revenus.

Entre temps, le paysage économique avait drastiquement changé, et pas en faveur des fabricants. D’abord, l’ex-président américain Donald Trump, alors encore en poste, avait pris des sanctions contre SMIC, le principal fabricant chinois de semi-conducteurs, ce qui a forcé d’importants clients de ce géant chinois, comme Huawei ou Samsung, à trouver des fournisseurs alternatifs… comme TSMC.

Tout le monde veut des puces

Avec le confinement, une partie des consommateurs se sont aussi tournés vers les jeux vidéo, qui ont connu une flambée des ventes - Nintendo, notamment, a vu ses profits bondir de 400 % depuis le début de la pandémie. La banalisation du télétravail a aussi entraîné une hausse de la vente des ordinateurs portables et des smartphones.

Tout le monde a donc voulu des puces en même temps… et les constructeurs de voitures étaient loin d’être les plus gros clients. “Ils ne représentent que 12 % de la demande mondiale de semi-conducteurs, ce qui ne les met pas en position de force pour négocier avec des fabricants courtisés de toute part”, explique Arndt Ellinghorst, un analyste du cabinet américain de conseil en investissement Bernstein, interrogé par CNN. “Nous sommes loin derrière Apple ou HP dans la chaîne alimentaire”, résume au Financial Times le dirigeant d’un groupe automobile qui a préféré conserver l’anonymat.

Ces constructeurs ont un autre handicap : ils n’ont pas besoin des puces dernier cri pour faire tourner l’électronique embarquée à bord des voitures, rappelle le Wall Street Journal. Avec la forte hausse du prix des matières premières nécessaires pour construire ces composants, les fabricants comme TSMC privilégient les investissements dans les usines produisant les puces de dernière génération, qui permettent de réaliser des marges plus importantes. C’est d’autant plus rentable que la demande est très forte, puisque ces puces sont nécessaires au déploiement de la 5G et sont au cœur des nouvelles consoles de jeu vidéo de Sony et Microsoft, qui s’arrachent.

La crise sanitaire a permis de révéler à quel point les rois de la route, qui misent tant sur les voitures électriques, sont devenus dépendants de ces puces par ailleurs essentielles aux géants Apple, Samsung ou Sony. Jouer ou conduire, peut-être que demain il faudra choisir.