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"Lamentable", "ignoble", "superbe leçon de patriarcat" : les associations LGBT et représentant les mères seules ont exprimé leur colère, jeudi, après le rejet par le Sénat de l'extension de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux célibataires. Le président de la chambre haute, Gérard Larcher, a également exprimé sa "déception".

Un texte sans sa mesure phare. Le Sénat à majorité de droite a adopté, jeudi 4 février, le projet de loi de bioéthique sans l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) à toutes les femmes. Une décision qui a provoqué la déception du président de la chambre haute, Gérard Larcher, ainsi que l’ire de la gauche et des associations LGBT et représentant les mères seules :  "Lamentable", "ignoble", "superbe leçon de patriarcat", ont-elles déclaré.

Le Sénat à majorité de droite a adopté, dans la nuit de mercredi à jeudi, le projet de loi de bioéthique, amputé de sa mesure emblématique, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes. Cette disposition pourra toutefois être rétablie par les députés.

"C'est absolument lamentable", a réagi auprès de l'AFP Véronique Cerasoli, de SOS Homophobie. "Au 4 février, il n'y a donc plus de PMA pour toutes. L'article 1 est rejeté. On a passé un cap", a-t-elle déploré. "Derrière ça, il y a des femmes baladées depuis des années de débat en débat, ponctués de manifestations des opposants" à l'extension de la PMA. "C'est du mépris, une insulte envers les femmes lesbiennes qui attendent la PMA depuis si longtemps".

"C'est une superbe leçon de patriarcat de la part d'hommes non intimement concernés par le sujet, manifestement non informés, et attachés à une vision traditionaliste plus du tout actuelle de la famille", a déploré pour sa part Bénédicte Blanchet, de l'association Mam'ensolo. "Non seulement l'avancée fondamentale que représente la PMA pour de nombreuses femmes a été supprimée, mais les sénateurs avaient préalablement honteusement écarté les femmes seules", a-t-elle poursuivi.

Le président du Sénat, Gérard Larcher, a également exprimé sa déception. "Je regrette un peu que le Sénat ait laissé passer la chance d'améliorer le texte", a-t-il déclaré devant l'Association des journalistes parlementaires. "Là quelque part c'est l'Assemblée nationale qui aura le dernier mot", avec une adoption définitive souhaitée par le gouvernement avant l'été.

Dispositions bientôt rétablies par les députés ?

Au terme de deux jours de débats marqués par la confusion, le texte examiné en deuxième lecture a été adopté par un vote à main levée, confirmé par un "assis-debout" pour faciliter le comptage, à un peu plus de 1h30 du matin (heure de Paris), avec les seules voix favorables de la majorité sénatoriale de droite.

Privé de son article premier sur l'ouverture de la Procréation médicalement assistée, le texte a également perdu un autre de ses "piliers", la possibilité pour les femmes d'une autoconservation de leurs ovocytes sans raison médicale.

Ces dispositions pourront toutefois être rétablies par les députés, lors d’un dernier examen par l’Assemblée nationale.

La gauche et les groupes RDPI à majorité En Marche et RDSE à majorité radicale ont voté contre "un texte complètement dénaturé", selon Thani Mohamed Soilihi (RDPI). "Ce texte, vous l'adopterez sans nous parce que ce texte c'est le résultat d'un gâchis", a lancé le rapporteur PS Bernard Jomier.

"Ambitions électorales"

En première lecture il y a un an, le Sénat avait voté le texte avec sa mesure phare ouvrant la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, excluant toutefois la prise en charge par la Sécurité sociale.

Bernard Jomier a pointé "une radicalisation des positions" de la droite, "qui peut-être a trait à d'autres échéances". Car Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau, potentiel candidat à la présidentielle de 2022, est résolument opposé à l'ouverture de la PMA.

Le secrétaire d'État chargé de l'Enfance et des Familles Adrien Taquet, qui a regretté "l'issue" des débats, avait lui aussi évoqué" des ambitions électorales qui avancent masquées". L'ouverture de la PMA à toutes les femmes était une promesse du président François Hollande (2012-2017) puis d'Emmanuel Macron.

Bruno Retailleau a quant à lui jugé dans un communiqué "particulièrement désolant de voir la gauche remettre en cause ce vote" du projet de loi.

"Image du Sénat abîmée"

C'est mardi que s'est joué le sort de l'article premier du texte. D'abord, un amendement visant à exclure les femmes seules de l'extension de la PMA a été adopté. Il avait marqué un durcissement des positions.

Puis est survenu "un incident de séance", selon une sénatrice LR : l'adoption dans des conditions contestées à droite d'un amendement ouvrant la PMA post-mortem, soit après la mort du conjoint.

Ne satisfaisant plus personne, l'article premier a été rejeté, mais avec la promesse d'une seconde délibération demandée par le président LR de la commission bioéthique Alain Milon. Toute la journée de mercredi, cette seconde délibération a été d'actualité. Mais contre toute attente, la commission y a renoncé.

Laurence Cohen (CRCE à majorité communiste) a crié au "scandale". Le chef de file des sénateurs PS, Patrick Kanner, a dénoncé "une droite honteuse qui ne respecte pas sa parole politique", estimant que "c'est l'image du Sénat qui est abîmée".

La droite vide l’article premier… mais vote la réforme de filiation conséquente

La suppression de l'article premier n'a pas empêché le Sénat de voter la réforme de la filiation qui tire conséquence de l'ouverture de la PMA aux couples de femmes.

Les sénateurs ont également réécrit l'article concernant la filiation d'un enfant né à l'étranger d'une GPA (gestation pour autrui), interdite en France. Cela afin de "prohiber toute transcription complète" d'un acte de naissance étranger.

Sur le volet recherche, ils ont interdit la création d'embryons transgéniques et d'embryons chimériques ainsi que toutes les techniques de modification génomique des embryons humains.

Le vote du Sénat a reçu un satisfecit de la Manif pour tous, qui a manifesté mardi et mercredi devant le palais du Luxembourg contre l'ouverture de la PMA.

Avec AFP