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Josep Borrell a jugé, vendredi, que les relations entre la Russie et l'Union européenne avaient atteint un "plus bas" depuis l'affaire Alexeï Navalny. À Moscou pour sonder la volonté de coopération du Kremlin, le chef de la diplomatie européenne, doit évoquer le sort de l'opposant russe, jugé le même jour dans un nouveau procès, après une première condamnation à près de trois ans d'emprisonnement.

Les relations entre la Russie et l'Union européenne ont atteint un "plus bas" du fait des poursuites et de l'incarcération du principal détracteur du Kremlin dénoncées en Occident, a jugé, vendredi 5 février, le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à Moscou. 

"Il est sûr que nos relations sont sévèrement tendues et l'affaire Navalny est un plus bas", a estimé l'Espagnol devant son homologue russe, Sergueï Lavrov. Une rencontre qui s'annonce difficile, Moscou ayant qualifié les critiques occidentales dans cette affaire d'"ingérence".

En effet, les réactions internationales se multiplient au sujet de la dernière condamnation d’Alexeï Navalny. Si le Kremlin a émis une fin de non-recevoir aux demandes de libération de son principal opposant, condamné le 2 février à près de trois ans de prison, les deux parties veulent ouvrir le dialogue.

"Nous avons relevé notre disposition à coopérer de manière pragmatique là où il y un intérêt commun, où c'est profitable pour les deux parties", a affirmé Sergueï Lavrov, vendredi, tandis que Josep Borrell a noté que malgré les différends "il y a des sujets sur lesquels nous pouvons et devons travailler ensemble". 

Le chef de la diplomatie européenne sait toutefois qu'il aura une partie difficile à jouer face à Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères depuis 2004.

Moscou refuse toute "ingérence" dans ses affaires intérieures et a mis en garde les Européens contre la "bêtise" de conditionner l'avenir de leur relation avec la Russie au sort de l'opposant.

Alexeï Navalny a été condamné à purger une peine infligée en 2014 pour détournement de fonds au détriment de la filiale russe du groupe français Yves Rocher. La justice a annulé le sursis dont l'opposant bénéficiait estimant que celui-ci avait enfreint les termes de son contrôle judiciaire.

Josep Borrell ne se fait pas d'illusions : "Je n'obtiendrai sans doute pas la libération d'Alexeï Navalny", avait-il confié lundi.

"Discuter franchement des désaccords"

"Borrell n'obtiendra rien, c'est sûr. Poutine ne montrera jamais sa faiblesse", a expliqué à l'AFP Alexeï Malachenko, de l'Institut de recherche Dialogue entre les civilisations. Mais le politologue n'exclut pas des signaux.

L'émissaire européen a un mandat. Il a été finalisé mercredi, car des réserves ont été émises par plusieurs États membres et au Parlement européen sur l'opportunité de son déplacement. En outre, certains voulaient mentionner la menace de nouvelles sanctions pour faire pression sur Moscou pour obtenir la libération de l'opposant.

La Russie, déjà sous le coup de sanctions économiques depuis 2014, après l'annexion de la Crimée, reste toutefois sourde aux critiques. "Il n'y a pas de répression, juste des mesures de police visant ceux qui enfreignent la loi", a estimé Dmitri Peskov, le porte-parole du Kremlin.

Si le message porté par le chef de la diplomatie européenne n'a donc guère de chance d'être entendu, Dmitri Peskov a assuré que Moscou souhaitait "discuter franchement de (leurs) désaccords".

Exigences et conséquences

L'Espagnol part "porteur d'exigences à l'égard des autorités russes. À son retour, les Européens envisageront les conséquences à tirer de cette visite", a expliqué le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian. "De nouvelles sanctions ne sont pas exclues", a pour sa part prévenu l'Allemagne.

Josep Borrell arrivera jeudi soir à Moscou pour une visite de deux jours, jusqu'au 6 février. Il a demandé à voir Alexeï Navalny et souhaite rencontrer les représentants de la société civile.

Les ministres des Affaires étrangères auront une première discussion le 22 février sur les résultats de sa mission. Ils devront en tirer des conclusions et des options à présenter aux dirigeants européens qui se réuniront fin février, avant leur sommet consacré à la relation avec la Russie fin mars.

La mission confiée à Josep Borrell met un terme à un gel des contacts diplomatiques au niveau européen depuis 2017.

Il tenait à faire ce déplacement. "La relation avec la Russie est complexe. Il y a de nombreux enjeux de sécurité à discuter", plaide-t-il. L'Ukraine, le Caucase, la Syrie, la Libye, l'Afrique sont autant de sujets de contentieux avec Moscou, soulignent ses services.

"Mais il y a aussi des domaines dans lesquels l'UE et la Russie coopèrent, ou doivent coopérer davantage", comme la lutte contre le réchauffement climatique et l'accord sur le nucléaire iranien, insiste-t-il.

L’Europe "sous-estime sa capacité à influencer les Russes"

L'Union européenne doit se faire entendre à Moscou et l'émissaire a une obligation de résultat vis-à-vis des Vingt-Sept et du Parlement européen. Elle a des leviers, mais elle "sous-estime sa capacité à influencer le comportement des Russes", déplore Ian Bond, chef du département de politique étrangère du Centre for European Reform (CER).

"L'économie russe compte sur les Européens pour acheter ses hydrocarbures et lui vendre des biens et des services", souligne-t-il.

Le projet de gazoduc sous-marin Nord Stream 2 entre la Russie et l'Allemagne est un levier. La France demande son abandon et la Commission ne le juge pas prioritaire.

"L'arrêt de Nord Stream est un enjeu pour Poutine. Il le craint", confirme Alexeï Malachenko. Mais Berlin refuse d'abandonner ce projet privé monté avec le géant gazier russe Gazprom.

Avec AFP