L'Église catholique irlandaise a présenté des "excuses sans réserve" après la publication, mardi, d'un rapport révélant un taux de mortalité "épouvantable" parmi les nourrissons passés par les foyers pour mères célibataires entre 1922 et 1998. Des lieux gérés, pour la plupart, par l'Église catholique.
"Un chapitre sombre de la vie de l'Église et de la société." Les mots sont de l'archevêque irlandais Eamon Martin, qui a réagi mardi 12 janvier à la publication du rapport très attendu en Irlande sur les foyers pour mères célibataires, gérés pour la plupart par l'Église catholique entre 1922 et 1998.
Ce rapport de la Commission d'enquête sur les foyers pour mères et bébés, commandé par le gouvernement en 2015, met en lumière comment de jeunes femmes enceintes (56 000 pour la période étudiée) ont été cachées pendant des décennies de la société irlandaise. Il révèle aussi le fort taux de mortalité infantile – les décès avant l'âge d'un an – au sein des 18 foyers pris en compte, un taux qualifié d'"épouvantable" dans le rapport : "Un total d'environ 9 000 enfants sont morts dans les institutions", peut-on lire, soit "environ 15 % de tous les enfants qui étaient dans les (foyers)".
Les foyers accueillaient jeunes filles et jeunes femmes rejetées par leurs familles qui n'avaient pour la plupart "aucune alternative". Considérés comme illégitimes, les enfants qui y naissaient étaient souvent séparés de leur mère pour ensuite être adoptés, rompant tout lien avec leur famille biologique.
Dans son rapport, la commission estime qu'avant 1960, ces foyers ne "sauvaient pas les vies des enfants 'illégitimes'", au contraire, "il semblent avoir significativement réduit leurs perspectives de survie".
"Nous regrettons que tant de bébés soient morts"
"Je reconnais que l'Église faisait clairement partie de cette culture dans laquelle les gens étaient fréquemment stigmatisés, jugés et rejetés", a poursuivi Eamon Martin dans sa déclaration après la publication du rapport. "Pour cela, et pour la blessure durable et la détresse émotionnelle qui en ont résulté, je présente des excuses sans réserve aux survivants et à tous ceux qui sont personnellement touchés par les réalités que le rapport dévoile."
Les Sœurs des Sacrés Cœurs de Jésus et de Marie, une congrégration religieuse féminine qui a possédé et dirigé trois des plus grands foyers irlandais durant la période ciblée par le rapport, a elle aussi réagi à ces révélations. "Cela nous fait beaucoup de peine que des bébés soient morts sous notre garde", déclare-t-elle dans un communiqué. Et de poursuivre : "Nous regrettons sincèrement que tant de bébés soient morts, en particulier en ce qui concerne (le foyer de) Bessborough dans les années 1940 (la proportion d'enfants morts dans ce foyer a été de 75 % pour l'année 1943 selon le rapport, NDLR). Nous voulons également reconnaître les terribles souffrances et pertes subies par les mères."
Un "chapitre sombre, difficile et honteux de l'histoire irlandaise"
Le Premier ministre irlandais a déclaré mardi que le pays doit "faire face à la vérité de (son) passé". Micheal Martin a aussi estimé que les jeunes femmes et leurs enfants ayant passé par ces foyers avaient payé un lourd tribut à la "moralité religieuse perverse" de l'Irlande au cours des décennies passées.
"Nous avions une attitude complètement déformée en matière de sexualité et d'intimité. Les jeunes mères et leurs fils et filles ont payé un prix terrible pour ce dysfonctionnement", a-t-il poursuivi.
Le chef du gouvernement irlandais doit présenter, mercredi au Parlement, des excuses officielles aux personnes touchées par le scandale pour ce qu'il qualifie de "chapitre sombre, difficile et honteux de l'histoire irlandaise très récente".
The Report of the Commission of Investigation into the Mother & Baby Homes can be accessed here:
➡️ https://t.co/dsWoAGh9at
List of Government actions in response to the Report and a list of supports for anyone who may need them can be accessed here:
➡️ https://t.co/FvO2SjF6Ci pic.twitter.com/pQJtftpfcc
"Le rapport indique clairement que pendant des décennies, l'Irlande a eu une culture étouffante, oppressive et brutalement misogyne (avec) une stigmatisation omniprésente des mères célibataires et de leurs enfants", a déclaré le ministre de l'Enfance, Roderic O'Gorman.
Une coalition de groupes de survivants a estimé, pour sa part, que le rapport était "vraiment choquant", mais qu'il suscitait des sentiments mitigés car il ne rendait pas pleinement compte du rôle joué par l'État dans la gestion des foyers. "Ce qui s'est passé n'était qu'un aspect de l'État nouvellement établi qui était profondément antifemmes tant dans ses lois que dans sa culture", a souligné le groupe, qui a décrit la déclaration de Micheal Martin affirmant que la société irlandaise était à blâmer comme une "façon de se dérober".
Ce rapport devrait rapidement être suivi d'effets. Comme le rapporte le journal The Irish Times, le gouvernement irlandais devrait présenter d'ici le 30 avril des propositions pour un plan de réparation, avec une compensation financière versée aux survivants. Il devrait être demandé aux ordres religieux qui dirigeaient certains des foyers de contribuer aussi au coût de l'indemnisation.
Des modifications juridiques devraient également être introduites pour donner aux survivants le droit d'accéder à leurs dossiers, y compris les dossiers d'adoption.
Avec Reuters et AFP