L’annonce, mardi, de la découverte au Japon d'une nouvelle souche du SARS-CoV-2 inquiète la communauté scientifique, car elle présente des caractéristiques susceptibles d'interférer avec l'efficacité des vaccins déjà développés contre le Covid-19.
À chaque jour suffit sa mutation du SARS-CoV-2. Après un emballement médiatico-scientifique autour du variant britannique, c'est une nouvelle souche du coronavirus identifiée au Japon qui retient l'attention de la communauté scientifique.
Les autorités sanitaires japonaises ont reconnu, mardi 12 janvier, avoir découvert une toute nouvelle forme du virus chez quatre patients contaminés arrivés du Brésil. Rien d'extraordinaire en soi : "Il y a des mutations du SARS-CoV-2 partout dans le monde tout le temps", rappelle Simon Clarke, professeur de microbiologie cellulaire à l'université de Reading, contacté par France 24. C'est dans la nature de ce type de virus, comme pour celui de la grippe, de muter lorsqu'il se réplique dans un organisme contaminé. Et ces changements n'ont, la plupart du temps, pas d'incidence sur la dangerosité de l'agent pathogène.
La menace E484K
Alors pourquoi Ravi Gupta, l'un des plus éminents microbiologistes britanniques, a-t-il qualifié cette nouvelle souche de "variant le plus inquiétant" du moment ? Sa crainte tient au nombre et à la localisation des mutations. L'Institut national japonais des maladies infectieuses a découvert douze mutations dans la protéine "spike", c'est-à-dire la partie du virus "qui lui sert à entrer en contact et à s'accrocher aux cellules de l'organisme contaminé", rappelle Lawrence Young, virologue et professeur d'oncologie moléculaire à la Warwick Medical School, contacté par France 24.
Ce sont ces mutations que les scientifiques redoutent le plus car elles peuvent affecter la transmissibilité et la résistance du coronavirus aux anticorps, souligne le spécialiste britannique.
En l'occurrence, si ce nouveau variant commence à peine à être étudié, les rares informations fournies par les autorités japonaises n'incitent pas à l'optimisme.
Ce variant dispose en effet de la même mutation identifiée dans la souche britannique – baptisée N501Y – qui a contribué à la rendre beaucoup plus contagieuse. Mais à cela s'ajoute une autre modification, déjà observée dans le variant découvert en Afrique du Sud le 6 janvier et qui avait poussé le célèbre spécialiste des maladies infectieuses de l'administration américaine Anthony Fauci à tirer la sonnette d'alarme.
Ce nouvel ennemi dans la lutte contre le Covid-19 s'appelle E484K. C'est une mutation qui "change la biochimie et la forme de la protéine 'spike'", explique Simon Clarke. Concrètement, les scientifiques estiment qu'elle permet au virus de "s'agripper plus solidement aux cellules contaminées", précise Lawrence Young. Une étude sud-africaine suggère, en outre, que les subtiles modifications apportées à l'apparence de la protéine "spike" rendent les anticorps, que le système immunitaire produit pour lutter contre le Covid-19, moins efficaces. "Ils pourraient avoir plus de mal à s'attacher au virus pour le combattre", résume Lawrence Young.
Vaccins en sursis ?
Le nouveau variant découvert au Japon s'apparente ainsi à un cocktail explosif qui présenterait le plus important défi à ce jour pour les vaccins contre le Covid-19. Impossible, d'une part, de savoir si ces remèdes tant attendus restent efficaces face à une forme du virus qui compte douze mutations dans sa protéine "spike" (qui est la cible des vaccins). "On estime que le vaccin continue à faire son travail lorsqu'il y a trois ou quatre mutations dans la protéine 'spike', mais au-delà, il devient difficile de se prononcer", juge Lawrence Young. D'autre part, le fait que la mutation E484K complique la tâche aux anticorps produits après une vaccination n'est pas non plus de très bon augure.
Mais tout cela reste théorique. "Nous n'avons, pour l'instant, aucune preuve concrète que cette nouvelle souche défie l'efficacité des vaccins et il faudra attendre d'en savoir plus avant de demander aux laboratoires pharmaceutiques de se remettre au travail", assure Simon Clarke, le microbiologiste de l'université de Reading. Pour lui, il est d'ailleurs probable que dans le scénario du pire, l'efficacité des vaccins développés "serait amoindrie" et non pas réduite à néant.
Et s'il fallait quand même adapter les vaccins à cette nouvelle souche, "cela ne nécessiterait pas de tout reprendre à zéro", assure Lawrence Young. Le gros du travail pour déterminer le meilleur moyen de combattre ce virus a déjà été effectué et le chercheur britannique juge que le développement de nouveaux vaccins ne prendrait pas plus d'un ou deux mois. Surtout, tout le processus administratif de certification et d'autorisation serait beaucoup plus rapide, car "le profil clinique de sécurité des vaccins resterait le même", note Lawrence Young.
Il n'empêche que la découverte de ce variant illustre parfaitement ce qui, aux yeux de ce virologue britannique, attend le monde. Les vaccins développés sont une étape cruciale dans la lutte contre le Covid-19, mais il y a fort à parier "qu'il faudra ponctuellement les adapter à l'émergence de certaines souches mutantes", conclut-il. Après tout, c'est aussi ce qui se passe avec la grippe.