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Alors qu’une vingtaine de cas "suspects" de Covid-19 sont en cours d’analyse dans l’Hexagone, le gouvernement a annoncé, jeudi, la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni. "Tous les laboratoires sont mobilisés pour traquer cette variante du coronavirus" a souligné Jean Castex, sans cacher son inquiétude.

Alors que le gouvernement peine à enrailler l’épidémie de Covid-19, qui continue sa progression malgré les restrictions sanitaires, l’apparition du variant britannique sur le sol français inquiète au plus haut point. Une vingtaine de "cas suspects" sont en cours d’analyse selon le gouvernement, qui redoute que cette mutation plus contagieuse (de 40 % à 70 % selon les premières études) conduise à une explosion rapide de l’épidémie qui saturerait les services hospitaliers.

Une menace d’autant plus crédible que ce scénario catastrophe est en cours au Royaume-Uni, qui, pris de court par la montée en flèche du nombre de cas positifs, a été forcé de décréter un confinement total en urgence.

Si le gouvernement français a annoncé de nouvelles mesures, notamment la fermeture des frontières avec le Royaume-Uni jusqu’à nouvel ordre et des moyens de diagnostics accrus, certains scientifiques s’interrogent quant aux capacités de la France à contrer cette nouvelle variante du coronavirus.

Contrôle des frontières

Le 20 décembre, après l’annonce par le gouvernement britannique de la découverte du variant, la France avait déjà suspendu, comme la plupart des pays européens, toutes les connexions avec le Royaume-Uni pour 48 heures. La frontière a depuis été partiellement rouverte, notamment pour les ressortissants, à condition de présenter un test PCR négatif réalisé sur le territoire britannique.  Cette mesure sera "prolongée jusqu’à nouvel ordre", a annoncé, jeudi 7 janvier, le Premier ministre Jean Castex.

Une décision nécessaire mais jugée insuffisante par Éric Delaporte, professeur de maladie infectieuse et directeur de l’unité d’infectiologie de l’IRD (Institut de recherche pour le développement), contacté par France 24. "Avec le test PCR, il y a une fenêtre de contamination de 24 à 48 h qui ne peut pas être diagnostiquée. Même en cas de test négatif, les personnes arrivant sur le sol français devraient être soumises à une quarantaine de 14 jours. Le risque de contagion est certes minime, mais doit être évité dans le contexte sanitaire actuel" estime-t-il.

Difficultés de traçage

Autre aspect crucial face à la menace du variant britannique : le traçage des cas. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a expliqué surveiller cette question "comme le lait sur le feu" et annoncé le déploiement de "moyens logistiques et diagnostics très importants".

Le traçage est essentiel pour comprendre l’évolution du virus, évaluer et adapter la réponse. Mais s’il est facile de détecter les mutations, l’identification du variant britannique est, quant à elle, plus compliquée.   

"Avec les tests PCR nous pouvons repérer des anomalies et donc voir qu’il s’agit d’une mutation. Mais pour être certain qu’il s’agit bien du variant britannique, il faut conduire des analyses plus poussées de séquençage qui sont plus difficiles à faire en France" explique Nathan Smadja, médecin infectiologue à l’hôpital Bichat, interviewé sur France 24.

"Dans ce domaine, les Britanniques sont bien plus équipés et efficaces que nous" reconnaît Éric Delaporte. "Ce n’est pas un problème de compétences mais plutôt d’organisation et de personnel car tout doit passer par les laboratoires de référence. Notre système s’améliore, mais il reste peu propice pour conduire ce genre de tests à grande échelle, d’autant plus que les résultats doivent être obtenus rapidement pour contrôler efficacement les chaînes de transmission" s’inquiète le professeur.

Si la généralisation de ce type d'analyses n'est pas d'actualité, le ministre de la Santé a néanmoins affirmé que les PCR "douteux" feraient systématiquement l’objet du séquençage génétique.  

Quelle stratégie vaccinale ?

Malgré une contagiosité plus forte, les spécialistes restent convaincus que le vaccin sera efficace sur le variant britannique. "Le variant est presque identique au coronavirus que nous connaissons. Or la réponse immunitaire agit sur l’ensemble de la protéine, donc nous savons que le vaccin fournira un certain degré de protection même si nous ne pouvons pas, à l’heure actuelle, l’évaluer avec précision" affirme Nathan Smadja. 

En France, ou la réticence face aux vaccins est forte, le gouvernement avait souhaité démarrer la campagne en douceur. Mais avec l’arrivée du variant et l’aggravation de la situation sanitaire, l’exécutif a opéré un virage total. "L’arrivée de cette nouvelle forme plus contagieuse change la donne. Il est encore plus important d’accélérer la campagne mais nous avons pris du retard. Simplifier et élargir le processus ne se fera pas du jour au lendemain" déplore Éric Delaporte. "Lorsque la courbe des contaminations devient exponentielle, l’épidémie est impossible à contenir. En France nous n’en sommes pas là mais il faut rester extrêmement vigilent", conclut-il.

Si la pandémie de coronavirus semble relativement contenue à ce stade, il est encore impossible d'évaluer la circulation du variant britannique en France. Deux clusters "à risque", à Bagneux en région parisienne et près de Rennes faisaient encore, vendredi, l'objet d'une enquête sanitaire.