
Après le tollé provoqué par les révélations du quotidien britannique The Times, qui accuse l'Italie d'avoir acheté la paix dans la région afghane de Saroubi dont elle avait la charge jusqu'en août 2008, Rome nie en bloc et promet de poursuivre le jou
AFP - Les Italiens ont-ils payé les talibans pour se préserver d'attaques en Afghanistan ? Des informations du Times, démenties officiellement, ont semé le trouble jeudi en France car ces pratiques pourraient expliquer la mort de 10 soldats dans une embuscade, en août 2008.
La France et l'Italie ont fermement démenti jeudi les affirmations du quotidien britannique.
Selon The Times, les services secrets italiens auraient versé des dizaines de milliers
de dollars aux commandants talibans et à des chefs de guerre locaux pour maintenir en paix la région de Saroubi, dont les militaires italiens avaient la responsabilité avant d'être remplacés par les Français.
Pas informés de ces pratiques, les Français auraient eu une perception erronée, sous-évaluée, du risque dans la zone. Et un mois après en avoir pris le contrôle sécuritaire, dix d'entre eux périssaient à 50 km de Kaboul, lors d'une attaque de talibans, suscitant une immense émotion en France.
Le journal, qui cite des responsables militaires occidentaux, établit un lien direct entre les paiements aux talibans, l'ignorance par les Français de ces versements, et la mort des soldats français.
A Paris, le porte-parole de l'état-major des armées, l'amiral Christophe Prazuck, a assuré jeudi "ne disposer d'aucun élément permettant de confirmer ces informations". Il les a jugées "non fondées", tandis que l'Otan à Kaboul déclarait ne pas être au courant.
Le gouvernement italien a, lui aussi, qualifié ces allégations de "totalement infondées". Le ministre de la Défense Ignazio La Russa a annoncé qu'il poursuivrait en justice The Times, auteur de ces "allégations ordurières", "insulte à nos morts et à nos militaires".
"Le gouvernement Berlusconi n'a jamais autorisé ni consenti aucune forme de paiement d'argent aux membres de l'insurrection talibane en Afghanistan, et n'a pas connaissance d'initiatives de ce type du gouvernement précédent", a indiqué la présidence du Conseil italien dans un communiqué.
"Il suffit de rappeler que dans la première moitié de l'année 2008, les contingents italiens déployés en Afghanistan ont subi de nombreuses attaques, dont une spécifiquement dans la zone du district de Saroubi, le 13 février 2008", qui a coûté la vie à un officier, ajoute le texte.
Le Times fait état d'une démarche diplomatique, en juin 2008, de l'ambassadeur américain à Rome, à la suite d'allégations sur des paiements italiens aux talibans. Ce que dément également la présidence du Conseil.
A Kaboul, un haut gradé afghan a assuré jeudi à l'AFP que "beaucoup de pays de l'Otan", dont l'Italie, payent les insurgés pour que leurs soldats ne soient pas attaqués. Cette pratique est selon lui répandue à grande échelle, sauf chez les Britanniques et les Américains.
En France, l'opposition socialiste a immédiatement appelé le gouvernement à s'expliquer: "C'est très grave si c'est exact et je demande tout de suite que le ministre de la Défense (Hervé Morin) vienne dans les prochains jours devant la commission de la Défense pour expliquer et nous dire ce qu'il a comme informations", a déclaré Jean-Marc Ayrault, chef du groupe socialiste à l'Assemblée nationale.
Depuis le début de son engagement en Afghanistan en 2001, la France a perdu 36 soldats. Environ 3.000 militaires français y sont actuellement engagés.
Joël Le Pahun, le père d'un des dix soldats tués dans l'embuscade d'août 2008, a confié à la radio RTL que ces informations constituaient "un coup de massue". "Ca ajoute encore de la douleur à la douleur. Ca rouvre une plaie qui n’est toujours pas fermée", a-t-il dit.
"Si effectivement, mais cela toujours au conditionnel, les Italiens ont fait ça, ça ne grandit ni leur armée ni leur gouvernement", a-t-il commenté. "Ca s’appelle de la lâcheté".