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Moscou a annoncé l'arrivée, mardi, en Arménie des premiers avions transportant ses forces de maintien de la paix qui seront envoyées dans le Haut-Karabakh, après l'accord de cessez-le-feu signé sous son égide entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie.

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La fin de six semaines de combats meurtriers dans le Haut Karabakh. La Russie a commencé, mardi 10 novembre, à déployer quelque 2 000 soldats de maintien de la paix, après l'accord signé sous son égide entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie dans le Haut-Karabakh.

Cet accord consacre des victoires militaires azerbaïdjanaises dans cette région montagneuse du Caucase, aujourd'hui peuplée quasi exclusivement d'Arméniens, qui a fait sécession de l'Azerbaïdjan après une guerre dans les années 1990. Des affrontements y opposaient depuis fin septembre des séparatistes soutenus par Erevan et l'armée azerbaïdjanaise.

Entré en vigueur lundi, le texte a été signé par le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, et le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, ainsi que le président russe, Vladimir Poutine. Selon ce dernier, les belligérants gardent "les positions qu'ils occupent".

Un chemin "parfois plus dur que la guerre"

Moscou a ainsi annoncé l'arrivée en Arménie des premiers avions transportant ses forces de maintien de la paix qui seront ensuite envoyées dans le Haut-Karabakh. Au total, 1 960 militaires, 90 blindés et 380 autres véhicules seront mobilisés. Ils doivent être déployés à mesure que les forces arméniennes se retirent d'une série de territoires rétrocédés à l'Azerbaïdjan.  

Bakou reprend le contrôle de districts autour du Karabakh, sorte de glacis de sécurité constitué par les Arméniens autour de la république autoproclamée depuis trente ans. Bakou a aussi reconquis des territoires de la province séparatiste. Les terres encore sous contrôle arménien le restent, et un corridor les reliera à l'Arménie.

"Le chemin vers une paix durable est parfois plus dur que la guerre", a prévenu pour sa part le président de l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), George Tsereteli, en appelant les belligérants à revenir au plus vite aux "négociations pacifiques".

La Turquie en observation

La Turquie, grand soutien de Bakou, contrôlera avec la Russie l'application du cessez-le-feu au Nagorny Karabakh depuis un centre conjoint d'observation, a affirmé mardi la présidence turque à l'issue d'un entretien téléphonique entre Recep Tayyip Erdogan et Vladimir Poutine.

Ce centre d'observation russo-turc "sera basé sur le territoire de l'Azerbaïdjan" et "n'a rien à voir" avec les forces de maintien de la paix qui seront déployées au Nagorny Karabakh, a assuré la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova, lors d'une intervention télévisée.

Le Premier ministre arménien a indiqué sur Facebook que la signature de l'accord avait été "incroyablement douloureuse", mais que la décision s'imposait face aux avancées azerbaïdjanaises et avait aussi été réclamée par l'armée. "C'est un grand échec pour nous, une grande catastrophe", a-t-il déclaré.

Un accord signé "un genou à terre"

Pour Gaidz Minassian, enseignant chercheur à Science Po interrogé par France 24, cet accord s'est imposé, car "les frappes devenaient de plus en plus violentes et l'Arménie manquait de ressources humaines et matérielles pour y faire face". Le pays a ainsi "préféré signer cet accord un genou à terre plutôt que d'attendre le pire", analyse-t-il.

Le président azerbaïdjanais s'est lui réjoui de la "capitulation" de son ennemi. "J'avais dit qu'on chasserait [les Arméniens] de nos terres comme des chiens, et nous l'avons fait", a-t-il martelé. Le président français Emmanuel Macron a de son côté appelé à travailler à un "règlement politique durable [qui] préserve les intérêts de l'Arménie", et demandé "fermement à la Turquie de mettre fin à ses provocations".

Peu après l'annonce de l'accord, des milliers de manifestants en colère se sont rassemblés aux abords du siège du gouvernement arménien aux cris de "traître" et "démission" à l'adresse de Nikol Pachinian, porté au pouvoir par une révolte populaire en 2018. Des centaines d'entre eux ont pénétré dans les locaux, brisant des vitres et saccageant des bureaux. Le siège du Parlement a subi le même sort.

"L'heure est au deuil national en Arménie"

La police a repris le contrôle des bâtiments dans la matinée. L'opposition arménienne a annoncé une manifestation mercredi pour dénoncer "la page la plus honteuse de l'histoire" du pays.

"Il y a une colère mais surtout une profonde tristesse chez les Arméniens. L'heure est au deuil national. Les Arméniens font à la fois le deuil de leurs 1 300 morts en seulement six semaines et le deuil de leur région, ce bastion historique de l'Arménie. Cette défaite militaire a provoqué une crise politique majeure, dont nous verrons les développements dans les jours qui viennent", précise notre envoyé spécial à Erevan, Roméo Langlois.

En Azerbaïdjan, les habitants affichaient au contraire leur joie, sortant dans les rues, dansant et tenant des drapeaux ou scandant "Le Karabakh, c'est l'Azerbaïdjan". 

Le conflit a fait au moins 1 440 morts depuis le 27 septembre, selon des bilans très partiels. Depuis des semaines, la Russie et d'autres puissances tentaient d'obtenir un cessez-le-feu, mais trois tentatives avaient échoué.

Avec AFP