
Quelque 12 millions d’élèves, de l’école primaire au lycée, ont fait leur rentrée, lundi, dans une France reconfinée et un climat parfois tendu. En cause, le protocole sanitaire de l’Éducation nationale qui suscite l’inquiétude des syndicats et de professeurs, au point que certains se sont mis en grève ou ont exercé leur droit de retrait.
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Quand rentrée scolaire rime avec personnel enseignant en colère. Lundi 2 novembre, des millions d’élèves ont repris le chemin de l’école pour une journée marquée par l’hommage à Samuel Paty et un contexte d’aggravation de l’épidémie de Covid-19, à laquelle est censé répondre le nouveau protocole sanitaire de l’Éducation nationale.
“La façon dont le protocole est mis en œuvre dans les écoles n’est pas du tout renforcée, alors que nous sommes en période de reconfinement et que l’épidémie est très problématique en ce moment”, affirme Guislaine David, co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat SNUipp-FSU, contactée par France 24.
Le syndicat majoritaire du primaire a publié un communiqué, samedi, avec cinq autres organisations pour faire part du “ras-le-bol dans les écoles” face à une gestion de la crise sanitaire, “qui dégrade les conditions de travail déjà largement détériorées” dans l’Éducation nationale.
“Les mesures préconisées dans le protocole ne permettent pas d’assurer la sécurité sanitaire des élèves, des familles et des personnels dans les écoles”, poursuit Guislaine David. Mis à part le port du masque pour les élèves de plus de 6 ans, toutes les autres mesures ne sont pas applicables : les élèves seront toujours aussi nombreux, il y aura toujours autant de monde à la cantine, dans les cours de récréation… et on ne peut pas assurer la distanciation physique.”
Brassage d’élèves et gestes barrières “pas respectables”
Ces constats effectués dans le primaire semblent aussi valables pour plusieurs collèges et lycées où des actions ont lieu, lundi, dans plusieurs établissements de région parisienne. En Seine-Saint-Denis, des personnels de l’Éducation nationale ont par exemple décidé d’exercer leur droit de retrait ou de voter la grève contre un protocole sanitaire jugé “insuffisant”.
C’est le cas d’Arthur, professeur de français dans un collège à Saint-Denis, qui a voté lundi midi - comme la moitié des personnels de son établissement - une grève “comme dernier recours pour alerter sur la situation dans (s)on collège”. “On a tous envie de travailler, les élèves et les professeurs, mais on se rend compte depuis la rentrée que les gestes barrières ne sont pas respectés et respectables en l’état”, explique-t-il au téléphone à France 24. “On a des protections (des masques) mais elles sont insuffisantes, le brassage des élèves a lieu quotidiennement et dans les classes on n’a aucune ventilation adéquate.”
À cela s’ajoute le manque de moyens quotidiens, notamment dans les toilettes des élèves où seuls 8 robinets seraient disponibles pour le lavage de mains... de 570 élèves. “En plus, il n’y a pas de savon dans ces toilettes depuis le début de l’année scolaire, c’est surréaliste dans le contexte actuel”, s’indigne Arthur.
Même cas de figure dans un collège de Villepinte, où une vingtaine d’enseignants ont fait valoir leur droit de retrait lundi, estimant que les dernières mesures annoncées par le ministère n'étaient pas tenables au quotidien. “Le “nouveau” protocole sanitaire, on l’applique quasiment depuis la rentrée de septembre chez nous et on voit très bien que ça ne fonctionne pas”, affirme Anaïs, professeure de physique-chimie contactée par France 24. Le port des masques n’est pas respecté, le brassage de population est là, on ne peut pas respecter la distanciation sociale… depuis la rentrée, on a plus de 20 % des professeurs — moi y compris — qui ont été testés positifs au Covid-19”.
Plan de continuité pédagogique et “plus de moyens”
Toutes les personnes contactées s’accordent à dire qu’il n’est pas question de savoir si les établissements scolaires doivent être fermés, mais que le protocole doit être adapté à leur quotidien. “On craint que des contaminations aient lieu et qu’on soit obligés de fermer les écoles dans quelques semaines”, redoute Guislaine David, pour qui “il faut que le plan de continuité pédagogique préparé par le ministère au mois de juillet, qui n’est pas appliqué pour le moment, soit mis en place”.
Ce plan permettrait plus de distanciation sociale à l’école : les classes d’élèves, divisées en plusieurs groupes, alterneraient présence dans l’établissement et travail à distance. Une option qui ne semble pas envisagée, pour le moment, par le ministère de l’Éducation nationale. Joint par France 24, ce dernier renvoie à une note destinée aux rédactions de médias ce week-end, et dans laquelle il est précisé que "le service public de l'enseignement doit continuer à fonctionner aussi normalement que possible" au regard du rôle "essentiel" joué par l'école pour les élèves.
“L’alerte sociale” lancée samedi par les six syndicats de l’enseignement doit normalement amener une négociation avec le gouvernement. Si les discussions n’aboutissent pas, “un préavis de grève est prêt”, avertit le SNUipp-FSU. Les enseignants attendent aussi plus de moyens pour gérer au quotidien la situation sanitaire. “On manque d’agents d’entretien pour pouvoir désinfecter chaque salle de classe correctement, de personnel de vie scolaire pour pouvoir surveiller les couloirs et gérer les absences, et on manque d’un psychologue, d’un infirmier scolaire et d’une assistante sociale”, énumère Anaïs.
La situation sanitaire dans les écoles revêt finalement une importance pour l’ensemble de la société française, comme le relève Arthur : “On a quand même une part de responsabilité : si nos élèves contractent le virus ou le passent à d’autres, tous les sacrifices que fait la société avec ce nouveau confinement passeront à la trappe.”