Des milliers de personnes ont manifesté vendredi soir pour dénoncer la décision du Tribunal constitutionnel polonais. Les juges ont en effet proscrit l'IVG en cas de malformation grave du fœtus, un durcissement qui équivaut à une quasi interdiction de l'avortement dans ce pays profondément divisé sur la question.
La réaction ne s'est pas fait attendre. Des milliers de personnes sont sorties vendredi 23 octobre dans les rues de dizaines de villes de Pologne pour protester contre une quasi totale interdiction de l'avortement, alors que la législation du pays comptait déjà parmi les plus restrictives de l'UE.
Le Tribunal constitutionnel polonais a proscrit jeudi l'IVG en cas de malformation grave du fœtus, une décision a priori définitive, pourtant contestée par l'opposition libérale et des organisations de défense des droits des femmes dans ce pays très ancré dans la tradition catholique.
"La décision d'hier, c'est l'interdiction totale de l'avortement en Pologne, car 98 % des IVG légales en Pologne concernent les malformations du fœtus", a indiqué à l'AFP Krystyna Kacpura, directrice de la Fédération pour les femmes et le planning familial.
"C'est une infamie de l'État polonais envers la moitié de sa population, les femmes. Nous ne l'oublierons jamais", a-t-elle ajouté.
Désormais, le sort des femmes de modeste condition devient particulièrement "préoccupant", s'est encore inquiété encore Krystyna Kacpura. "Il ne leur restera que des méthodes dangereuses, comme un avortement réalisé par des personnes non qualifiées, avec des méthodes que je ne veux même pas évoquer."
À Varsovie, des milliers de personnes, principalement des jeunes, ont afflué dans le quartier ou réside le chef du parti ultra-catholique nationaliste au pouvoir, Droit et Justice (PiS), Jaroslaw Kaczynski.
L'accès à sa maison avait été barré par des dizaines de fourgons de police et des policiers en tenue de combat. Dans d'autres villes, les manifestants se sont réunis sur les grandes places, devant les sièges locaux du parti Droit et Justice, devant des églises ou des évêchés.
"Une violation des droits de l'Homme"
La Commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe, Dunja Mijatovic, avait réagi jeudi à la décision du Tribunal constitutionnel, dénonçant dans un communiqué une "violation des droits de l'Homme".
Usunięcie podstawy niemal wszystkich legalnych aborcji w #Polska to praktycznie ich zakaz i naruszenie #PrawaCzlowieka.Dzisiejszy wyrok TK oznacza aborcje w podziemiu / za granicą dla tych, których na to stać i jeszcze większe cierpienie pozostałych.Smutny dzień dla #PrawaKobiet
— Commissioner for Human Rights (@CommissionerHR) October 22, 2020Le chef du Parti populaire européen (PPE), ex-président du Conseil européen et ancien Premier ministre polonais, Donald Tusk, a quant à lui, pointé une "crapulerie politique".
Le jugement, conforme au souhait du PiS, restreint le droit à l'avortement aux seuls cas de danger de mort pour la femme enceinte et de grossesses résultant d'un viol ou d'un inceste.
La présidence polonaise et l'épiscopat de Pologne ont exprimé leur "satisfaction" après le jugement prononcé par ce Tribunal, réformé par le gouvernement du PiS et accusé depuis de compter dans ses rangs nombre de juges loyaux à ce parti.
Selon les données officielles, la Pologne, pays de 38 millions d'habitants, a enregistré en 2019 seulement environ 1 100 cas d'IVG, dont l'écrasante majorité était autorisée à cause d'une malformation irréversible du fœtus.
Selon des ONG, le nombre d'IVG pratiquées clandestinement en Pologne ou dans des cliniques étrangères pourrait atteindre près de 200 000 par an.
Avec AFP