logo

Thaïlande : des dizaines de milliers de manifestants continuent à défier l'État d'urgence

Plusieurs dizaines de milliers de manifestants pro-démocratie ont bravé samedi, l'interdiction de rassemblement à Bangkok pour réclamer la démission du Premier ministre et une réforme de la monarchie, avant de se disperser dans le calme.

Pour la troisième journée consécutive, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé à Bangkok samedi 17 octobre, un défi lancé au pouvoir et à l'État d'urgence instauré jeudi qui interdit les rassemblements de plus de cinq personnes.

Les tensions du vendredi 16 octobre, où la police a évacué les protestataires à l'aide de canons à eau et procédé à une série d'interpellations, n'ont pas dissuadé la contestation étudiante.

Samedi 17 octobre, cette dernière s'est déployée sur plusieurs sites hors du centre-ville, rendu difficile d'accès après la fermeture de toutes les lignes de métro par les autorités.

Des milliers de personnes se sont rassemblées dans le nord de la mégalopole, scandant "Prayut, va te faire foutre !", et levant trois doigts, un geste de résistance emprunté au film "Hunger Games".

"Si je ne manifeste pas, je n'aurai pas d'avenir", a expliqué à l'AFP Min, 18 ans, qui avait apporté casque et masque à gaz pour se protéger d'une éventuelle charge des forces de l'ordre.

De l'autre côté de la rivière Chao Phraya, des milliers de protestataires ont crié "Vive le peuple, à bas la dictature !", tandis que d'autres bloquaient la circulation dans le sud-est de la ville, arborant des panneaux : "Vous ne pouvez pas nous tuer, nous sommes partout".

Réforme de la monarchie

Le mouvement, qui défile depuis trois mois, réclame la démission du Premier ministre, Prayut Chan-o-cha, porté au pouvoir par un coup d'État en 2014 et légitimé par des élections controversées l'année dernière. Il ose aussi demander une réforme de la puissante et richissime monarchie, un sujet tabou dans le pays il y a peu.

Le roi Maha Vajiralongkorn n'a pas directement commenté les événements, mais déclaré à la télévision que la Thaïlande avait "besoin d'un peuple qui aime son pays, d'un peuple qui aime l'institution [que représente la monarchie]".

La situation suscite un fort engouement international : samedi soir, le hashtag #mobOctober17 était numéro un sur Twitter.

Des dizaines de personnes ont été interpellées ces quatre derniers jours, dont dix leaders du mouvement pro-démocratie. Certaines ont été depuis relâchées, d'autres libérées sous caution, d'autres comme Anon Numpa, particulièrement virulent envers la royauté, ont été emprisonnées dans le nord du pays.

"Arrestations arbitraires"

Le parti d'opposition Pheu Thai a appelé le gouvernement à libérer immédiatement les personnes détenues.

Le décret promulgué est "un feu vert" donné aux autorités "pour violer des droits fondamentaux et opérer des arrestations arbitraires en toute impunité", a condamné l'ONG Human Rights Watch, appelant la communauté internationale à réagir.

"Ne violez pas la loi, […] je ne démissionnerai pas", a mis en garde vendredi 16 octobre le général Prayut Chan-o-cha, ajoutant que les mesures d'urgence seraient appliquées pendant une période maximale de trente jours. Un couvre-feu n'est pas exclu dans la capitale.

Le militaire est au pouvoir depuis qu'il a renversé en 2014 Yingluck Shinawatra, sœur de l'ancien Premier ministre Thaksin Shinawatra.

"Des centaines de milliers de personnes demandent aujourd'hui des changements", a relevé cette dernière sur Twitter, exhortant Prayut Chan-o-cha à tout faire pour "restaurer la paix".

Aux tensions politiques s'ajoute une crise économique. Tributaire du tourisme et verrouillée depuis la pandémie de coronavirus, la Thaïlande est en pleine récession avec des millions de personnes sans emploi.

La Thaïlande est habituée aux violences politiques, avec douze coups d'État depuis l'abolition de la monarchie absolue en 1932.

Avec AFP